7 - IGNORANCE - Sacha

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Sacha

A peine entrée dans mon appartement, je me précipite dans ma chambre sous ma couette. Je me laisse enfin aller et pleure, je lâche tout, je m'effondre et évacue toute ma tristesse...

Quel con ce type...
Comment peut on être aussi ignoble et cruel ?

Je pleure pendant des heures, je revis les jours qui ont suivi la fin de mon histoire avec Julien et avec quelle puissance ma vie a basculé terrassant toutes mes certitudes et emportant mes projets, mon mariage, mes futurs enfants...

Pleure petite souris...

Je l'entends dans mon souvenir, sa voix est gravée dans ma mémoire.

Mon surnom... Je l'aimais tant ce petit surnom.

Aujourd'hui je suis cette petite souris, je ne demande qu'à me réfugier dans mon trou et laisser les minutes, les heures, les jours, les mois, les années s'écouler... Je suis devenue spectatrice de ma vie, je regarde un mauvais film et m'impatiente de la fin. En fait, je ne vis plus, je survis, c'est toute la différence.

J'ai fini par baisser les armes, j'ai compris... Rien ne pourrait changer. J'ai du m'habituer à la douleur, je n'y prête plus attention, maintenant elle fait partie de moi au même titre que mes yeux verts ou de mon grain de beauté à la naissance de ma poitrine.

A la maison ça a été le défilé, je me suis réfugiée chez ma mère pensant, espérant trouver un salut, une épaule.
Mes amis, nos amis sont tous venus me voir essayant de me consoler et embarrassés par la tournure des événements m'ont distillé des excuses gênantes comme si j'étais devenue une étrangère à leurs yeux, comme si tout était de leur faute...mais il y avait un seul fautif, un seul...

A deux heures du matin, je réussis à me lever, je me prépare une tasse de thé chaud, citron miel... Notre préféré, mon préféré maintenant...
Apprendre à employer le "je" au lieu du "nous", magniez le "mon' au lieu du "notre" abandonner le "il", réapprendre à vivre seule et dompter le quotidien. Toutes ces petites tâches simples, cuisiner, faire les courses, se doucher, se coucher, regarder la télévision, des choses sans importance pour la plupart des gens mais pratiquement devenues insurmontables pour moi...
C'est tout ça qui est horrible...
Se forcer à mettre en place une routine qui nous permet de ne pas sombrer totalement.
Depuis près d'un an, le vide s'est emparé de moi, l'absence se révèle être étouffante, c'est ironique... Certaines nuits, je peine à respirer, espérant disparaître tout simplement.

J'attrape le petit cadre qui trône sur la desserte, je me suis autorisée à garder une photo, une seule, unique témoignage d'un autre temps, d'une autre vie. Je nous observe sur la photo, nous avons l'air tellement heureux. Un creux douloureux au fond de ma poitrine me rappelle ce que j'ai perdu. En fermant les yeux, les souvenirs affluent, je me souviens parfaitement de cette journée, les vingt cinq ans de Clémentine, une journée pleine de joie, de rires, de blagues, un bon moment comme nous en partagions tant avec nos amis.
Je lui en veux tellement... Tout recommencer, tout reconstruire.
Depuis ce jour, je vis dans une nuit perpétuelle, le jour ou il est parti une part de moi est morte.

J'ai coupé les ponts avec tout le monde... Trop dur... Finalement, effacer toutes traces m'a semblé être la meilleure solution, radicale c'est vrai, incomprise surtout par mes amies mais nécessaire, vitale, salutaire.
J'ai tout abandonné, et j'ai essayé de me créer un nouveau monde a l'opposé de ma première vie. Je loge dans une énorme ville, un petit appartement, un nouveau métier, pas d'amis ou très peu... Il est loin le temps de la vie à la campagne dans notre grande maison, il est loin le temps des virées entre amis... J'ai vingt quatre ans, seulement vingt quatre ans et j'ai déjà l'impression d'avoir vécu plusieurs vies.

Le secret de Sacha [ en pause ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant