Océane, Moi et la Passe-Miroir

VI

Ce fut un dimanche matin ; alors que ma tante et ma grand-mère s'étaient rendues à une invitation chez l'une de leur connaissance, toujours vêtus de mon pyjama, je m'étais installé dans la cuisine pour réviser mes cours. J'étais parfaitement conscient qu'après la semaine difficile que je venais de passer, il était plus judicieux pour moi de profiter de cette matinée pour me reposer, toutefois, il était primordial pour moi d'étudier afin de réussir à obtenir un jour une profession respectable. A défaut d'être un bâtard, j'avais l'ambition de devenir un homme responsable et sérieux.

C'est ainsi, alors que je relisais un texte de mon cours d'Histoire du Pôle, que des bruits de pas attirèrent mon attention. Je relevais mes yeux en direction de l'entrée de la cuisine, et fut stupéfié en voyant devant moi Océane, vêtue de son pyjama et de ses pantoufles. Son écharpe lévitait comme sauvent au dessus de sa tête. Les voyant pénétrer dans la pièce, je ressenti un sentiment confus m'envahir ; d'un côté je fus heureux de voir mon amie et Anima, et de l'autre j'éprouvais de la colère. Je me levais brusquement, serrant les poings, à la fois furieux qu'elle soit sortie de ma chambre ; prenant le risque de se faire prendre par ma tante et ma grand-mère, et surpris par la joie que me procurait sa présence dans cette maison vide.

- Salut Daddy ! Me dit-elle en me rejoignant.

Elle vint s'asseoir à ma gauche et posa sa montre à gousset sur la table. Anima s'installa sur la table, devant la montre. Je tentais de formuler une phrase pour lui faire remarquer qu'elle devait m'attendre dans la chambre, mais le silence inhabituel de la fillette me dissuada. Je m'assis sur ma chaise et je la dévisageais un instant.

- Samedi prochain c'est l'anniversaire de papa, et je ne sais pas quoi lui offrir. Me confia-t-elle. Dis, qu'est-ce que tu offrirais comme cadeau à ton papa ? Mon jumeau dit qu'il aimerait bien recevoir un dessin ou des dés pour sa collection, mais moi j'aimerais bien lui offrir un truc original. Tu en penses quoi ?

Je fus étonné de découvrir que le père d'Océane collectionnait également les dés, mais je préfèrerais ne pas y penser

- A vrai dire j'en sais rien ; je n'aime pas offrir des cadeaux.

Face à sa déception, je ne sus quoi lui dire. Je n'avais jamais connu mon père, et ma relation avec les membres de ma famille était bien trop conflictuelle pour que j'envisage à offrir quoique ce soit à l'un d'entre eux.

- Et bien c'est triste, car offrir des cadeaux à ceux qu'on aime, c'est plutôt cool. En plus c'est toujours sympa de faire plaisir à ses amis et sa famille.

- Et bien moi je n'ai pas d'ami, et ce n'est pas le grand amour avec ma famille. Répliquais-je froidement.

Anima se redressa et commença à s'agiter ; obligeant Océane à se lever pour essayer de la calmer. Lorsqu'elle y réussit, l'écharpe reprit son envole au dessus de sa tête. L'enfant me dévisagea tout en prenant en main sa montre à gousset, puis me dit une chose qui me surprit.

- Un jour tu auras une famille qui t'apportera beaucoup d'amour.

Son ton sérieux et affirmatif me laissa sans voix. C'était impossible qu'elle puisse affirmer une chose pareille, il était improbable que je puisse un jour avoir une famille qui m'aime, et pourtant aux ton de sa voix, et de l'expression de son regard, j'eue la sensation qu'elle n'exprimait pas un souhait, mais un fait réel.

- Océane, je te suis reconnaissant de vouloir me réconforter, mais tu ne connais pas ma famille, il n'y a aucune chance qu'un jour...

Je ne pus poursuivre ma phrase ; Océane m'avait donné un baiser sur la joue, me paralysant d'étonnement. Elle me sourit, puis partie en courant. Il me fallut quelques minutes pour réagir, et aller la rejoindre, mais ce fut tardif, puisqu'elle avait disparu. Cependant, lorsque j'entrais dans ma chambre, je trouvais sur mon lit une carte. Je la pris, et observais le dessin d'un gâteau. Intrigué, j'ouvris la couverture et fut encore plus surpris en lisant le message :

« Je te souhaite un joyeux anniversaire Daddy. Bisous Océane. » Je m'assis et tout en observant la carte, une question me tourmentait : « Comment Océane avait pu savoir qu'aujourd'hui était mon anniversaire ? » Après tout, ne le célébrant pas, je ne lui en avais jamais parlé.