Chapitre 24

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  Je lui attrapai le col et le retournai face à moi avec toute la force qu'il m'était donnée. Une fois en face de lui, je perdis mes moyens et mes mots. Alors ma main se colla violemment sur sa joue. Simple mais efficace.
Il tenait sa joue avec sa main, la bouche ouverte.
« -Si tu as quelque chose à me dire, je suis là. Sale merde. »
Puis je tournai les talons et retournai m'asseoir près des autres, l'air de rien.
Je bu mon mojito d'une traite et en commandai un autre.

Il ne se passai rien autour de moi. J'étais dans ma bulle à enfiler mes verres aussi rapidement qu'on me les apporte.

''Un, deux, trois. Ce n'est pas à cause de Calum que tu bois.''
''Quatre, cinq, six. Je crois bien que si.''

« -Allez Andy, stop. Tu arrêtes de boire.
-Dana, s'il te plaît. J'ai besoin de noyer mon intempestif chagrin dans cette douce boisson si peu alcoolisée.
-Tu dis que des conneries, on remonte. »

La nuit tombait sur la terrasse. Tout le monde est parti on dirait, on est plus que toute les deux. J'avais chaud, très chaud.

« -Il fait chaud...
-Arrête, je caille.
-Je veux pas rentrer !
-Mais vu que tu es bourrée, c'est moi qui décide. »

Elle quitta la terrasse, je tentai de la suivre en titubant, mais le sol était semblable au sable mouvant. Je trébuchais sur tout et n'importe quoi et me prenais chacun des murs.
Putain.

Je fermai les yeux pour faire disparaître ce désagréable point de vue.
Puis les ré ouvris... Dans mon lit. La pièce était légèrement éclairée par la lumière de la salle de bain.
Pourtant Dana était près de moi et dormait profondément, laissant échapper de petits ronflements. Elle devait savoir que j'allais me réveiller.
Mais j'avais chaud. Trop chaud. J'étais encore habillée alors je décidai, avec toute la motivation que je pouvais avoir en moi à ce moment précis, de sortir.
Dehors.

La terrasse était un peu illuminée par quelques lanternes, décoration que je trouve magnifique mais sans grand intérêt. Je parvenais seulement à entendre les bruits des vagues qui s'écrasent sur le sable. Je ne les voyais pas. C'était étrangement envoûtant.
C'est pour cette raison que je retirai mes chaussures et les laissai sur la terrasse pour aller goûter l'eau.
Fraîche oui, mais encore une fois, tout me donnait envie ce soir. Mais je renonçai à l'idée d'aller me baigner.

Je m'allongeais sur le sable, les mains sous la tête, et contemplai les étoiles. J'aurais pu rester ici des heures, à me rappeler les constellations que mon père m'avait apprise. Malgré le fait que je ne m'en souvenais quasiment plus, c'est la mémoire qui compte.
Oui, j'aurais pu rester ici si personne n'était venu me rejoindre.

« -Andy ? »

Je me retournai vivement et aperçus Calum. Si je n'étais pas si bien calée ici, je serais partie en courant. Mais tant pis, je suis arrivée avant, je ne vois pas pourquoi je devrai partir avant. Attends Andy, il n'est pas encore question de partir.
Je ne lui répondis pas, et il vint s'asseoir en tailleur sur le sable, à côté de moi, face à la mer.

« -Tu fais quoi ? Poursuit-il sans demander de réponse.
-Je regarde les étoiles.
-Elles sont nombreuses ce soir.
-Très. »

Ce début de discussion était sans émotion. C'était parler pour parler. Même si entre nous, c'est plutôt compliqué.
Cependant, il retira ce bloquage.

« -Andy, faut qu'on parle.
-Tu n'as pas peur que je te frappe.
-Non, au passage tu me dois des excuses. »

Je ris, nerveusement, car je lui devais tout, sauf des excuses.

« -Aucunes, je t'en dois aucunes. »

Il marqua un temps d'arrêt, puis changeai de sujet.

« -Pourquoi vous êtes là ?
-Pour Dana.
-Pourquoi ?
-Ça ne te regarde pas. »

Il souffla, d'agacement probablement.

« -Vous avez quoi tous aujourd'hui avec ce '' ça ne te regarde pas '' ?
-C'est pas clair ?
-Si, très.
-Alors voilà, c'est elle qui a voulu venir. Pas moi. C'est tout ce que tu as à savoir.
-Pas du tout ?
-Pas du tout quoi ?
-Tu n'avais pas du tout envie de venir.
-Aucune.
-C'est normal, je suis con.
-Poses pas la question alors.
-J'espérais.
-T'espérais quoi ? Lui demandais-je en tournant doucement la tête pour le voir et enfin m'autoriser à le dévisager.
-J'espérais que tu sois venue de ton plein gré.
-C'est pas le cas.
-Ok. »
Il était déçu ? Tant pis.

