Chapitre 11 : Le Poids de la Responsabilité

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Les rayons du soleil perçaient faiblement à travers la brume matinale, enveloppant le marché d'une lumière terne. L'ombre de la grève planait encore sur les vendeurs. Ceux qui avaient bravé les menaces affichaient un mélange de fierté et d'inquiétude, tandis que les autres tentaient de masquer leur culpabilité. Aaric et Mirembe, bien qu'éreintés, sentaient que le mouvement avait réveillé une étincelle dans la communauté. Mais cette victoire fragile était loin de suffire.

— On ne peut pas s'arrêter là, déclara Aaric, s'adressant à un groupe restreint de vendeurs dans une arrière-boutique. Ces collecteurs reviendront, plus agressifs encore. Il faut renforcer notre position.

— Et comment, exactement ? répondit une femme, les bras croisés. Ils ont l'argent, les muscles, et probablement des appuis dans les hautes sphères. Nous avons quoi ? Des mots ?

Mirembe prit la parole, son ton ferme mais compatissant.

— Nous avons notre solidarité. Chaque fois que nous nous rassemblons, nous leur montrons qu'ils ne peuvent pas nous briser. Mais vous avez raison, il nous faut plus.

Un silence s'installa, chacun cherchant une solution. Puis, Samuel, qui était resté en retrait, fit un pas en avant.

— Il est temps d'élargir le mouvement. Vous n'êtes pas les seuls à souffrir de ce genre d'injustice. Si nous pouvons rallier d'autres marchés, d'autres groupes, alors nous aurons une vraie force.

Les visages s'éclairèrent légèrement. L'idée de s'unir à une cause plus grande redonnait de l'espoir, mais Aaric savait que cela signifiait aussi prendre des risques encore plus grands.

— Très bien, dit-il. Organisons une rencontre avec d'autres représentants. Nous devons agir vite, avant qu'ils ne ripostent.

Le soir même, Aaric et Mirembe se rendirent dans un quartier voisin pour rencontrer un groupe de marchands. Le contraste avec leur propre marché était frappant : les étals étaient en mauvais état, et les visages des vendeurs étaient marqués par des années de fatigue et de résignation.

Un homme d'une quarantaine d'années, au regard dur mais bienveillant, les accueillit.

— Je m'appelle Matheo, dit-il en leur serrant la main. J'ai entendu parler de ce que vous avez fait. C'est courageux, mais dangereux.

— Nous n'avons pas le choix, répondit Mirembe. Chaque jour, nous perdons un peu plus, et eux gagnent un peu plus. Si nous restons silencieux, ils finiront par nous réduire à rien.

Matheo hocha lentement la tête.

— Vous avez raison. Mais ici, les gens ont peur. Les collecteurs ont déjà détruit des étals, battu des vendeurs. Certains ont même perdu leur maison.

— Et c'est précisément pour cela que nous devons nous unir, intervint Aaric. Plus nous sommes nombreux, moins ils pourront nous intimider.

Après une longue discussion, Matheo accepta de parler à d'autres représentants locaux. Cependant, il avertit Aaric et Mirembe que les collecteurs ne resteraient pas passifs face à cette montée de résistance.

Quelques jours plus tard, Aaric remarqua qu'il était suivi. À chaque coin de rue, une silhouette familière semblait apparaître brièvement avant de disparaître. Il tenta d'ignorer ses soupçons, mais la sensation d'être observé le rendait nerveux.

Un soir, alors qu'il rentrait chez lui après une longue journée de réunions, il sentit une main se poser brusquement sur son épaule. Avant qu'il ne puisse réagir, deux hommes l'entraînèrent dans une ruelle sombre.

— Alors comme ça, tu veux jouer au héros ? grogna l'un des hommes, son visage à peine visible dans l'obscurité.

Aaric essaya de se débattre, mais l'autre homme le maintenait fermement.

— Écoute bien, gamin, continua le premier. Si tu continues à foutre ton nez là où il ne faut pas, tu ne reverras pas le soleil se lever.

Ils le jetèrent violemment contre un mur avant de s'éloigner, leurs rires résonnant dans la nuit.

Aaric resta là un moment, son corps endolori mais sa détermination intacte. Il savait que ce n'était qu'un avertissement, mais cela ne ferait que renforcer sa volonté.

De retour chez lui, il trouva Mirembe en train de trier des documents. Lorsqu'elle vit son visage marqué par des ecchymoses, elle se précipita vers lui.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle, horrifiée.

— Rien que je ne puisse gérer, répondit-il en grimaçant. Ils essaient juste de me faire peur.

— Aaric, ce n'est pas rien. Ces gens sont dangereux.

— Je sais, mais je ne peux pas reculer maintenant. Trop de gens comptent sur nous.

Mirembe baissa les yeux, déchirée entre son inquiétude et son admiration pour la détermination d'Aaric.

— Alors on continue, murmura-t-elle finalement. Mais on doit être plus prudents.

Pendant ce temps, les collecteurs intensifiaient leurs efforts pour briser le mouvement naissant. Des étals furent vandalisés, des menaces furent proférées, et certains vendeurs furent contraints de quitter le marché. Malgré cela, l'élan de solidarité grandissait.

Samuel organisa une réunion avec plusieurs groupes de marchands, espérant poser les bases d'une coalition. La salle était bondée, les discussions animées, mais une inquiétude palpable persistait.

— Si nous faisons front commun, commença Samuel, nous aurons une vraie chance de changer les choses. Mais cela nécessitera des sacrifices.

Aaric, debout à ses côtés, ajouta :

— Je sais que c'est effrayant. Mais regardez autour de vous. Nous sommes nombreux, et ensemble, nous sommes forts. Ils ne peuvent pas tous nous réduire au silence.

Les applaudissements qui suivirent renforcèrent sa conviction. Pour la première fois, il sentit qu'ils avaient une chance réelle de renverser la situation.

Cependant, dans l'ombre, les collecteurs préparaient leur riposte. Le leader du groupe, un homme influent nommé Bakari, commençait à sentir que le mouvement prenait une ampleur dangereuse.

— Ces petits marchands pensent qu'ils peuvent nous défier, grogna-t-il en s'adressant à ses hommes. Trouvez leur point faible. Brisez-le, et le reste tombera en morceaux.

Le jeu de pouvoir venait de prendre une tournure plus sombre, et Aaric ne tarderait pas à en payer le prix.

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