Partie 24 : Vingt-quatrième Menée

442 44 10
                                    

POV Shira :

─ Je persiste à dire que c'est une mauvaise idée, fit Charley en nouant une écharpe autour de son cou.

─ Je sais bien, mais je m'en contre fous. -Fis-je en la regardant tourner à l'angle de la rue.

J'avais pris cette décision sur un coup de tête, sautant sur la conclusion qui s'imposait ; puisque je devais me reprendre, autant y aller à fond.

─ Et si...

─ Tout ira bien, Charley. Je vais juste chercher cette photo et nous pourrons repartir.

─ Bien. Dépêche-toi alors, ça ne me plait pas.

La voiture s'arrêta devant le perron, les doigts de Charley crispés sur le volant.

─ Deux minutes ! Pas plus.

─ Deux minutes, promis-je en sortant.

J'ouvris la porte avec une lenteur exagérée, comme si celle-ci pouvait me sauter à la gorge.

Noir. Vide.

Exactement comme je l'avais laissée.

J'avais supplié mon amie barman de m'amener jusqu'ici afin de récupérer la photo qui trônait sur ma petite table de chevet : un portrait de moi et Sarah.

Elle avait une valeur sentimentale pour moi : c'était notre dernière photo avant l'accident.

Je montai les escaliers et tournai à gauche, la trouvant, elle était plus belle encore que lorsque je l'avais laissée.

On pouvait y voir mon amour le sourire aux lèvres, les yeux si rieurs que l'envie de pleurer me prit aux tripes.

Ses cheveux blonds étaient noués en une tresse sagement posée sur son épaule dénudée, ma main enroulée autour d'une de ses mèches rebelles.

Nos sourires ne manquaient pas à cette époque...

« ─ Shira, regarde l'objectif ! -Fit-Sarah en agitant l'appareil photo devant mes yeux.

Je lui souriais, heureuse d'être responsable de la flamme qui brûlait dans ses yeux.

─ Tu me dévisages encore...

─ Désolée, mais c'est plus fort que moi : tu es magnifique. -Répondis-je en riant.

─ Charme-moi encore.

Sa tête se colla contre mon épaule, nos rires et moues euphoriques fusionnant au moment où la lumière éblouit nos visages. »

Je la pris, les doigts tremblotants, prenant le temps de caresser le visage plié de mon amour brisé, recherchant cette lueur d'autrefois.

Je ne la trouvai pas.

« ─ Arrête cette voiture ! Shira, arrête-toi toute suite ! -Hurla Sarah en m'agrippant le bras.

Mes jointures se blanchirent autour du volant et, les dents serrées, je refusai d'obtempérer.

─ Shira, arrête. S'il te plait, arrête.

"Tu es devenue ce que tu as toujours été au fond de toi, ne l'oublie jamais".

─ Shira...arrête. »

"Tu es devenue ce que tu as toujours été au fond de toi...ne l'oublie jamais".
Le papier s'effrita dans ma main.

"Ne l'oublie jamais".

Non, c'est faux.

"Monstre..."

"Ta faute."

"Tu te retrouveras seule Shira"

Laissez-moi tranquille !

"Sors de nos vies sale monstre !"

"Tu aurais dû mourir ce soir-là, tu aurais dû mourir !"

"Tout est de ta faute ! Tu aurais mieux fait de pourrir dans cette voiture ! Je te haïs !"

"Il faut que tu partes."

Ces phrases tourbillonnaient dans mon esprit et, plus je me débattais pour les faire taire, plus elles revenaient en force, vibrant toujours plus fort.

Elles ne me laisseraient jamais en paix.

Je mis la photo dans une des poches de ma veste cloutée et descendit, frôlant le mur du salon.

Le téléphone de la maison se mit à sonner, me figeant sur place.

Ne le prends pas...

J'attendis que la messagerie s'enclenche et écoutai le message vocal, redoutant ce que j'allais y trouver.

─ Shira, Shira...Tu me déçois ma fille, je te pensais plus intelligente, vraiment. Tu pensais vraiment que je te laisserais partir ? Ne crois pas une seconde que je ressens une quelconque affection pour toi...mon porte-monnaie, oui. Vois-tu, je ressens l'irrésistible envie de partir à Cuba, tu t'imagines bien que ton empoté de père n'a pas assez d'argent sur lui pour me le permettre...Voilà ce qu'on va faire toi et moi ; tu vas gentiment sortir de ta cachette et te rendre chez moi avec tes affaires. Tu as douze heures, passé ce délai, je débranche Sarah. Oh, une dernière chose : ne tente rien contre moi, tu risquerais de te confronter à un mur, fit la voix de Jade d'un ton suffisant avant d'être coupée par le clic d'un message enregistré.

« ─ Je suis désolé Mademoiselle...votre amie est dans le coma, elle risque de ne jamais se réveiller.

─ NON ! Vous mentez ! Sarah a juste besoin de se reposer, elle va très bien ! -Hurlai-je en me redressant sur mon lit d'hôpital.

─ Elle ne se réveillera probablement jamais, le choc a sectionné certaines parties neuronales du cerveau...il est trop endommagé pour fonctionner normalement. Et même si elle se réveille, elle ne sera plus la personne que vous connaissez : ce sera une jeune femme entièrement dépendante de soins fournis vingt-quatre heures sur vingt-quatre, incapable de se débrouiller seule...

─ Je m'en fiche, je l'aime ! Elle ne peut pas me quitter, vous comprenez ? Je l'aime !

─ Je suis désolé...Sarah ne pourra plus jamais vous retourner ces mots.

Je regardai Jade dont un sourire malveillant ornait les lèvres.

─ C'EST DE TA FAUTE ! TU L'AS TUEE ! TU L'AS TUEE ! -Criai-je en me débattant pour descendre.

─ Madame, calmez vous, vous ne pouvez pas descendre : vous vous rappelez ? On vous a sectionné la jambe droite... - Fit le chirurgien en se précipitant vers moi.

─ TU L'AS TUEE ! SARAH ! SARAH !

Je me débattis plus fort, arrachant ma sonde du bras avec violence, luttant contre le poids de l'homme qui tentait de me retenir.

─ SARAH ! NE M'ABANDONNE PAS ! SARAH ! -Fis-je, des larmes brouillant ma vue.

─ INFIRMIÈRE !

─ SARAH !

On m'injecta un calmant de force, l'aiguille perçant ma peau en moins d'une fraction de seconde.

La dernière chose que je vis fut la lueur perverse brillant dans le regard de Jade. »

Je portai ma main à ma bouche, les larmes aux yeux.

Elle allait le faire...

Elle allait tuer Sarah.







Arabesque (tome 1) : Entre deux dansesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant