Chapitre 16

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Deux heures plus tard, je suis dans la salle d'attente du Dr Rigollot où je discute tranquillement avec Monique, son épouse et assistante. Je la connais depuis que j'ai commencé ma thérapie, il y a sept ans. Elle est un peu la figure maternelle qui me manque. Nous nous sommes prises d'affection l'une pour l'autre et, comme à chaque fois que son mari est en retard, nous en profitons pour rattraper le temps perdu et papoter.

Le dernier patient de mon psy quitte enfin son cabinet. Monique m'accompagne jusqu'à la porte, me fait une bise sur la joue et retourne à son poste. Je rentre dans le bureau du Dr Rigollot qui me sourit chaleureusement et m'installe sur le divan.

- Comment ça va aujourd'hui, Cassandra ?

- Pfff... Je ne sais pas vraiment comment je me définirais, aujourd'hui.

- Par quoi aimerais-tu commencer ?

Je croise mes jambes et commence à battre la mesure avec mon pied, j'ai besoin de réfléchir... Qu'est-ce qui me dérange le plus ? Mes cauchemars ? Plus particulièrement celui de cette nuit où je revivais ce soir-là, comme si j'y étais... Ou cet attrait magnétique que je ressens en présence de mon patron ?

- Cassandra... Je sais que si tu m'as appelé aujourd'hui, c'est que tu en as ressenti le besoin, mais je ne peux pas t'aider si tu ne me parles pas. Tu sais comment cela fonctionne.

- Cette nuit... commencé-je en cherchant mes mots. Je n'ai pas seulement fait un cauchemar, j'ai revécu une partie de cette nuit-là... Cela faisait bien longtemps que mes souvenirs n'avaient pas été aussi précis, je pouvais tout ressentir : ma peine, ma colère, ma douleur, ma peur, l'odeur du tabac, de l'alcool, du sang...

- À quel moment, t'es-tu réveillée ?

- Quand il a pris son ceinturon, dis-je, parcourue d'un violent frisson d'angoisse.

- O.K., Cassie, calme-toi, respire doucement. Tu es en sécurité ici. Franck ne peut plus t'atteindre. Tu n'as pas à revivre ce cauchemar, une fois encore, en me le racontant. Je connais ton histoire, Cassandra, toute ton histoire.

- Vous êtes le seul à connaître exactement ce qu'Il m'a fait vivre, Docteur.

- Je sais... C'est pour cela que tu n'as nul besoin de t'infliger ça. Parle-moi plutôt de ce qui te préoccupe, tu veux ?

Je décroise mes jambes et change de position en m'asseyant en tailleur, et je lui réponds :

- Il y a deux choses qui me perturbent et les deux sont liées au boulot.

- D'accord. Et de quoi s'agit-il ?

- Premièrement, je viens de signer mon premier contrat de travail - je lui explique en détail comment tout cela est arrivé - et, dès demain, j'effectue mon premier voyage d'affaires, à New-York.

- Félicitations, Cassandra, je savais que tu décrocherais un poste rapidement à la fin de tes études. Tu es une jeune fille brillante. Je crois comprendre ce qui te tracasse. Tu as peur d'avoir des cauchemars à New-York, et tu n'auras pas Mattéo pour te consoler, si cela arrivait...

- Cela arrivera, Dr R., vous le savez. Je ne crois pas avoir déjà passé une nuit sans cauchemars depuis ce jour-là. Mais vous avez raison, j'ai une peur bleue...

- Nous en avons déjà parlé, Cassandra. Tu es majeure à présent, tu entres dans la vie active. Il faudra bien que tu prennes ton envol, un jour où l'autre. Mattéo ne sera pas là éternellement. Il va falloir que tu combattes tes démons une fois pour toutes. Peut-être que si tu racontais ton passé à une autre personne qu'à ton psy, cela t'aiderait...

- Non ! Nous en avons déjà discuté Dr R., il n'est pas question que je fasse subir davantage de peine à mon frère.

- Et Barbara, ton amie ? Tu pourrais peut-être te confier à elle. Qu'en penses-tu ?

- Non ! Vous savez pourquoi ! Vous êtes le seul psy à ne pas m'avoir regardé différemment après que je vous ai tout raconté. Quand les gens découvrent la laideur de mon passé, leur regard sur moi change. J'ai déjà concédé une fois, en racontant quelques détails insignifiants à Barbara. Cette fois, vous ne me ferez pas changer d'avis !

- O.K. Alors, le « deuxièmement »...

- Deux mots : Noah Beckham.

- Ton patron ?

- Mmmm... J'ai l'impression qu'il se passe quelque chose entre nous, mais je ne sais pas si c'est dans ma tête ou si c'est bien réel. Et puis, je pars à New-York avec lui. Si cette attirance n'est pas seulement dans ma tête, je ne sais pas comment y faire face.

- Je n'aurai qu'une seule chose à te dire, Cassandra. L'amour arrive toujours sans faire de bruit. Si tu dois vivre une histoire avec ton patron, tu la vivras... Alors, ne te prends pas la tête. Profite de cette vie qui s'offre à toi et concentre-toi sur ton travail.

Nous terminons la séance sur ces sages paroles. Je ne suispas plus avancée qu'avant mon rendez-vous, mais, comme toujours après uneséance avec le Dr R., je me sens apaisée. Demain : New-York, le projetKent, Noah Becham... Et si c'était l'aube d'un renouveau ?...

Un nouveau départOù les histoires vivent. Découvrez maintenant