CHAPITRE 18 : l'ombre d'une vie

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ROSE

J'ouvre difficilement les yeux et entrevois Manel debout devant moi, la mine inquiète.
J'étais dans une chambre d'hôpital, en train d'être perfusée.

« Est-ce que ça va ? Je suis navré, je n'aurais pas dû partir comme ça. J'étais revenu chercher quelques papiers que j'avais oubliés, lorsque je t'ai trouvée par terre, évanouie. Je t'ai alors amenée au plus vite à l'hôpital. »
Sa voix résonne dans ma tête, je me sens encore étourdie et confuse. Qui était cette mystérieuse dame ? Était-ce mon imagination qui me jouait des tours, ou l'avais-je réellement vue flotter à quelques centimètres du sol comme un être surnaturel ?

Alors que je reste là à spéculer sur ma vision, le docteur Sakho, que je connais bien, s'approche de moi et fait quelques diagnostics avant de me poser des questions :

« Comment vous vous sentez à présent, Rose ? Ressentez-vous des douleurs ou quoi que ce soit d'autre ? Peut-être un mal de tête ? »

Je me contente de secouer la tête négativement.
« Je vais bien, Aliou, merci. »

« Que s'est-il passé ? Comment vous êtes-vous évanouie ? » demande-t-il aussitôt, l'air curieux.

Si je leur raconte ce qui s'est réellement passé, ils me prendront sûrement pour une folle. Pour me tirer d'affaire, car je sais qu'ils ne me lâcheront pas tant que je n'aurai pas satisfait leur curiosité, j'invente une excuse :
« En fait, je me suis tout à coup sentie vaseuse, et avant que je ne puisse m'asseoir, je me suis écroulée. C'est sûrement à cause de la fatigue et de l'anémie. »

« Je vois, les perfusions vous feront du bien. Je vais aussi vous prescrire du fer et quelques vitamines. Si vous voulez, je peux parler au patron pour qu'il vous accorde quelques jours de congé, afin que vous puissiez reprendre des forces. » dit-il avec beaucoup d'attention à mon égard.

Il a toujours été très humain, le docteur Aliou Sakho. Tout le monde l'admire dans cet hôpital, du personnel aux techniciens de surface.
Mais son célibat donne aussi de l'espoir à plusieurs femmes par ici, comme l'infirmière Sané, la docteur adjointe Madjiguéne... la vermine... bref.

« Non, ce n'est pas la peine. Après une bonne nuit de sommeil, je pense que je serai prête à reprendre du service. C'est devenu déprimant pour moi de rester à la maison. » répondis-je.

Il sourit brièvement et s'éloigne, en saluant Manel au passage. Il a beaucoup de travail, et le fait qu'il m'ait accordé de son temps pour discuter me touche énormément.

Le fait d'être maintenant coincée avec Manel dans cette chambre est un peu gênant. Notre mariage est terminé, et il n'y a plus rien qui nous lie maintenant. Il me lance un regard interrogateur que je ne comprends pas vraiment.

« Tu as vu comment il te dévorait des yeux ? A-t-il oublié que tu es mar... » Il s'interrompt, se rappelant que nous ne sommes plus "mariés" comme il le sous-entendait.

« Tu m'as répudiée, j'espère au moins que tu t'en souviens » lui répliquai-je. « Donc, on ne se doit plus aucune loyauté, et nos vies ne sont plus liées. Je n'ai plus de mots à dire sur ce qui te concerne, et vice versa. Qu'il me dévore ou me mange littéralement des yeux, je suis désolée, mais ça ne te regarde pas. Merci quand même de t'être occupé de moi. Si tu as payé quoi que ce soit pour mon hospitalisation, je te rembourserai jusqu'au moindre petit centime. »

Les époux marionnettesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant