Rainflower [en pause]

Chapitre 4

Lady Mabel se tenait au milieu de la grande salle à manger et regardait s'affairer les domestiques. Tout devait être prêt à temps : aucun pli sur la nappe, les couverts alignés, les assiettes et les verres brillants. Car son fils revenait de son voyage dans quelques heures... Éreintée, la veuve Bristow entra dans la bibliothèque. Assis à un bureau, les rideaux fermés et éclairé à la chandelle, un homme observait avec attention un vieux parchemin. Ses épaules affaissées par l'âge se soulevaient en rythme avec sa respiration et ses cheveux blancs étaient bien coiffés.

"Encore en train de travailler, Père ? Demanda distraitement Mabel en tirant sur la corde pour appeler une servante.

-Mmm, grogna le vieil homme en remballant avec empressement ses papiers. Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu ne devais pas te préparer ?

-Si, mais je suis fatiguée. Je vais monter après une tasse de thé."

Abraham s'installa confortablement dans un énorme fauteuil en cuir face à sa fille et alluma sa pipe. Un valet de pied se présenta avec un plateau et servit Lady Bristow puis disparut. Le silence pesant qui s'installa n'était déranger que par le léger bruit de la cuillère qui tournait dans la tasse de porcelaine.

"William m'a manqué, dit la Lady, espérant une conversation.

-C'est ce que je vois."

-ooOoo-

La voiture tourna enfin dans un grand boulevard éclairé, ce qui permi à Will de se détendre. Certains Quartiers de la Ville étaient infestés de personnes peu fréquentables voire dangereuses. Enfin, après cet interminable voyage, la diligence s'arrêta brutalement. Lord Bristow s'empara de sa valise et frappa à la grande porte. Après quelques minutes, les grandes portes s'ouvrirent sur Mr. Roberson, le majordome de la maison. C'était un homme aux cheveux poivre-et-sel qui devait autrefois être très séduisant. Will l'avait toujours connu comme ça, un peu d'embonpoint et étriqué dans sa livrée.

"Bonsoir, Monsieur William. Nous vous attendions avec impatience, dit-il de sa voix chaude. Avez-vous fait bon voyage ?

-Fort bien, merci Roberson. Ai-je manqué quoique ce soit durant mon absence ?

-Absolument pas, Monsieur. Madame et Monsieur vous attendent dans le petit salon jaune. Laissez-moi vous débarrasser de vos bagages."

Lorsque Will entra dans ladite pièce, il fut accueilli par les cris de soulagement de Lady Mabel. Cette dernière, assise dans le sofa pissenlit, s'était pour une fois habillée sobrement. Lord Abraham Black était installé dans un fauteuil en cuir confortable et lui faisait face.

"William ! Comment vas-tu, chéri ? Tu as passé d'agréables moments ? Demanda Lady Bristow.

-Bonsoir, Mère, répondit le jeune homme en déposant un léger baiser sur sa main gantée. Grand-père... Chère famille, je vous annonce que nous avons acquis les parts de Mr. Morton !"

Cette nouvelle fut accueillie par de nouvelles exclamations de joie.

-ooOoo-

Le repas se finit par un énorme pudding aux fruits qui ravit la famille Bristow. Puis, éreinté par son voyage, William décida de se coucher le plus tôt possible. Emmitouflé dans ses draps blancs, il ne tarda pas à glisser dans le royaume de Morphée. Le jeune homme se retrouva soudainement au beau milieu de la Campagne, habillé de guenilles, une branche en guise de canne. Ses mains étaient calleuses et lorsqu'il les passa sur son visage, il sentit des rides sur ses joues, son front et sous ses yeux, ainsi qu'une barbe de quelques jours. Will tourna sur lui-même afin de se repérer mais remarqua bien vite qu'il était perdu. Il ne voyait ni la Ville, ni la fumée si caractéristique des usines en bordure. Sans grande conviction, il commença à suivre le chemin. Après un temps qu'il ne pût quantifier, il aperçut une forêt, noire, qui barrait l'horizon. Dans un dernier effort il pénétra entre les arbres. À quelques mètres sur sa droite, le jeune homme repéra un ruisseau d'eau claire et s'y précipita. Les quelques gorgées qu'il y bu lui suffit à lui redonner un peu de forces. Il se laissa tomber sur l'herbe verte et réfléchit. Bien sûr, il se doutait qu'il était dans un rêve ! Mais quel en était le sens ?