CHAPITRE 10 : Une subtile emprise

46 6 0
                                    

ASTOU

En payant sa caution et avec l'intervention d'Omar, j'ai pu ramener Mademba avec moi. Une fois arrivés à mon appartement, je le laisse prendre un bain et se rafraîchir avant de lui demander des explications.

« Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi avoir volé cet ordi ? » l'interrogeai-je.

« Je... je me souviens que ma femme m'a préparé un dîner surprise, mais j'ai eu à plusieurs reprises la sensation d'être possédé. Elle m'a fait faire des trucs inconsciemment, puis, quand elle m'a ordonné d'acheter un ordi, je suis sorti de la maison comme poussé par une aura mystique vers le magasin où j'ai volé un ordi devant le propriétaire... Pourquoi ferais-je ça à ton avis si j'étais sain d'esprit ? C'est absurde. La suite, tu la connais », se confessa-t-il en s'affaissant sur le canapé en face de moi.

« En gros, tu veux dire que ta femme est une sorte de sorcière qui t'a jeté un sort ? C'est difficile à croire pour moi. Qui marabouterait son mari juste pour un ordinateur ? » dis-je, dubitative.

« Je sais que c'est dingue, voire incroyable, mais c'est ce qui m'est arrivé. Tu es libre de ne pas y croire, je ne t'en voudrais pas », affirma-t-il en me fixant de son regard profond et sincère.

Tant mieux s'il ne m'en veut pas, car je ne crois pas à cette histoire, même s'il a l'air sincère. Malgré tout, je lui fais confiance. Peut-être a-t-il ses raisons de ne pas vouloir me raconter la vérité. Je respecte son choix.

Je m'éclipse une minute dans ma chambre et reviens avec mon ordinateur que je pose sur la table basse. « Écoute, si c'est si important, j'ai un ordi tout neuf que je n'ai pas vraiment utilisé. Je préfère de loin utiliser ma tablette. Prends-le, je te l'offre de bon cœur. »

Mademba ne me laisse pas répéter mon offre. Il saisit rapidement l'ordinateur, les yeux brillants et les traits du visage détendus. « Merci beaucoup, Astou. Tu me décharges d'un lourd fardeau. Elle ne cessait de me harceler avec ça, maintenant je vais avoir la paix dans mon foyer grâce à toi. »

Je suis touchée par tant de reconnaissance de sa part, pourtant je ne trouve pas avoir fait grand-chose. Moi qui croyais que seules les femmes souffraient dans les ménages, voilà un exemple d'homme tourmenté dans son mariage. Ça m'a brisé le cœur de voir la tête qu'il faisait.
Mademba est un type bien. Il mérite d'avoir une épouse qui le traite bien, pas une bourreau.

« À présent, je crois qu'il est temps que je rentre. Merci encore une fois », dit-il en se levant d'un bond, visiblement excité.

Je lui souris, contente d'avoir pu aider, et l'accompagne jusqu'à la sortie.

En refermant la porte après son départ, je reçois un coup de fil d'Ibrahim.

Appel téléphonique

Moi : Mon cœur, comment ça va ?

Ibrahim : Je suis désolé de te le dire comme ça, mais je pense qu'il vaudrait mieux faire une pause dans notre relation. Je me sens vraiment coupable vis-à-vis de ma femme, elle est enceinte et ne mérite pas que je...

Moi : C'est bon, j'ai compris. Je suis prête à attendre le temps qu'il faudra. Mon amour pour toi ne s'envolera pas, peu importe le temps qui s'écoulera.

Ibrahim : Tu es sûre...

Moi : Certain. Tu es l'homme qu'il me faut, je le sens.

Ibrahima : Waouh, j'avoue que ça me surprend venant de toi. Je pensais que tu allais m'envoyer balader, me crier dessus, m'insulter, comme l'aurait fait n'importe quelle autre fille.

Moi : Je ne suis pas n'importe qui. Je sais aussi que tu ne me trahirais jamais et qu'un jour, tôt ou tard, on s'unira.

