Chapitre 2

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Le fiacre traversa la campagne jaunie par l'étouffante chaleur du mois de juillet, se balançant de droite à gauche de façon extrêmement désagréable. Hamich Wyford somnolait assis sur la banquette quand sa tête heurta le bois de la porte lorsque la voiture passa sur un nid de poule. Il ouvrit les yeux pour se repérer, légèrement étourdi, et découvrit qu'il était arrivé à destination. Le carrosse s'arrêta et le Comte en sortit avec ses paquets. Il resta seul quelques minutes devant une immense maison qui semblait ne tenir debout que par miracle. Finalement, la porte s'ouvrit sur une vieille femme, étonnamment maigre. Ses cheveux gris étaient rassemblés en un chignon parfait et son visage triangulaire se couvrait de rides. Elle avait de petits yeux marrons, un nez légèrement crochu et des lèvres pincées en une étrange grimace.
"Bonjour, Mrs Clark ! Lui dit Hamich, un sourire poli aux lèvres.
-Que fait un Comte déchu dans la Campagne isolée ? Répliqua-t-elle avec dédain."


Leur discussion fut interrompue par le cri strident d'une jeune fille. Les deux adultes se tournèrent vers la source du bruit, soit le bois. Une fillette de quatorze printemps venait de sortir de la maison. Un sourire s'accrocha à son visage et elle s'élança vers le Comte, ses cheveux d'ébène flottant derrière elle. Tous deux s'enlacèrent, heureux de se retrouver.
"J'étais si inquiète ! J'ai cru que vous m'aviez abandonnée, lui reprocha la jeune fille.
-Pourquoi ferais-je cela à ma fille préférée ? Ne t'inquiète plus Elia, je serais toujours présent pour toi !
-Vraiment ? Chuchota Mrs Clark dans sa barbe, mais le Comte balaya sa remarque en humant le doux parfum des cheveux de sa fille.
-Vous avez oublié mon anniversaire, continua Elia.
-Bien sûr que non ! N'as-tu point entendu mon message télépathique ?"


L'adolescente ria à sa blague. Bien entendu qu'il n'avait pas oublié cette date si importante ! Il n'avait simplement pas pu se libérer de ses devoirs. Aussi, pour ce faire pardonné, Hamich sortit une immense boîte de ses bagages. Les yeux pleins d'étoiles, la petite Wyford ouvrit son présent et découvrit une magnifique robe en coton vert pâle, avec de la fine dentelle en abondance. Elle poussa un petit cri strident et sauta dans les bras de son père, riant aux éclats. Ce rire réchauffa le cœur du vieil homme et il en eut presque les larmes aux yeux.

-ooOoo-

"L'Ambre Solaire contenait plus d'énergie qu'il n'en fallait pour alimenter sa merveilleuse machine et fournir son village en électricité, lisait Hamich. Tomas n'était plus le petit garçon de ferme peureux et abrutis, il était devenu un héros ! Alors le jeune homme prit son courage à deux mains et s'approcha de la belle Caitleen..."
Le Comte se tourna vers Elia, étonné qu'elle n'émette aucun commentaire, et découvrit qu'elle s'était assoupie durant la lecture de l'incroyable légende. Un large sourire se dessina sur le visage du vieil homme tandis qu'il fermait le livre usé par l'âge et les nombreuses utilisations. Wyford embrassa tendrement le front de sa fille, caressa ses doux cheveux noirs et sortit à pas de loup de la petite pièce qui servait de chambre. Il se rendit dans la cuisine, prenant soin de ne pas montrer ses pensées soucieuses en sifflotant. Mrs Clark servait dans une tasse ébréchée un thé brûlant. En relevant un sourcil mais non les yeux, elle lança de sa voix de crécelle et d'un ton sarcastique :

"C'est indigne d'un Comte de siffler. Seuls les gens du peuple y ont droit, n'est-ce pas ?

-Je n'ai de Comte que le nom, Mrs Clark. Je travaille tout comme vous, j'ai perdu toute ma fortune et mon maigre salaire ne suffit presque pas à mes besoins."

Mrs Clark s'assit dignement sur sa chaise menaçant de s'écrouler, poussa la théière loin d'Hamich puis se contenta de l'observer de ses petits yeux noirs de colère. Au bout de quelques minutes durant lesquelles le Comte Wyford excella dans l'art de ne pas se montrer frustré, la vieille paysanne prit la parole :

Rainflower [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant