La cloche de Windswept Pages résonne alors que David, l'un de mes clients réguliers, entre avec sa pile de romans hebdomadaire qu'il a l'habitude de m'emprunter. Il pose les livres sur le comptoir avec enthousiasme. David et moi nous entendons bien. C'est la seule personne qui pourrait se rapprocher de ce que les gens normaux appellent un ami. Nous avons dû sortir boire une bière une ou deux fois depuis deux ans, mais difficile d'entretenir une conversation mélangeant littérature et les Red Sox.
— Matthew, tu sais que tout le monde parle de L'Éclaircie et de Romain ? Ce garçon est un génie, c'est indéniable.
Je lève les yeux de mes notes, déjà fatigué de ce sujet.
— Oui, David, j'ai remarqué.
— Et alors votre collaboration ! quelle idée de génie vous avez eu. Une soirée littéraire avec ses pâtisseries serait un succès garanti. En tout cas j'ai hâte d'y être.
Je reste figé par ces révélations.
— Quoi ? mais je...je n'ai pas accepté ça ! Nos commerces sont trop différents.
David secoue la tête en riant.
— Tu es trop coincé, Matthew. Tu devrais sortir de ta zone de confort. Ce serait amusant, et cela attirerait du monde. Et qui sait, tu pourrais même y prendre du plaisir.
Je me force à sourire, mais l'idée me met mal à l'aise. Pourtant, une petite voix intérieure insiste : peut-être qu'il a raison. Peut-être que collaborer ne serait pas si terrible.
En fin d'après midi, après avoir fermé ma librairie, je décide de traverser la rue pour discuter avec Romain. S'il veut toujours organiser cet événement, autant en parler. Mais quand j'arrive devant L'Éclaircie, la boutique est fermée. Une pancarte indique : Fermé pour aujourd'hui – réouverture demain matin. Cependant, la porte est entrouverte. Hésitant, je frappe doucement avant de pousser la porte.
— Romain ? ma voix résonne dans la boutique vide.
Pas de réponse. L'intérieur est impeccablement rangé, mais silencieux. Une douce odeur de beurre flotte encore dans l'air. J'avance lentement jusqu'à l'arrière-boutique. Une pièce partiellement dissimulée par un rideau attire mon attention. Je soulève le rideau avec précaution et découvre un espace spartiate. Un matelas posé à même le sol, entouré de quelques cartons et d'un sac de sport. Pas de meubles, juste l'essentiel. Je reste un moment immobile, observant cette simplicité qui contraste tant avec l'image rayonnante que Romain donne de lui-même. Une part de moi se demande pourquoi il vit ainsi.
C'est alors que j'entends un bruit venant de la salle de bain adjacente. Avant que je puisse me retirer, une voix retentit.
— Une minute, j'arrive !
Je recule, mal à l'aise, mais c'est trop tard. Le rideau de la salle de bain s'écarte, et Romain apparaît, vêtu uniquement d'une serviette qu'il s'évertue à retenir autour de sa taille. Ses cheveux encore humides tombent sur son front, et des gouttes d'eau brillent sur son torse. Je détourne immédiatement le regard, sentant mes joues s'embraser.
— Oh ! Matthew, c'est bien vous ? dit-il, son ton à la fois surpris et amusé. Je ne m'attendais pas à une visite.
— Je... je suis désolé. La porte était entrouverte, et je pensais que... Ma voix tremble légèrement, et je fixe obstinément un point sur le mur pour éviter de le regarder.
— Ne vous inquiétez pas. Je suis assez à l'aise avec ce genre de situation. J'ai fait du rugby à Toulouse, alors la nudité ne me dérange pas. Les vestiaires, vous savez.
— Oui, bien sûr, marmonné-je, incapable de cacher ma gêne. Mais ses paroles me surprennent. Toulouse. Rugby. Ces mots évoquent une partie de lui que je ne connaissais pas. Mon regard glisse involontairement vers son torse, où je remarque un tatouage. Une montre à gousset, finement dessinée, avec les mots Plus jamais inscrits juste en dessous.
Il remarque mon regard et sourit légèrement, mais son expression devient plus sérieuse.
— Un souvenir, dit-il. Une promesse, plutôt.
Je hoche la tête, ne sachant pas quoi dire. Le silence s'installe entre nous, et je m'apprête à partir quand il ajoute :
— Donnez-moi une seconde. Je vais enfiler quelque chose.
Il ressort de la salle de bain quelque minutes plus tard vêtu uniquement d'un boxer rayé bleu et un débardeur blanc. Il a le physique d'un héro de DC comics ou de Marvel.
— Alors, Matthew, dit-il, croisant les bras, qu'est-ce qui vous amène ici ?
Je prends une profonde inspiration, essayant de rassembler mes pensées.
— Je voulais parler de votre idée. La collaboration.
Son visage s'éclaire.
— Ah, je savais que vous finiriez par y réfléchir. Alors, vous êtes d'accord ?
— Pas tout à fait, dis-je rapidement, levant une main pour tempérer son enthousiasme. Je suis prêt à envisager une soirée. Mais à mes conditions. Rien de trop... extravagant.
Il rit, un son léger et chaleureux.
— Vous avez ma parole. Pas d'extravagance. Juste des livres et des desserts. Une soirée simple, comme vous.
Je plisse les yeux, mais son sourire désarmant m'empêche de répliquer.
— Très bien, alors. Nous pouvons commencer à planifier.
— Parfait, dit-il en tendant la main. Merci, Matthew. Vous ne le regretterez pas.
Je serre sa main, conscient de la chaleur de sa paume, et je me demande si je vais effectivement le regretter.
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Un été à Camden
RomanceParticipe au concours New Romance sur Fyctia : https://www.fyctia.com/stories/un-ete-a-camden --------- Dans la charmante petite ville côtière de Camden, Maine, Matthew FOSTER mène une vie discrète à la tête de Windswept Pages, une librairie indépen...