Je me souviens du champ qui bordait le chemin de la rue dans laquelle se trouvait la maison de mes grands parents. On n'y allait pas souvent et le souvenir que j'en ai est vague et imprécis. Il demeure en moi et ressurgit de temps à autre, sans raison particulière ; parfois je ferme les yeux et je suis au bord du chemin et j'observe le champ. C'est pourtant la première fois que je le vois sous cet angle, je ne suis plus haut comme trois pommes, je vois plus loin que les vingt premières brindilles, je suis grand maintenant. Et le champ me paraît bien moins impressionnant qu'avant. J'observe les alentours, je suis toujours seul et je souris comme un abruti. J'ai toujours eu peur de m'y aventurer parce que mamy me répétait sans cesse que je risquais de m'y perdre mais que surtout il serait difficile de me distinguer parmi ces herbes hautes bien plus grandes que moi et dont la couleur était semblable au nid d'oiseau que j'avais sur la tête.
Aujourd'hui elles m'arrivent à la taille et on me verra, même de loin, encore faudrait-il que je me perde. Je rigole comme un débile au premier pas, j'essaye d'être prudent pour ne pas brusquer la nature, comme dans la forêt avec papy quand on allait ramasser les mûres. Il me disait de faire le moins de bruit possible parce que c'était nous les intrus et que si on se tenait tranquille sans effrayer les habitants de la forêt, on pourrait revenir. Alors je retiens mon souffle et j'avance doucement, les herbes piquent mes mollets nus, et une odeur forte envahit mes narines. Je parviens presqu'au centre et je me laisse soudainement tomber en arrière. C'est comme quand je faisais les anges dans la neige avec Lottie et Fizzie. C'était il y a si longtemps. J'ai envie de faire pareil même si c'n'est pas de la neige. On s'en fout, y a personne pour me réprimander.
Je suis allongé et c'est loin d'être confortable, et les herbes hautes me cachent des passants. Qui parviendra à me retrouver maintenant ? M'étais-je perdu en moi une nouvelle fois ? Je voulais traverser ce champ depuis toujours, et maintenant que j'y suis, aucune satisfaction, aucun bien-être ou ravissement ne s'éprend de moi. Je suis juste paumé dans un putain de champ qui gratte, le dos plaqué au sol, incapable de me relever, incapable de respirer. L'air est brûlant dans mes poumons, mon cœur bat trop fort, je voudrais ouvrir mon torse pour réconforter ce muscle qui n'en fait qu'à sa tête. Tous mes souvenirs et mes espérances de gosse ne valent en définitive pas ma vie. Rien ne vaut ma vie, rien de rien ne vaut ma vie. Pas même mon idéal. Pas même ce champ que j'ai toujours voulu traverser pour arriver plus vite chez mamy et papy et dévorer les gaufres chaudes nappées de chocolat qui m'attendait. Mamy m'a toujours dit de faire le tour, de suivre le chemin et de pas m'égarer en voulant arriver plus vite. J'ai toujours promis d'écouter.
Les promesses c'est sacré, je n'le savais pas avant. J'ai promis d'être un bon garçon. J'ai promis à maman que quand je serais riche je lui achèterais une belle maison et qu'elle serait encore jeune et belle lorsque je ferais d'elle la meilleure des grands-mères. J'ai promis à papa d'avoir un beau métier et de le rendre fier de son unique garçon. J'ai promis aux filles de toujours les gâter, de les emmener à Disney et de frapper le mec qui osera les toucher. Ils m'ont tous fait promettre quelque chose. Et j'ai faillis. Mais après tout, je ne suis plus leur seul fils et je ne suis plus un petit garçon.
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Half of me [Zouis] FR Terminée
FanfictionC'est l'histoire de deux amis, de conscience et de prise de tête. Deux êtres assez opposés. L'un cherche son idéal, tandis que l'autre prône la réalité. Trouver un juste milieu lorsqu'on n'oublie que le cœur n'est pas qu'un muscle, c'est ... compliq...