Chapitre 10

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Nous passons tout le repas à échanger nos différents points de vue, chacun essayant à tour de rôle, de faire plier l'autre. Nous discutons à bâtons rompus jusqu'au moment où le propriétaire des lieux vient timidement nous dire qu'il aimerait fermer son restaurant. Noah s'excuse et demande à mettre l'addition sur son ardoise tout en m'aidant à replier mes dossiers. Nous saluons le restaurateur puis nous sortons du petit restaurant.

Nous reprenons l'allée principale. Le téléphone de Noah se met immédiatement à sonner. Il le prend, rejette l'appel et le remet dans sa poche. Nous sommes restés plus de trois heures dans le restaurant sans que nous soyons dérangés par un seul appel pendant tout ce temps, et voilà qu'il sonne à nouveau.

— Savez-vous pourquoi je mange tous les midis dans ce restaurant, Cassandra ?

— Parce que le patron est fort sympathique et que la nourriture y est excellente.

— En partie, oui, mais surtout car aucun réseau ne passe là-bas. Mon téléphone ne risque pas d'interrompre mon déjeuner. J'aime pouvoir faire une vraie pause. Vous voyez, ça ne fait pas cinq minutes que nous sommes dehors et il n'arrête pas de sonner !

Je ris et manque de trébucher, Noah saisit fermement mon bras et m'attire à lui pour maintenir mon équilibre. Je lève la tête, nos lèvres ne sont qu'à quelques minuscules centimètres. Je peux sentir son parfum, les muscles de son bras. Une voiture klaxonne et nous sursautons tous les deux ! Le charme est encore rompu... Cette fois, c'était moins une !... Étions-nous vraiment sur le point de nous embrasser ?...

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* *

Nous arrivons au siège de la société et nous empruntons l'ascenseur, qui est encore à moitié plein. Nous ne parlons plus depuis l'« incident ». Lorsque les portes s'ouvrent au 18e étage, je m'apprête à le remercier et à reprendre mon poste, mais il pose sa main sur mon avant-bras.

— J'aimerais que nous teminions cette conversation dans mon bureau. Rejoignez-moi dans une heure. Il faut que je passe d'abord quelques coups de fil.

Il relâche mon bras et me sourit. Je sors de l'ascenseur et les portes se referment sur Noah, un sourire malicieux toujours plaqué aux lèvres.

J'arrive à mon bureau et Barbara me saute littéralement dessus, me posant mille et une questions sur mon déjeuner avec Monsieur Beau Gosse, comme elle se plaît à l'appeler. Je lui raconte dans le moindre détail en omettant sciemment le moment troublant que nous avons vécu sur le trottoir. Si elle l'apprenait, mon amie ferait tout pour me pousser dans les bras de mon patron ! Depuis que je la connais, elle essaie tant bien que mal de me caser. Parfois, j'accepte une invitation à dîner uniquement pour qu'elle me lâche la grappe et, à chaque fois, je me fais violence. Elle sait ce qui m'est arrivé, ou du moins... elle sait ce que j'ai bien voulu lui dévoiler pour qu'elle arrête de me poser des questions. Elle pense, cependant, qu'il est grand temps que je tire un trait sur mon passé et que j'aille de l'avant. Elle a raison, j'en suis bien consciente, mais comment tourner la page quand je me réveille chaque nuit en sursaut, en sueur et en pleurs ?

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* *

L'heure fatidique approche, je dois aller retrouver mon bossdans son bureau. Je récupère mes dossiers et quitte mon openspace. J'avancedans le long couloir qui mène aux escaliers et je monte à l'étage supérieurrejoindre mon patron. Je sens peu à peu des dizaines de battements d'ailes sedéployer au creux de mon ventre. Je ne dois pas laisser mon trouble m'envahir.Je ne peux raisonnablement pas tomber amoureuse de cet homme ; je n'en aipas le droit. Mon passé est bien trop complexe et je joue mon avenirprofessionnel. Il n'est pas question de tout foutre en l'air !

Un nouveau départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant