Jeudi 30 juillet, 10h31, chez moi
Ça faisait 16 minutes que j'étais plantée devant mon téléphone, sans réaliser.
Mais quand ma sonnette retentit, ça devint évident que par "J'arrive" il avait voulu dire "Je m'incruste chez toi dans 16 minutes".
Mince.
Je me regardai quelques secondes dans la reflet que la télé me donnait en passant devant elle pour aller ouvrir la porte et je regrettai immédiatement d'avoir oublié de me rincer le visage.
J'avais les yeux gonflés et rouges, le nez rouge et des traces de larmes sur mes joues. J'étais la fille la plus affreuse que la Terre ait jamais portée et il allait me voir dans cet état.
Re mince.
J'ouvrai la porte en baissant le visage pour qu'il en voie le moins possible, mais dès qu'il vit mon mouvement, il me remonta le menton avec le bout de ses doigts, il me fixa quelques instants avec une expression indéchiffrable et il finit par me prendre dans ses bras en me serrant très fort.
Je lui rendai son câlin et je ne pus retenir mes larmes plus longtemps.
Même si j'avais pleuré une bonne partie de la nuit et toute la matinée, elles persistaient à me ravager le visage.
J'imagine qu'il sentit mes sanglots puisque son étreinte se resserra et qu'il commença à caresser doucement mon dos avec ses mains.
Il finit par desserrer son étreinte et il me tint en face de lui.
"Je t'emmène faire un tour en voiture." déclara-t-il abruptement avant de me prendre la main et de me conduire jusque sa voiture où il ouvrit ma portière, attendit que je sois dans la voiture avant de refermer la portière et de refaire le tour de la voiture pour s'installer à côté de moi.
Mes larmes ne s'étaient pas arrêtées.
Il mit le contact, passa la première et descendit la pente qui menait à ma maison.
Mes larmes ne s'étaient pas arrêtées.
Il prit les quelques virages qui nous faisaient sortir définitivement de mon quartier en douceur, et nous débouchâmes sur la nationale, où il se détendit.
Mes larmes ne s'étaient pas arrêtées.
Il tourna son visage vers le mien qui regardait droit devant moi. Puis il attendit. Sans un mot. Il savait que j'allais finir par parler comme je savais que je ne sortirais pas de cette voiture avant de lui avoir expliqué. Alors je commençai.
Mes larmes ne s'étaient pas arrêtées.
"C'est juste que je pensais à eux tu sais, et plus je pensais à eux, plus je les détestais. Je me suis rendu compte que je leur en voulais énormément quand ils étaient vivants, et que mourir n'a rien arrangé. Ils sont partis sans prendre le temps de s'excuser pour toutes les horreurs qu'ils m'ont dites, pour toutes les crasses qu'ils m'ont faites. J'étais la petite dernière, la chouchoutée, la peste, la capricieuse. Surtout ces derniers temps, on ne pouvait pas rester dans la même pièce plus d'une heure sans qu'on ne finisse par s'engueuler violemment, la dispute finissant par des insultes de leur part. Le pire, c'est qu'ils n'étaient même pas originaux ! 'T'es qu'une peste insupportable, tu penses qu'à toi, t'es vraiment qu'un monstre, t'as pas de coeur, t'es vraiment trop conne, tu fais rien pour que ça marche !' NON MAIS SÉRIEUX !! ILS OBSERVAIENT CHACUN DE MES GESTES CHACUNE DE MES PAROLES POUR POUVOIR AU MOINDRE FAUX PAS ME PÉTER LES OVULES AVEC DES REPROCHES QUE J'ARRIVAIS PAS À ENCAISSER !!" Je m'étais mise à crier, mais je ne pouvais plus m'arrêter. Ça faisait plusieurs années que je gardais cette rancune au fond de moi, j'avais vraiment besoin de l'extérioriser. Je repris après un petit temps de pause pour avaler ma salive, mais plus calmement. Lui continuait de conduire, m'écoutant attentivement. "À cause d'eux, je suis convaincue que tout ce qu'ils ont dit est vrai. À cause d'eux, la personne qui me déteste le plus c'est moi. Et ces enfoirés ne m'ont jamais donné l'occasion de leur dire tout ça alors je suis obligée de faire chier mon copain avec mes jérémiades stupides et inutiles."
Je m'arrêtai, essoufflée.
Mes larmes ne s'étaient pas arrêtées.
Il y eut une pause, le temps pour lui d'être sûr que j'avais fini et le temps pour moi de reprendre mon souffle. Puis il répondit.
"Chaton, tu peux pas me dire ça comme ça. Tu peux pas dire que ce sont des jérémiades stupides et inutiles. Parce que toute cette rancoeur que t'as là, tu as besoin de la faire sortir. Tu as besoin de dire à quelqu'un à quel point tu les détestes, à quel point tu te détestes. Parce que si tu rumines toute cette mauvaise énergie, toute cette haine, tu pourras jamais prendre les choses avec du recul. Tu pourras jamais te rendre compte que tous ces moments où ils t'insultaient, c'était juste des moments où ils étaient très en colère. S'ils avaient su ne serait-ce que le centième de ce que ça te faisait, ils t'auraient dit la vérité. Et tu sais quelle est la vérité ? Ils t'aiment. Et tu sais comment je le sais ? Parce que je te connais. Et tu n'es pas insupportable. Tu n'es pas une peste. Tu n'es pas un monstre. Tu ne penses certainement pas qu'à toi. Tu n'es pas conne. Tu ne faisais pas rien pour que ça marche et tu avais sûrement un coeur. Compris ?"
"Compris, chaton."
J'accentuai le chaton pour l'embêter et pour cacher le trop plein d'amour dans ma voix.
Mes larmes s'étaient arrêtées. Il m'avait consolée. Il m'avait convaincue. Ils m'aimaient.
"Roh mais c'est bon, je p..."
Je l'embrassai. Juste une seconde pour pas qu'il ne nous tue, mais une seconde ou je lui fis passer toute la passion de mon amour et toute sa force.
Il mit 30 secondes pour s'en remettre et quand il fût capable de parler, il murmura :
"Tu sais que c'est dangereux ce que tu viens de faire ?"
J'éclatai de rire et pris sa main.
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Natanaël
Novela JuvenilÇa a commencé avec un jeu sur Twitter, et ça a finit par un désespoir sans issu, en passant par un amour fou.