L'odeur du formalisme

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Je me tiens là, immobile, face à l'interphone en or. Je suis un peu décontenancée. L'apparence de tout cela m'effraie presque autant que la situation elle-même. Après plusieurs secondes de flottement, je n'ai d'autre choix que de presser ce bouton aux reflets dorés. J'attends. Et j'attends encore.

L'idée de me retrouver coincée, sans savoir où aller, sans batterie, dans un quartier que je ne connais absolument pas, me terrorise. Je n'ai aucune idée de ce que je devrais faire dans une telle situation. Pas de plans B, pas de solutions. Juste moi, seule, perdue.

- Qui est-ce ?

La voix, sèche, m'arrache un sursaut. Je me crispe, mon cœur accélère d'un coup. C'est étrange. Je regarde autour de moi, encore une fois, mais rien n'a changé : je suis bien devant le même portail en fer forgé, devant cette immense villa qui n'a rien de ce que j'avais imaginé.

Peut-être que je vais finir par me retrouver au poste de police pour intrusion dans une propriété privée. Ce scénario me traverse l'esprit avec une telle rapidité que je n'ai pas le temps de le repousser. Tout à coup, cette grande aventure californienne semble n'être qu'une immense erreur.

Le bouton sous mon doigt se fait lourd. L'ironie de la situation me frappe soudainement. Je suis censée commencer une nouvelle vie ici, prendre le contrôle de mon avenir et je ne suis même pas capable de trouver mon logement.

Je presse à nouveau le bouton. Cette fois un peu plus fermement. L'insistance peut peut-être faire changer la situation.

- Qui est-ce ?

Deuxième fois. Le ton de la voix, toujours aussi impersonnel, commence à m'énerver. Je n'ai plus de batterie sur mon téléphone. Je suis seule. Je ne connais personne dans les environs. Et j'ai l'impression que ce portail en fer forgé va me dévorer vivante si je n'obtiens pas une réponse, une explication, une solution.

Je souffle un grand coup et m'efforce de me calmer. Je n'ai pas le choix, je dois continuer. Pas question de faire machine arrière. Après un dernier instant de réflexion, je me lance. Je m'éclaircis la gorge pour rendre ma voix plus assurée. Même si je ne me sens absolument pas sûre de moi.

- Bonjour, je suis... Mademoiselle Des... je m'interromps, hésitant une seconde. Puis je finis par articuler d'une voix plus claire, Mademoiselle Desfleurs.

La seconde d'après, tout se passe très vite. La voix, d'abord distante, se fait soudainement bien plus chaleureuse, presque cordiale. Le ton change en un instant.

- Mademoiselle Desfleurs, nous vous attendions.

Le souffle que je n'avais pas réalisé retenir m'échappe d'un coup. Une bouffée de soulagement me traverse. Pourtant, elle est vite noyée par une nouvelle vague de confusion. Ils m'attendaient ? Qui est-ce qui m'attendait ici, dans cette maison géante, luxueuse ? Pourquoi tout semble si étrange et disproportionné pour un simple stage ?

Avant que je n'aie le temps de formuler une autre pensée, un bruit sourd se fait entendre. Le portail en fer forgé commence à s'ouvrir lentement. Le mécanisme silencieux fait glisser les deux lourdes portes vers l'intérieur et crée une ouverture suffisamment large pour me laisser passer. C'est comme si ce portail était une porte symbolique entre deux mondes : celui d'avant, celui du doute et de la confusion et celui de maintenant, que je vais devoir affronter seule.

Je me frotte les mains l'une contre l'autre et essaye de chasser la tension qui me serre la gorge. Ce qui se trouve à présent devant moi défie toute logique. C'est comme un mirage. Un rêve dont je ne pourrais pas sortir.

Je suis à la fois émerveillée et sidérée. Je tourne lentement sur moi-même. 

- Si c'est une blague, Madame Blakiers, vous n'êtes pas drôle. Pas drôle du tout. 

Many Love - Saison 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant