Partie IV - Zayn

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C'est curieux les émotions qui peuvent transparaitre dans un geste. Un signe de la main peut être nostalgique, triste, heureux, accueillant ou non. Comme chaque coup de pinceau. Ou comme, présentement, chaque coup contre ma porte. Au début les coups étaient pressants, à la fois brefs mais rapides et forts. Puis quand vinrent l'impatience et la lassitude, les coups se sont espacés tout en étant plus brutaux. Et enfin, le troisième stade mené par l'énervement et l'inquiétude force l'intrus à abattre brutalement son poing contre ma porte à intervalle régulier. C'est du chêne massif, aucun risque que l'intrus n'en vienne à bout mais ça a tendance à m'énerver, surtout quand aux coups se mêle la sonnerie persistante de mon téléphone portable abandonné dans le salon. Il n'y a pas énormément de décoration ou même de mobilier, ce qui fait que chaque son a tendance à se répercuter et engendrer un assourdissant écho. Mon « coloc' » me conseille d'investir dans un tapis ou dans un canapé, ça étoufferait les bruits et rendrait l'atmosphère plus chaleureuse d'après et lui, et surtout la voisine du dessous cesserait peut-être de se plaindre des mes allées et venues nocturnes. L'horloge ancienne que j'ai récupéré dans une brocante pour quelques sous indique que j'ai côtoyé le sommeil durant toute la journée et une partie de la soirée. Je n'ai pas l'impression d'avoir perdu mon temps. Pas quand je peux me le permettre. Après tout ma profession m'offrent des libertés dont je profite à bon escient.

J'évalue la motivation et la détermination de mon invité à me voir au temps qu'il passe devant la porte alors même qu'il ignore si je suis présent. Je me tire du lit, me glisse sous la douche et chasse les derniers signes du sommeil grâce au jet brulant qui s'échoue sur mon corps en une cascade vivifiante. Je me sens un peu lourd, mais c'est agréable, je laisse juste mon corps aller à sa guise. Mon vieux jean confortable lâchement noué autour de mes hanches, je ne prends pas la peine de me vêtir plus décemment, je me sers un verre de rouge et le pose à proximité de mon téléphone dernier cri qui trône sur le bar, face retournée vers le bois mat. Les coups n'ont pas cessés. Heureusement que j'ai débranché la sonnette, j'ai horreur du son strident qu'elle déclenche. J'ouvre la porte tranquillement, comme si je ne venais pas de me faire désirer durant plus de quarante-sept minutes d'après mon horloge interne.

- Putain Zayn ! Une heure et demie ! Une heure et demie ! Qu'est ce que tu foutais ! J'ai cru que-

- Qu'est ce que tu veux ? Déclaré-je en le jaugeant du regard. C'est Payne. Un beau mec en toute objectivité, un peu trop jovial et niais à mon gout ; ce mec est la gentillesse incarnée et cela m'énerve autant que ça forge mon admiration. Parce que putain comment peut-on être aussi gentil ? Je savais en toute honnêteté que c'était lui dès que la première demie heure se fut écoulée. Notamment parce que n'importe quelle autre personne sensée se serait tirée au bout de cinq minutes face à la porte close et parce que peu de personnes osent s'aventurer chez moi lorsque je suis présent. Si je ne vous invite pas c'est que je ne veux pas de vous.

- Louis n'est pas venu travailler. J'hausse un sourcil, me questionnant sur la raison de cette mine inquiète, il n'y a pas mort d'homme après tout. Il semble nerveux et un peu trop agité à mon goût, peut-être que j'aurais du ne pas ouvrir.

- Et ?

- Zayn, merde réveille toi ! Louis ne manque jamais un jour de boulot ! Il ne répond pas à son portable, il n'est pas chez lui, ni au café. Je ne sais pas où il est !

- C'est pas un gosse Payne et je suis pas sa mère alors dégage.

- T'es pas sérieux là ? Demande-t-il, l'air consterné. Je m'impatiente, car je déteste son regard trop franc. Je me demande si Louis se rend compte à quel point ce type veille sur lui. Lui qui se plaint toujours de ne pas être aimé, il en a pourtant un pur produit à proximité. Payne semble sincèrement inquiet mais comment y prêter attention avec sérieux lorsqu'on a face à soi un mec tellement attentionné avec tout le monde qu'il s'inquiète pour un rien ? Il lui arrive même de se faire du souci pour moi, c'est pour dire à quel point ce type est atteint. Ça doit être le syndrome de Mère Thérésa.

- Ouais. Il n'est pas ici non plus, qu'est ce que j'y peux ?

- Il t'a pas appelé ou laissé un mot ? N'importe quoi ?

- Je vois pas où est le problème, il a pas le droit de prendre l'air et de ne pas donner de nouvelles quelques heures ?

- Si tu le connaissais un tant soit peu tu saurais que non. Zayn putain, tu es son meilleur ami et tu vas me dire que tu te sens tranquille là ? Je ne dis rien, riant jaune à l'intérieur. Meilleur ami ? Ah ouais ? Je n'étais pas au courant. Je sais que Louis me considère comme tel, mais ce n'est pas réciproque. Des amis sont censés avoir une certaine compatibilité, avec des points en commun, des aspirations plus ou moins identiques, un mode de pensée similaire. On peut être différent mais là, il n'y a pas plus contraire que Louis et moi. Ce n'est pas mon meilleur ami, loin de là. On n'aime pas les mêmes choses, lui ça le gêne pas d'être barbouillé de cambouis, quand moi je supporte pas la crasse, il est pas foutu de faire la vaisselle, ni de ranger son bordel et mange si gras que ça me donne mal au crâne. Il s'habille à l'arrache, et porte la première fringue qui lui passe sous la main et si ça lui va plutôt bien, je trouve ça aberrant d'être si négligeant. Même quand il s'agit de choisir un film ça pose problème, un simple film ! Alors non, ce n'est pas mon meilleur ami. Certes c'est mon confident par moment, et parfois nous sommes complices et plus, et oui il m'inspire mais ce n'est pas de l'amitié. Et je me retiens bien de le dire à cet idiot de Payne, parce que ça ne le regarde pas et que même s'il est absent je sais que si Louis vient à apprendre que j'ai démenti les paroles de son pote ça le blessera. Et blesser Louis est bien la dernière chose que je souhaite, du moins pas si mes propos ne sortent pas directement de ma bouche pour atterrir dans ses oreilles de gamin buté et impulsif.

- Tu me soules Payne, va demander à ses employés ou à sa pute, je sais pas mais il est pas ici. Il fronce les sourcils et me lance un regard en biais, sa bouche forme une moue qui veut exactement dire « Tu me prends pour un con. Si je suis là c'est bien parce que j'ai tout tenté avant de venir ici ». Et ça me fait sourire intérieurement. Car effectivement, si y a bien une chose que j'apprécie chez lui c'est le respect dont il fait preuve envers moi. Il sait que j'aime pas être dérangé, et prendra autant de tangentes que possible pour éviter d'avoir affaire à moi et ce même s'il m'aime bien. Chose incroyable et encore une fois non réciproque. Quoique, c'est vrai que c'est un bon gars qu'il est toujours utile d'avoir à portée de main. Après tout, il se couperait un doit ou une jambe pour me la filer si j'en avais besoin. Louis me le répète assez, toujours avec cet air de profonde incompréhension, que Payne m'aime bien. Et peut-être que moi aussi finalement.

Half of me [Zouis] FR TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant