♦ Chapitre 5 ♦ Les Règles

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- Oh ? Qu'importe, a t-il répondit, en me jetant un petit coup d'œil par dessus son épaule.

Je le connaissais à peine, mais il venait d'acquérir le formidable don de m'énerver à chaque fois qu'il ouvrait la bouche.

- Et j'aimerais également que vous n'insultiez pas mes parents, étant donné qu'ils ne sont plus là pour se défendre. Leur mort était un accident. Et visiblement, vous ne teniez pas trop à ma mère, vu comment vous la traitez !

Il a porté sa tasse à ses lèvres et a bu quelques gorgées de sa boisson. J'attendais une réponse en le toisant sévèrement.

Puis, soudain, il a violemment fracassé sa tasse sur la table, si bien qu'elle s'est brisée d'un seul coup, dans un grand bruit de verre. Je ne m'attendais absolument pas à cette réaction.

Méline, Sophie et moi avons sursauté en même temps.

Méline réagit vite et couru à la cuisine chercher de quoi nettoyer les dégâts. Pour ma part, je fixais toujours Oscarveld, sans comprendre.

- C'est de sa faute... a soufflé mon oncle, le regard perdu dans le vague. Clarissa n'aurait jamais dû épouser cet homme. Je l'avais pourtant prévenue !

Il a secoué la tête en serrant les poings. Du sang coulait de sa peau où quelques petits bouts de verres s'étaient plantés.

- Elle ne m'a pas écouté. Elle ne m'a jamais écouté ! Je suis sûr que c'est à cause de lui, qu'ils sont...

- De quoi parlez-vous ? ai-je fini par demander, l'interrompant dans son monologue.

Il eu un petit sursaut, comme s'il venait de se rappeler ma présence. Son visage s'est fermé de nouveau, et il m'a lancé un regard des plus durs.

- Ce sont des histoires qui ne concerne pas les gamines de 15 ans.

- 17 ans ! Et je ne suis pas une gamine !

- 13, 15, 17... Quelle importance ! Tu reste une enfant, et je hais les enfants.

Il s'est levé de table après avoir soigneusement plié sa serviette en quatre. Il essuya machinalement sa main sur son pantalon s'en y prêter attention. Méline s'affairait à essuyer les taches de cafés sur le bois. 

Oscar a sorti un monocle de sa poche et l'a ajusté à son œil droit.

- Quel est ton nom ?

Je fus surprise par sa question. Ne le connaissait-il pas déjà ?

- Élisabetha.

- On voit bien les goûts affreux de Clarissa, a t-il soupiré avant de s'éloigner.

" Quel type désagréable ! "

- Suis-moi, a t-il dit en s'approchant de l'escalier. Il te faut prendre connaissance des règles de mon manoir, puisque qu'apparemment je vais être dans l'obligation de t'héberger.

- Mais je n'ai pas déjeuné !

- Qu'importe, tu mangeras plus tard.

" Non mais je rêve... "

J'ai fais signe à Sophie de me suivre, mais comme je m'y attendais, Oscarveld a protesté.

- Laisse ta domestique ici, elle doit commencer son service dès aujourd'hui.

- Vous plaisantez j'espère ? m'insurgeais-je.

Sophie était loin d'être une simple domestique à mes yeux, et je n'acceptais pas que l'on parle d'elle d'une telle manière.

Il a ignoré ma question et a commencé son ascension dans le grand escalier.

Méline m'a de nouveau jeté un regard désolé, et a entraîné Sophie à sa suite dans la cuisine. Cette dernière m'a soufflé un petit " À tout à l'heure ", avant de disparaître à la suite de Méline.

J'ai soupiré et emboîté le pas de mon oncle, en courant pour le rattraper.

Oscarveld s'est retourné brusquement, son index droit à quelques centimètres de mon visage.

- 1ère règle ! On ne court pas dans mon manoir. C'est un parquet fragile en bois de chêne, il craque assez facilement - et j'y tiens !

- Mais il y a de la moquette partout !

C'était vrai : la totalité des couloirs étaient recouverts d'une moelleuse et épaisse moquette bordeaux.

- Ne discute pas mes règles ! Si tu as véritablement 17 ans, comporte toi avec un peu de maturité !

Je l'ai fixé d'un regard assassin en me retenant de répliquer quoique ce soit, afin de ne pas envenimer davantage la situation.

Nous nous sommes engagés dans un large couloir, bordé de grandes fenêtres sur la droite. Les volets étaient ouverts, et les carreaux transparents offraient une magnifique vue sur le jardin du manoir. Il faisait beau, et le soleil brillait de milles éclats, au milieu d'un ciel bleu azur sans nuage. L'herbe était bien entretenue et verte, et il y avait un chemin de briques grises qui sillonnait les différentes plantations florales de la propriété, constituées d'une roseraie, d'un potager, et d'un espace d'arbres fruitiers. Plusieurs jardiniers et agents d'entretient s'affairaient à garder toutes ces zones en bon état. Il y avait même une petit place circulaire entourait de haie, au centre de laquelle trôné une grande fontaine.

C'était magnifique, digne d'un jardin princier.

Juste à la limite de la propriété - qui s'étendait sur bien 2 kilomètres - l'herbe verte s'arrêtait net, laissant place à de l'herbe folle jaunie, puis à la forêt. Il n'y avait pas de clôture, juste cette frontière naturelle visible au premier coup d'œil.

Cela dit, sans voisin, pas besoin de séparation.

Je m'étais arrêtée devant une fenêtre, et lorsque je me suis retournée, j'ai sursauté en voyant mon oncle juste derrière moi, qui fixait quelque chose au loin, par dessus mon épaule.

La forêt.

- Qu'est-ce qu'il y a ? ai-je demandé, inquiète.

Oscar s'est mit à parler, d'une voix presque mécanique :

- Règle n°2, ne pas déranger mes domestiques lorsqu'ils sont en plein travail, que se soit les jardiniers, les majordomes, les cuisiniers, les valets ou les femmes de chambre. Ils prennent ensuite du retard et je suis dans l'obligation de les renvoyer, car ils bouleversent le programme. Je t'en attribuerai quelques uns.

- J'ai déjà Sophie, et cela me suffit amplement.

Il a haussé un sourcil, sans pour autant lâcher des yeux la forêt.

- Qu'est ce qu'elle à cette forêt ? Elle vous obnubile !

- Cela fait partie d'une des règles, et c'est la plus importante : ne t'approche jamais de la forêt. Tu ne dois sous aucun prétexte dépasser la frontière de ma propriété.

- Pourquoi ça ? Qu'y a-t-il dedans, à part peut-être des animaux des bois ?

Mon oncle a détaché son regard du jardin pour me dévisager de ses yeux perçants.

- À ta place, je ne chercherai pas à le savoir. Tu ne dois pas y aller, c'est tout.

Puis il a fait volte-face et a reprit sa route dans le couloir, en continuant de m'énumérer ses règles. Je fus donc bien obligée de le suivre, sans poser de questions, mais je dois dire que cette mystérieuse forêt m'attirait de plus en plus.

C'est pourtant bien connu, une interdiction de la sorte ne peut susciter qu'un certain désir de désobéissance lié à la découverte d'un espace inconnu et, qui plus est, défendu.

  Que pouvait-elle bien contenir de si dangereux ?  


La forêt des vampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant