Les jours qui suivirent la réunion furent marqués par une étrange accalmie. Les collecteurs semblaient s'être volatilisés, laissant les marchands du marché reprendre leurs activités sans interruption. Cependant, Aaric, Mirembe, et Samuel savaient qu'il ne s'agissait pas d'un répit, mais d'un silence menaçant.
La tension était palpable dans l'air, et chacun, bien qu'animé par un sentiment de solidarité renforcée, s'attendait à ce que la riposte de Bakari soit imminente. Aaric en particulier dormait peu, son esprit constamment en éveil. Ses blessures physiques s'étaient estompées, mais l'impact psychologique de l'agression restait vivace.
Mirembe l'observait avec une inquiétude grandissante. Elle voyait les traits de son visage se creuser, son regard se durcir. Aaric n'était plus le jeune homme insouciant qu'elle avait rencontré il y a quelques mois. Il portait désormais sur ses épaules une responsabilité qui dépassait son âge.
— Tu devrais te reposer, murmura-t-elle un soir alors qu'il examinait des notes à la lueur d'une bougie.
Aaric releva les yeux, un sourire fatigué aux lèvres.
— Je ne peux pas. Si je m'arrête, tout risque de s'effondrer.
— Si tu t'effondres, c'est toi qui mettras tout en danger. Tu es devenu le pilier de ce mouvement, Aaric. Les gens comptent sur toi, mais tu ne pourras pas les aider si tu te détruis toi-même.
Il la regarda, touché par sa sollicitude, mais incapable de suivre son conseil.
— Je te promets de faire attention, dit-il simplement avant de replonger dans ses notes.
Le lendemain matin, le marché fut secoué par une nouvelle tragique. L'un des marchands, un homme respecté nommé Mwamba, avait été retrouvé inconscient près de son étal. Ses marchandises avaient été saccagées, et des messages de menace avaient été peints sur les murs alentours : "Abandonnez ou subissez les conséquences."
La nouvelle se répandit rapidement, provoquant un mélange de colère et de peur parmi les vendeurs. Aaric et Mirembe se rendirent immédiatement au chevet de Mwamba, qui avait été transporté chez lui par des voisins.
— C'est un avertissement, dit Mwamba d'une voix faible. Ils veulent nous diviser.
— Et ils ne réussiront pas, répondit Aaric avec détermination. Mais nous devons renforcer notre sécurité.
Samuel arriva peu après, l'air sombre.
— Ils jouent à un jeu dangereux. Si nous ripostons de la mauvaise manière, nous risquons de perdre la sympathie de ceux qui commencent à nous soutenir.
— Alors que faisons-nous ? demanda Mirembe.
— Nous devons trouver un moyen de révéler leur cruauté au grand jour. Si les collecteurs agissent dans l'ombre, c'est parce qu'ils craignent la lumière.
Quelques jours plus tard, Aaric et Samuel mirent au point un plan audacieux. Avec l'aide de plusieurs marchands, ils installèrent des caméras cachées autour du marché. Ils espéraient capturer des preuves des exactions des collecteurs et les utiliser pour mobiliser un soutien plus large, notamment auprès des autorités locales.
Entre-temps, Matheo, du quartier voisin, les avertit que des rumeurs circulaient : Bakari aurait engagé des hommes supplémentaires pour intimider les meneurs du mouvement.
— Vous devez être prudents, dit-il à Aaric. Ces gens n'hésiteront pas à aller plus loin.
— Nous le savons, répondit Aaric. Mais nous ne reculerons pas.
Une semaine après l'attaque de Mwamba, les collecteurs passèrent à l'action. Ils firent une descente brutale sur le marché en pleine journée, renversant les étals et intimidant les vendeurs. Mais cette fois, ils furent filmés.
Le soir même, Aaric, Samuel, et Mirembe visionnèrent les images. Elles étaient accablantes : on y voyait clairement les hommes de Bakari en train de vandaliser le marché et de menacer les marchands.
— C'est notre chance, déclara Samuel. Avec ces preuves, nous pouvons les exposer.
— Mais comment ? demanda Mirembe. Si nous les dénonçons directement, ils sauront que cela vient de nous.
— Nous devons trouver un intermédiaire, répondit Aaric. Quelqu'un qui pourra diffuser ces images sans que notre implication soit évidente.
Ils décidèrent de faire appel à une journaliste locale, Awa, connue pour ses enquêtes sur la corruption et les abus de pouvoir. Awa avait la réputation d'être intrépide et intègre, et elle était respectée aussi bien par les classes populaires que par certains membres influents de la société.
Awa accepta de les rencontrer dans un café discret. Aaric lui expliqua la situation, et lui remit les images.
— Ce que vous faites est courageux, dit-elle après avoir visionné une partie des enregistrements. Mais vous devez savoir que cela vous expose encore davantage.
— Nous le savons, répondit Aaric. Mais nous n'avons plus le choix.
— Très bien, dit Awa. Je vais diffuser ces images, mais je devrai protéger mes sources.
— C'est tout ce que nous demandons, répondit Samuel.
Quelques jours plus tard, les images furent publiées sur les réseaux sociaux et dans un reportage télévisé. La réaction fut immédiate. Les citoyens de la ville, choqués par la brutalité des collecteurs, commencèrent à exprimer leur soutien aux marchands.
Bakari, furieux, convoqua une réunion avec ses hommes.
— Qui est à l'origine de ça ? rugit-il.
— On ne sait pas encore, répondit l'un de ses lieutenants. Mais nous avons une liste des meneurs du mouvement.
Bakari se tut un moment, ses yeux sombres fixant le mur devant lui.
— Alors il est temps de leur montrer ce qu'il en coûte de nous défier.
Pendant ce temps, au marché, l'atmosphère oscillait entre l'espoir et l'inquiétude. Beaucoup de vendeurs étaient galvanisés par le soutien public, mais d'autres craignaient les représailles.
Aaric et Mirembe travaillaient sans relâche pour maintenir l'unité du groupe. Samuel, de son côté, poursuivait ses efforts pour élargir la coalition avec d'autres marchés.
Mais dans l'ombre, Bakari préparait un coup décisif, un acte qui allait bouleverser la vie d'Aaric et de tous ceux qui s'étaient levés contre lui.
La tempête n'avait fait que commencer.
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La raison
AcakL'histoire suit un jeune homme né dans l'abondance, qui a toujours eu tout ce qu'il désirait sans jamais se soucier des autres. Mais un jour, après une rencontre marquante avec une femme qui vend son corps pour survivre, il se rend compte de la supe...