Many Love - Saison 1

Drôle de conférence

Quelques minutes après avoir raccroché, je reste là, figée, l'œil rivé sur mon téléphone éteint. La conversation avec ma mère m'a laissée avec une étrange sensation de vide. Le pire, c'est que je ne comprends même pas pourquoi. Une discussion banale, anodine, qui ne devrait même pas m'affecter. Les mots se sont enchaînés, sans profondeur, sans réelle importance. Pourtant, je ressens comme une déchirure. La légèreté de la conversation vient souligner tout ce qui me manque dans ma vie. Une sorte de vacuité absurde, une distance qui m'éloigne un peu plus de tout ce qui me semble réel.

Peut-être que c'est cette impression que rien ne change. Que, malgré les kilomètres et les années, je continue à tenter de combler un vide qui n'a pas de fin.

Les restes compliqués de la veille ne doivent en rien arranger mon état général, mes ressentis, mes pensées. Je ferme les yeux et essaye de me défaire de la douleur persistante, cette lourdeur qui me pèse. Ce goût amer, cette humiliation, cette blessure qui s'incruste en moi. Une plaie béante qui n'arrête pas de saigner.

Un bruit de porte qui s'ouvre violemment me tire hors de mes réflexions. Carrie fait irruption dans la pièce, claque la porte derrière elle dans un bruit sec. Elle s'arrête net, plantée devant moi, les mains sur les hanches, l'air d'une gamine prête à annoncer une grande nouvelle. Son talon qui tape frénétiquement sur le sol me pousse à lever les yeux.

- Quoi de neuf ? lui lancé-je d'un ton faussement enjoué, un sourire nerveux s'échappant de mes lèvres malgré moi.

Je cherche à retrouver une quelconque maîtrise de la situation, à sortir de cette spirale d'ombre où je m'enferme peu à peu. Ma tête est toujours embrouillée et je n'ai aucune idée de comment m'en sortir. La fatigue, elle, ne me quitte pas.

Carrie me fixe un instant, l'air hésitant. Elle pèse ses mots, avant de lâcher d'une voix un peu moins assurée que d'habitude :

- Euh... Il y a un professionnel en médecine qui donne une conférence ce soir, dans l'amphi B.

Une conférence ? C'est étrange. Très étrange. Et surtout, un dimanche soir. J'ai du mal à y croire. D'habitude, je suis la première à être au courant de ce genre d'événements, toujours aux aguets des bons plans de l'université. Mais là, rien. Pas un mot. Pas une info. Je me dis que c'est probablement à cause de mon absence forcée la semaine dernière, cette escapade prolongée dans un univers confus, flou et un peu déprimant.

- Ça te dit de... m'accompagner ? me demande-t-elle, son regard pétillant de malice.

- Et comment ! Tu sais à quel point j'adore ce genre de trucs !

Carrie me scrute une nouvelle fois. Elle fait une grimace, me jette un regard appuyé avant de lâcher :

- Je vais me préparer, tu devrais faire pareil.

Elle m'adresse finalement un petit sourire avant de filer dans la salle de bain se faire une beauté. J'en profite pour soupirer un bon coup. Bon, ok, il y a sûrement quelque chose à gagner là-bas. Si c'est vraiment un professionnel de renom, ce serait dommage de manquer une opportunité juste à cause de ma tête de déterrée.

Je me mets à fouiller dans mon placard et cherche quelque chose qui fasse professionnelle mais pas trop. Quelque chose de bien mais qui ne me donne pas l'air d'une candidate aux élections présidentielles. Je choisis une veste de tailleur noire et un jean foncé à la coupe impeccable mais discrète. Je me relève les cheveux en une queue de cheval stricte et je me maquille légèrement, histoire de ne pas ressembler à un zombie. Même si au fond, c'est exactement ce à quoi je dois ressembler.

Quand Carrie revient dans la chambre, elle m'examine de la tête aux pieds avant d'éclater de rire, un fou rire totalement imprévu.

- Quoi ? je lâche, agacée.