Les époux marionnettes

CHAPITRE 17 : Doux-amer

ROSE

Manel avait pris ses bagages et était sorti de la maison sans que je ne puisse rien faire. Il était résolu, et mes mots semblaient ne pas le toucher le moins du monde.
Lorsque la porte claque derrière lui, je m'affaisse sur le canapé, les mains enfoncées dans mes cheveux. Je me remémore les moments heureux passés ensemble, et cela me déchire encore plus de l'intérieur. La maison semble résonner des échos du passé, et des scènes de complicité défilent sous mes yeux jusqu'à ce que la porte se rouvre et qu'une ombre se dessine sur le seuil. Je relève la tête, curieuse, et me rends compte que c'est Mame Cheikh. Le voir, c'est comme une bouffée de fraîcheur dans un désert aride. Je me précipite vers lui et l'enlace en éclatant en sanglots.

« Il... il m'a quittée... je... »

Mes mots sont étouffés par mes pleurs, et je m'agrippe à Mame Cheikh, mes doigts serrant le col de son polo. Mais il ne réagit pas ; je le sens froid, comme jamais auparavant.

En levant les yeux vers son visage, je remarque qu'aucune émotion ne transparaît. Son regard est vide, presque fantomatique.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi tu ne dis rien ? Ça ne te fait plus rien de me voir dévastée ? » demandai-je, la frustration venant s'ajouter à ma tristesse.

« Écoute, on doit parler... sérieusement, » répond-il en se détachant subtilement de moi.

Son comportement m'effraie ; j'ai l'impression qu'il n'est pas venu pour une simple visite de courtoisie. L'atmosphère en est même corrompue par son flegme, indifférent à mes sentiments.

Malgré tout, je reste raisonnable et l'invite à s'asseoir. Je fais de même. Il prend un temps considérable avant de déclarer :

« Je ne peux plus continuer, Rose... »
« Tu ne peux plus continuer quoi ? » m'étonnai-je.

Il me fixe du coin de l'œil et poursuit :

« J'aime ma femme, OK ? Elle représente tout pour moi. Entre toi et moi, ce n'était qu'une aventure, avec une fin inévitable. On a passé de bons moments, mais ça ne peut pas aller plus loin. En bref, je voulais t'informer de ma décision : je vais arrêter de te fréquenter et me concentrer sur mon mariage. Je veux désormais être fidèle à Saly... et... »

Je ris sardoniquement. J'aurais aimé croire que c'est une blague, mais le ton de mon interlocuteur ne laisse aucun doute quant au sérieux de ses propos. À cet instant, j'ai compris que le destin se liguait contre moi ou me jouait une vilaine farce.

Les deux hommes de ma vie ont décidé, comme d'un commun accord, de me quitter.
Je ne sais plus quoi penser. Est-ce un complot ou juste une coïncidence ? Mystère...

« Bon... je dois y aller maintenant. Et désolé pour ton mari. J'espère que vous pourrez arranger les choses entre vous, » ajoute-t-il en se levant, prêt à partir sans un remord.

Je retiens mes larmes pour ne pas lui montrer ma vulnérabilité.
J'ai tant de choses à dire, à évacuer, mais chaque fois que j'ouvre la bouche, seul un souffle en sort. Le choc a été si intense que j'en ai perdu la voix.

Feignant la résignation, je vais rapidement lui ouvrir la porte. Il sort sans un regard en arrière, la tête haute, comme si nous étions de parfaits étrangers et que nous n'avions jamais rien partagé d'intime.
Je referme la porte brutalement, alors qu'il avait à peine franchi le seuil. Cela me soulage de la fermer ainsi. Peut-être que chaque fois qu'il regardera la petite éraflure que ça laisse, il se rappellera de la souffrance qu'il m'a infligée.