Chapitre 1 - Ses yeux irréels

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Julia est devant moi, sa chevelure rousse tombe en cascade sur ses épaules. Elle braque son revolver dans ma direction. Je ne ressens rien envers elle, tout ce que l'on a vécu n'était qu'illusion.
- Tu vas me tirer dessus ? lui demandais-je, la mettant au défi de le faire.
- Je vais le faire. me répond-t-elle.
J'avance calmement vers elle. Elle ne le fera pas. Elle ne tuera pas un homme. Et sûrement pas celui qu'elle aime. Car elle m'aime, comme c'est stupide de sa part. Je suis si proche d'elle à présent que je peux sentir son souffle irrégulier. Je plaque mon visage contre le canon de son arme.
- Vas-y, tire. lui dis-je doucement.
Elle tremble, hésitante. Ses yeux s'agrandissent. Rien qu'avec la lumière de la Lune, je peux deviner sa peau moite.
- Tire ! lui intime-je en criant.
Elle baisse légèrement son arme et je choisis ce moment pour la lui arracher brutalement des mains. À présent, c'est moi qui ait l'avantage. Je passe le canon sous son menton, l'obligeant à relever la tête.
- Tu aurais dû tirer.
Mon doigt est sur la gâchette.
- Barbie ! Barbie !
C'est sa voix que j'entends comme un écho, mais ses lèvres n'ont pas bougées. Je tire. J'entends la détonation, et son corps s'effondre en arrière.
- Barbie !

Dale se réveilla en sursaut, se redressant subitement dans son lit. Ses yeux bleus étaient grands ouverts, son cœur palpitait à toute vitesse dans sa poitrine, son T-shirt était humide de transpiration. Julia passa ses mains sur ses épaules en soupirant.
- Encore ce cauchemar ? souffla-t-elle.
Il hocha la tête sans répondre. Il le lui avait déjà raconté des dizaines de fois. Elle y voyait une forme de culpabilité de lui avoir fait du mal, même si elle lui avait pardonné depuis bien longtemps. Il n'était pas lui même, elle lui avait répété cela maintes et maintes fois, mais intérieurement, il se sentait toujours responsable.
- Ça va faire un an, Dale. Tu devrais aller voir un psychologue.
- Un psychologue. Ces gens-là se nourrissent des problèmes des autres comme des hyènes qui bouffent la charogne.
Julia lorgna sur son réveil, annonçant 3h26. Après quelques minutes de silence, ils finirent par se rendormir l'un contre l'autre.



Le soleil venait de se lever sur Brandsmill. C'était une petite ville campagnarde à une centaine de kilomètres de Chester'Smill. Elle avait connu la gloire durant la deuxième vague d'industrialisation aux Etats-Unis, grâce à sa production de textile à base de cuir d'agneaux. À présent, il ne restait de cet âge d'or que des entrepôts vides et sales, dont les vitres en morceaux créaient courants d'air sur courants d'air. C'est ici que Jim se baladait tout les matins, errant dans les salles vides et délabrées. Cela lui rappelait le délabrement de sa vie.
Il avait reprit une entreprise de revente de voitures d'occasions, la seule chose qu'il sache faire pour gagner sa vie. Ses talents d'orateurs et d'escrocs n'ayant en rien été perdues, il brassait des milliers de dollars chaque jour. En compliment de cette activité, il avait reçu une place de politicien au Congrès contre son silence sur l'origine du dôme. Son compte en banque n'avait jamais été si abondant.
La mort de sa femme, puis de son fils, l'avait dévasté autant physiquement que mentalement. Il avait presque perdu tout son embonpoint et était bien plus musclé que lors de l'année précédente.
Jim bifurqua vers la salle principale avant de revenir à l'entrée de l'entrepôt. L'air frais matinale lui déboucha les narines, obstruées par la poussière vieilles de plusieurs décennie. Le ciel était d'un bleu laiteux, signe de pluie dans les jours à venir. Il remonta la rue tranquillement, le regard dans le vide, laissant son instinct guider son corps.



Jo se réveilla dans une torpeur quotidienne. Il bascula la tête vers la baie vitrée de sa minuscule cellule. Tout son corps lui faisait souffrir le martyre, chacune des parcelles de sa peau le tiraillait dans la chair. Son visage n'était plus le sien, les os de ses mâchoires sortait en-dessous de ses joues creuses, ses yeux était éteint, ses lèvres sèches et pleines de plaie causées par des mordillements continus. Chaque jour, des hommes entièrement vêtus de blanc venaient tester le virus qui circulait toujours dans son corps. Des dizaines de piqures chaque jour, qui le faisait vomir et poussait son organisme dans ses derniers retranchements. Il avait perdu presque la moitié de son poids depuis l'an passé, ses os saillaient sous ses vêtements et il ne pouvait même plus se tenir debout. Il peinait à manger, recrachant la majeure partie du temps le peu qu'on lui donnait. Il y a deux semaines environ, car il avait perdu toute notion du temps, une jeune femme aux cheveux noires était venu à lui. Elle l'avait appelé par son nom. Il avait reconnu son visage. Comment s'appelait-elle déjà ? Il ne le savait plus, il savait juste qu'il l'avait aimé de toute son âme. La parenté. Il n'en faisait plus parti, il le savait, mais l'armée n'était pas de cet avis et il était sur et certain qu'il ne sortira pas d'ici vivant. Il se retourna et se pencha en avant, puis entrouvrit ses lèvres. Une bile noirâtre fût propulsé depuis son estomac dans un seau souillé.
Lorsqu'il avait vu le dôme s'effondrer, il avait cru pendant une fraction de seconde que l'horreur était fini et qu'il allait pouvoir vivre librement. Mais il n'avait jamais été aussi faible et prisonnier qu'à présent.



After The Dome [ Tome 1 : L'Invasion ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant