Chapitre 20

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     Mon cœur rata un battement, ou deux ou bien plus. J'étais pétrifiée durant les premières secondes, puis je réalisais enfin. Mon corps reprit ses commandes.
Dana étendue sur le sol, nue. Je me ruais sur elle, cria son nom en lui attrapant le visage. Aucune réponse de sa part. Je hurlais, lui ordonnais d'ouvrir les yeux. Ses vêtements étaient éparpillés autour d'elle, j'en saisi quelque uns et lui posai dessus pour la réchauffer. Paniquée ? Oui je l'étais à trois cent pour cent.
Je tendis mon doigt sous son nez pour vérifier sa respiration. Elle respire. C'est déjà ça.

Les urgences embarquèrent son corps dans l'ambulance, je les rejoins en tentant de me calmer.

« -Qui êtes-vous ? Me questionna un homme brun mal rasé.
-Sa famille. »

Il ne me posa pas plus de question sur mon identité, seulement dans l'état dans lequel je l'ai trouvée. J'essayai de répondre le plus calmement possible, tandis que je bouillonnais à l'intérieur.
« -Elle était nue, et allongée sur le sol, comme quand vous êtes venus la prendre. Je n'ai pas jugé utile de la bouger, si elle s'est cassé quelque ch...
-Vous avez bien fait, me coupa-t-il, ce que je peux vous assurer pour l'instant c'est que sa vie n'est pas en danger, elle a seulement perdu connaissance, mais dans quelles conditions... »

Les heures suivantes, j'attendais impatiemment dans la salle d'attente. Mes ongles y sont tous passés, un par un. Putain, mais pourquoi tout cela dure autant de temps... Il doit se passer quelque chose de grave. Oh non. Quelque chose de grave. Non. Si. Non... Si ? Je tournais en rond dans la minuscule pièce rectangulaire.
Un homme en blouse blanche vint à ma rencontre.

« -Ne vous inquiétez pas, Dani va très bien...
-Dana,corrigeais-je.
-Oui, autant pour moi, Dana va très bien, elle est seulement encore fragile suite au choc. Son esprit n'est pas très clair, alors évitez de lui poser trop de questions susceptibles de l'embrouiller... »

Je courus en direction de sa chambre. Dans un lit blanc, elle était là, les yeux fermés, le visage neutre avec une blouse comme seul vêtement.
Dana ouvrit doucement les yeux pendant que je m'agenouillais près d'elle, en lui caressant les cheveux.

« -Andy... murmura-t-elle.
-Chut, repose-toi... » Répondis-je sur le même ton.

Des larmes commencèrent à couler le long de ses joues pâles. L'émotion probablement. Mais cela ne s'arrêtait pas. Les petites larmes devinrent de gros sanglots.

« -Dana, qu'est ce qu'il y a ? Tu as mal ?
-Il m'a violée Andy... »

Un trou se creusa dans ma poitrine. Instinctivement, je me reculais d'elle et tenta de prendre ma respiration. Violée... violée comme dans les fait divers, comme les jeunes filles de la télé, comme les jeunes filles qu'on ne connaît pas. Les jeunes filles pour qui on a de la peine, mais qu'on oublie la minute d'après. Les jeunes filles abusées sexuellement.
Une vague immense de haine et de chaleur m'envahit tout d'un coup. J'aurais voulu courir et frapper dans tout ce qu'il y avait autour de moi... Mais soyons réaliste : je ne suis que petite chose innocente et inutile dans cette histoire. Je m'empressai de lui demander qui était-ce, mais ces yeux étaient déjà clos.
Je le tuerai. Je promets que je le tuerai.

« -Mademoiselle, me surpris une voix, il faut rentrer chez vous. L'heure des visite est à présent terminée...
-Je ne peux pas rentrer et la laisser seule !
-Elle est bien entourée ici, elle est en sécurité, ne vous inquiétez pas.
-''Ne t'inquiète pas Andy...'' Elle aussi m'avait dit ça avant de partir travailler ce matin.
-Allez Mademoiselle, vous ne pouvez pas rester. J'en suis désolée. Dana est prise en charge, soignée et en sécurité. » me répondit-elle en insistant sur les syllabes de ce dernier mot.

Je quittai la chambre de mon amie non sans regrets et rentrai chez nous, sur le scooter de Dana. Épuisée et moralement au plus bas, je ne contrôlais plus les larmes qui coulaient sur mes joues. C'est dans ces moments-là que j'ai besoin d'une épaule maternelle sur laquelle m'appuyer. Une épaule qui me chuchoterait que tout va bien, que ce n'est pas ma faute en me caressant les cheveux.