« -Non, en fait ça va pas. Ça va pas du tout. Je suis pommé. Et il n'y a que toi qui peut mettre les choses au clair, reprit-il soudainement en haussant le ton.
-Comment ça ?
-Tu le sais très bien.
-Non.
-Merde, Andy arrête ça.
-Dis-moi. »

Oui Calum, dis-moi les mots que j'attends. Dis-moi les choses que je veux t'entendre dire encore une fois.

« -Putain Andy... Tu veux que je te dise quoi ?? Sérieusement ? Que j'en ai marre d'être tombé amoureux d'une fille qui ne veut pas de moi ? C'est ça ? Ou que je me suis ruiné ces dernières semaines parce que je ne te voyais pas, et que j'étais persuadé que tu m'avais oublié ? Ou que j'en ai marre de déprimer ? OU QUOI ?
-Oh... »

Je pris moi aussi, un temps de réflexion.

« -Amoureux ?murmurais-je.
-Du moins, ça s'en approche. Mais Andy, j'ai besoin de savoir. Je ne peux pas vivre comme ça, sans savoir. Tu m'a déjà fait le coup. Non. Puis oui. Puis non. Puis là je ne sais pas Andy. Aide-moi à me fixer, une bonne fois pour toute. »

Ça y est. Il le fallait. Je me redressai et m'assis comme lui. Puis après avoir longuement analyser son beau visage, et je dévia mon regard sur la mer invisible.
J'allais le faire, j'allais vraiment lui dire tout ce que j'ai sur le cœur ?

Oui.

« -Calum... J'espère que ce que je vais faire répondra à tes attentes, enfin si tu sauras comprendre. Je ne parle jamais de ça à quiconque. J'en fait j'en ai jamais parlé de vive voix. Ok ? Alors juste, laisse-moi parler.
-Ok...
-D'accord. Bon, j'estime que tu as le droit de savoir deux trois trucs sur moi. Bon. J'ai grandis dans la banlieue parisienne avec mes parents et ma sœur jumelle. Oui, j'ai une sœur jumelle.
Donc voilà. J'ai grandis jusqu'à mes huit ans dans un milieu banal d'enfant. Les disputes de parents fréquentes et tout ça. J'étais heureuse tu vois, une gamine de huit ans.
Puis mes parents ont divorcé. Mon père est parti à l'autre bout du pays, en manque de dépaysement.Tu sais Calum, si j'avais pu partir avec lui, je n'aurais pas hésiter une seconde. Je m'entendais cent fois mieux avec mon père qu'avec ma mère. Mais il y avait ma sœur, alors il était impossible pour moi de me séparer d'elle.
Puis, peu après nos dix ans, il disparu de ma vie complètement. Non, il n'est pas mort, il a juste été porté disparu durant de longues années.
Voilà pour ce qu'il est de mon enfance. Gamine à son papa, séparée de l'homme de sa vie.

Ensuite, c'est un peu moins gentillet.
Il y a tout juste un an, j'ai eu un petit copain. Rien d'extraordinaire. Comme de nombreux adolescents quoi. Il s'appelait Loam. C'est pas commun, on est d'accord. Donc, il y a un an, cela faisait quelques mois que nous étions ensemble et notre relation était vraiment passionnelle. Nous nous voyions souvent, tout se passait merveilleusement bien, enfin je t'épargne les détails. J'étais heureuse, malgré l'absence de mon père, j'avais retrouvé un certain équilibre avec Loam. Puis, un soir, je suis rentrée de soirée seule. Nous nous étions un peu embrouillés avec Loam, mais rien d'énorme. J'étais pas de bonne humeur, je devais me changer les idées. Alors, je suis rentrée chez moi ce soir là, fatiguée. Il devait être minuit, une heure, je ne sais pas trop. Je suis allée voir si ma sœur dormait, mais son lit était vide. Pourtant elle n'est pas sortie ce soir-là.
Ce fut à ce moment précis, pendant que j'étais dans sa chambre que j'entendis un bruit sourd, un cri et plus rien. J'ai paniqué. Je me suis ruée à l'extérieur, d'où provenait le bruit... Et puis... C'est là que je l'ai vue... Ma sœur... »

J'ai commencé à pleurer, bien malgré moi. Il saisit ma main et la blottit entre ses deux mains.

« -Ma sœur était étendue sur le sol. Un trace rouge grandissante sur son chemiser blanc... et... Loam en face d'elle... Un couteau à la main... »

Je ne pouvais plus continuer sans ponctuer mes propos de violents sanglots. Je m'arrête ici, il a compris, c'est le principal.
Je regarde les étoiles et soupire :

« -Elle fait partie des étoiles ce soir. »


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