Killer Love

14 : Nouvelle Famille

Alex me déposa devant chez moi vers minuit. Nous avions discuté avec sa mère, une femme drôle et délicate. Pas une seconde je ne me suis sentie pas à ma place. Elle savait mettre les gens à l'aise mais maintenant, j'étais devant la porte de ma propre maison et j'avais peur d'en franchir le seuil et de devoir affronter ma propre mère. Je respirai alors un grand coup et ouvris la porte, passais dans mon salon plongé dans l'obscurité puis me ruais dans ma chambre. Ma mère devait sûrement dormir. J'allais en faire autant mais mon regard fut attiré par l'onglet sur lequel mon ordinateur était resté allumé : l'acte de naissance de Zach. Jenna l'avait reconnu mais Daniel n'en avait pas fait autant. Pauvre enfant. Jamais je n'avais vu un bambin si alerte, intelligent, communicatif, poli et le sourire aux lèvres. Ayant une pensée triste pour cet orphelin que le destin n'a pas encore sauvé, je fermai mon ordinateur lorsque soudainement, j'entendis une voix dans le couloir. Sentant un frisson me parcourir l'échine, j'hésitais à sortir me confronter à l'intrus alors j'entrebâillais seulement ma porte. En fait, de la lumière sortait de la chambre de ma mère. Sur la pointe des pieds, j'avançais jusqu'à la source du bruit et, par l'ouverture, je la vis, allongée sur le ventre au milieu de son lit, les genoux pliés, les jambes battantes et le téléphone collé à l'oreille. On aurait pu la confondre avec une adolescente en train de papoter avec ses copines, sa cascade de boucles blondes descendant jusqu'en bas de son dos.

-      Il est en stage à Paris en ce moment. Il travaille chez le garagiste Martinot. Je ne pourrais pas t'en dire plus, moi et la mécanique ...

Ma mère parlait donc de mon frère à son interlocuteur. Elle n'avait pas mis le haut-parleur et le bourdonnement qui s'échappait du combiné ne me donnait pas même d'indices sur le sexe de la personne au bout du fil.

-      Il va bien Lise. Ne t'en fais pas.

Elle s'arrêta quelques minutes pour écouter sa copine puis elle prit une grande inspiration et se massa la tempe de sa main libre.

-      Et qu'est-ce qu'elle venait faire là ? s'enquit-elle. Donc rien à voir avec notre histoire, n'est ce pas ? Tant mieux.

Son sourire de soulagement s'éteignit aussitôt que Lise lui répondit.

-      Un air de famille ? Mais tu peux réfléchir avant de parler ? Oh mon dieu, Lise ... elle n'a pas rebondi sur le sujet, rassure-moi ...

La réponse dût lui convenir car elle remercia le Ciel et ses Anges une bonne dizaine de fois. Elle prévint Lise qu'elle devait s'en aller puis elle raccrocha. Je pris alors mes jambes à mon coup et retournais dans ma chambre sans poser de questions. Je m'enroulais dans mes couvertures et gardais les yeux clos, ma mère entrant dans ma chambre. Qu'est-ce qu'elle allait faire ? Elle s'assit sur le bord de mon matelas et, croyant dur comme fer que je dormais à poings fermés, elle me caressa les cheveux et se mit à me parler :

-      Ma chérie, je m'en veux d'avoir à te cacher ça mais quand tu auras des enfants, tu comprendras.

Elle resta encore un peu près de moi, à penser. Moi, mes soupçons grimpaient en flèche. Au moins, le doute n'était plus permis : ma mère me cachait bien quelque chose. J'attendis qu'elle soit couchée et assoupie pour aller chercher dans le salon le téléphone fixe. Mon stage de détective en herbe me donnait le goût de la vérité et c'est non sans une petite montée d'adrénaline que je fis défiler la liste des derniers appels. Je pris en note le numéro avant de retourner me terrer dans ma chambre, la suite de nombres tatouée sur la paume. Une fois dans mon lit, je répondis aux messages qu'Alex m'avait envoyé.

De – Alexandre
Le cours de boxe t'a plu ?

A – Alexandre
Oui, c'était génial ! Mais tu aurais pu me dire que c'était toi le prof' !