Assise sur le canapé du salon, je compose un numéro que je ne pourrais jamais oublier. Je porte le téléphone à mon oreille, tremblante. Trois sonneries retentirent avant d'entendre une voix familière.

« -Allo ? » Répondit-elle.

Je raccroche rapidement. Était-ce trop compliqué de simplement dire ''Maman'' ? Oui, ça l'est. Je pose mon téléphone sur la table après avoir regardé l'heure : minuit moins le quart.
Je m'endormis difficilement cette nuit-là. La tête pleine de sombres pensées.
Cette nuit-là aussi, personne ne m'aida à me rendormir suite à mes nombreux cauchemars.

Putain. J'en ai marre de cette émission. Des bimbos refaites et sans aucune once d'intelligence quelconque qui se trémoussent dans une maison pour décrocher un casting ou je ne sais quoi. Réellement ? J'attendais juste l'heure des visites qui est dans... je pivotais vers l'horloge qui m'indiquait midi passé. Encore un peu moins d'une heure.
Une sonnerie provint de mon sac à main. Je m'y précipitai et sortit le téléphone de Dana, vibrant entre mes mains. Dois-je répondre ? Non. Je reposais le téléphone au fond du sac et m'étalais à nouveau sur le canapé. Shauna n'aime pas Alissia car Vicky a menti à Alexandra et Alexandra a menti à Vicky et Julia parce que la meilleure amie de Sauna a couché avec le mec de Cindy alors qu'ils sont encore ensemble. Oui c'est à peu près ce que j'ai compris de ce programme télé ridicule.

Quand je pénétrai dans la petite chambre blanche, Dana mangeait goulûment sa compote de pomme. Elle s'écria en me voyant. Elle avait meilleure mine, et son sourire se dessina sur son visage.
Je m'efforçais de sourire, mais les paroles que j'avais entendues hier sont restées gravées dans ma mémoire.
J'attendis le départ de l'aide soignante pour en aborder le sujet. Tiens, son sourire disparu en même temps que la femme en blouse.

« -Tu sais, tu n'es pas obligée d'être parfaitement souriante dés que quelqu'un rentre dans ta chambre Dana...
-Je ne veux pas qu'ils sachent ce qu'il m'est arrivée.
-Moi je veux savoir Dana, si tu veux t'en sortir il faut que tu en parle avec quelqu'un. »

Elle ferma doucement les yeux et passa ses mains dans ses cheveux blonds. Sa bouche se pinça et s'ouvrit comme si les mots ne voulaient pas sortir. Elle ouvrit les yeux d'un air suppliant et murmura qu'elle n'y arriverait pas.
Je lui répondis que tant que je serais à ses côtés, elle parviendra à tout.
Elle me serra dans ses bras et se redressa dans le lit. Je voyais bien qu'elle retenait ses larmes.

« -Raconte-moi ta soirée, lui dis-je en lui tenant les deux mains jointes au milieu des miennes.
-Ok, elle inspira un grand coup, je faisais mon service du soir comme d'habitude quand, elle ferma les yeux très fort, quand mon patron a déboulé en hurlant et il m'a ordonné d'aller ranger le bordel dans la réserve du fond. J'y suis allée et... il m'a suivie et a fermé la porte derrière lui. Je ne me suis pas inquiétée sur le coup mais il s'est rapproché de moi et, elle a commencé à pleurer mais continua son récit à travers les sanglots. Il s'est rapproché de moi et a commencé à me toucher la taille. J'ai eu beau le repousser mais il ne s'est pas arrêté là... Il m'a mise à terre en me frappant. J'avais beau me débattre de toutes mes forces, j'avais beau hurler, rien n'y faisait. Il a arraché mes vêtements d'une violence inouïe, tout comme le reste de ce qu'il a fait... Je me sens sale... tellement sale Andy ! Je me sens hideuse... C'est affreux.. »

Puis elle eu une réaction à laquelle je ne m'attendais pas. Elle se mit à hurler et à taper dans les murs. ''Défoule-toi Dana'' me dis-je à moi-même. Elle criait dans son oreiller puis le balança à l'autre bout de la pièce. Je me tenais à l'écart de son carnage, puis quand tout cela empira, je lui saisi la tête entre mes deux mains et l'obligea à me regarder et à se calmer.

« -Ça suffit. Ça va s'arranger. Tu vas réussir à surmonter ça. On ira porter plainte. Il paiera. Tu surmonteras ça Dana. Tu surmonteras ça. Je serais là. Toujours pour toi. »

Puis sans un mot, elle s'allongea dans son lit et ferma les yeux. Sa respiration ralentit, peu à peu. Finalement, elle laissa échapper quatre mots, quatre petits mots qui avaient toute leur importance.

« -Je veux voir Luke. »  

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