**Ibrahima** : Tu es unique, c'est pour ça que je t'aime. Je serai certainement l'homme le plus heureux si tu deviens mienne. Bon, il faut que je raccroche, Ndeye vient vers moi.

Moi : Ok, je t'embrasse.

Ibrahim : Ciao mon amour.

---

Fin de l'appel.

Pour dire la vérité et rien que la vérité, même s'il a avancé une raison claire, ça me fait mal.
Ce n'est pas facile d'occuper une place secondaire. Je suis consciente que, s'il devait faire un choix décisif, il y a de fortes chances qu'il choisisse sa femme.
Pourquoi, bon sang, suis-je si obsédée par cet homme ?
Avec tous les hommes qu'il y a dans ce monde, pourquoi ai-je dû tomber amoureuse d'un type marié ?

MOSSANE

« Tu es une épouse ou une décoration ? Comment peux-tu ne pas cuisiner ? Je plains mon frère, il doit être tellement maigre, comme un brindille », s'indigna Ngoné lorsque je lui dis qu'il n'y avait rien à manger.

Je ne vois pas pourquoi il est obligatoire pour une femme de savoir cuisiner. À mon avis, c'est juste un plus, rien de plus.
Quant à cette créature, la sœur de mon mari, elle me tape déjà sur les nerfs par sa simple présence. Je ne tolérerai donc pas qu'elle débite des critiques déplacées à mon égard.

« Ngoné, c'est ça ? D'abord, ici c'est chez moi, pas votre cour familiale. Si tu veux rester, tu as intérêt à garder ta langue dans ta bouche et ne pas te mêler de mes affaires », répliquai-je d'un ton menaçant.

« Je dis seulement la vérité. Tu es inutile. À quoi sert une épouse qui ne cuisine pas ? » me défia-t-elle.

Énervée, je ramasse ses sachets contenant ses affaires et les jette hors de la maison. Elle me suit en hurlant bruyamment pour ameuter le voisinage. Alors que je fais rouler ses bagages au loin avec mes pieds, une ombre me couvre soudainement et me barre la route.
Je lève progressivement les yeux et me rends compte que c'est Mademba. Il tient un ordinateur neuf entre les mains. Ngoné, qui m'avait rattrapée, commença à chouiner en voyant son frère : « Tu vois comment ta femme me traite ? Je suis venue vous rendre visite et elle me renvoie comme un chien ! »

Attends, s'il a acheté l'ordi, cela veut dire que... ça a marché.
Non, j'y crois pas... ça a réellement marché ?

Une idée diabolique me vient à l'esprit sur-le-champ. Je ne sais pas si ça va fonctionner, mais je ne perds rien à essayer.

« Chéri, elle m'a insultée, donne-lui une gifle dont elle se souviendra toute sa vie », formulai-je comme un ordre mystique.

Mademba administre sur-le-champ une baffe phénoménale à sa sœur, qui s'affale au sol.
C'est un peu exagéré, je le reconnais. Je ne voulais pas qu'il soit si brutal avec elle, mais bon, bien fait pour sa grande gueule.

« Je suis fière de toi, chéri. Il ne te reste plus qu'à lui dire de s'en aller pour ne plus revenir », ajoutai-je.

Il s'exécute en criant à Ngoné : « Hors de ma vue avant que je t'en rajoute une autre ! »

La concernée se relève illico, ramasse ses affaires, et se carapate, le visage marqué par la terreur.

« Oh, un ordi ! Merci beaucoup, chéri. Tu es un amour », souris-je en lui prenant l'ordinateur, puis je me colle à lui et nous avançons d'un pas synchronisé vers notre maison.

C'est tellement bon d'avoir un contrôle sur son homme.
Finalement, je ne vais pas me ridiculiser pour le rendez-vous de samedi. Avec le pouvoir des marionnettes, je donnerai aux filles la chance d'obtenir tout ce qu'elles rêvaient pour leurs mariages respectifs.

Vive les nouvelles reines de leurs foyers !

À suivre...

Les époux marionnettesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant