Tome 2 Ω Sang-Mêlé Ω Vengeance

Chapitre 5

Kyle

Mes sens complètement annihilés par les effets secondaires de l'alcool, je suis désormais incapable d'ouvrir les yeux. L'esprit en proie à une confusion des plus totales, des idées incohérentes se succèdent avec la ferme intention de me submerger jusqu'à me faire chavirer dans cet océan obscur que peut être l'inconscience.

Ma conscience navigue péniblement de la réalité au monde imaginaire, prête à sombrer à la première petite secousse. Enfaite je suis tellement amorphe que même le bruit répétitif du monitoring relié au coeur d'Ana ne raisonne plus dans ma tête. Et à mon plus grand soulagement, le charabia incessant des infirmières concernant leurs dernières expériences sexuelles me semble lui aussi bien loin. 

Mais l'entrée fracassant d'un individu quelconque dans la chambre d'Ana éveille immédiatement mon instinct de combattant. Je laisse s'échapper de mon corps une aura aussi menaçante qu'écrasante comme avertissement, avant d'ouvrir mes yeux désormais d'un blanc étincelant. 

Pourtant l'extrême tension présente dans mes muscles finit par s'évaporer d'elle-même lorsque mon regard croise celui de mon petit frère. Ce dernier hausse un sourcil sans jamais esquisser le moindre mouvement. L'impression que la peur le paralyse est complètement erronée, il est tout simplement habitué à provoquer ce genre de réaction chez moi.

Contrairement à Camerown qui se taire dans un silence pesant, Jake s'entraîne nuit et jour depuis plusieurs mois. Obligeant régulièrement son corps d'enfant âgé tout juste de huit ans à dépasser régulièrement ses limites. Il s'est littéralement métamorphosé, développant considérablement sa musculature au-delà de ce qui peut être tolérable.

Mais je ne peux rien lui dire, on réagit tous différemment suite à ce traumatisme. L'impuissance m'a plongé dans ce puits sans fond qu'est la dépression, lui s'entraîne avec acharnement pour ne plus que jamais cela se reproduise, tandis que Camerown ne prononce plus un seul mot.

« Ça sent le seum ici. La remarque de mon frère m'interpelle.

- Où as-tu appris ce mot ? Je l'interroge d'une voix éraillée, l'esprit encore embrumé par les effets indésirables de l'alcool.

- Garik, le fils d'Héphaïstos. Il est cool. Me répond Jake calmement.

- Je vais le tuer. » Je marmonne dans ma barbe alors que ma tête retombe mollement sur le lit d'Ana, près de sa main.

- Dans cet état, même une fourmi pourrait avoir le dessus sur toi. Commente avec sérieux mon frère m'obligeant à grogner faiblement.

- Casses-toi de là, petit merdeux. Je m'énerve à bout de forces avant que le sommeil m'emporte finalement dans son sillage après avoir veillé sur Ana plus de quarante-huit heures d'affilée. 

***

Réveillé par des hurlements, je peine à me hisser sur mes jambes encore flageolantes. Mais je ne suis pas dans la chambre d'hôpital dans laquelle j'ai élu résidence depuis six mois. Non, je suis au beau milieu de la forêt.

Je pense aussitôt à une mauvaise blague de Jake, mais ce n'est vraiment pas son genre de faire des conneries pareilles. Finalement, ma respiration se bloque lorsque j'aperçois Ana courir vers moi, complètement affolée.

Ses cheveux blonds sont maculés de sang, et ses vêtements tâchés de boue. Le bleu incroyable de ses yeux qui m'a tant manqué, n'exprime qu'une frayeur indescriptible comme si la mort personnifiée la poursuivait.

Mais l'obscurité m'empêche de distinguer les environs au-delà d'une dizaine de mètres derrière elle. Pourtant, je devine à la silhouette des arbres qui se dérobent brusquement que son assaillant est tout sauf un être humain. Même moi, descendant de Zeus, je suis incapable de rivaliser avec ce monstre qui semble tout détruire dans son passage.

Et en me fiant à la sensation qui m'oppresse littéralement jusqu'à la suffocation, lorsque je sens le sol trembler violemment ainsi à chacun de ses pas, je n'ai aucun doute à penser que la personne qui terrifie Ana n'est autre qu'un géant.

Cette conclusion me fait écarquiller les yeux de terreur, mon père s'est occupé d'exterminer l'ensemble des races qui représentaient une menace pour son pouvoir, et celle des géants en faisait bien évidemment parti.

Comment oublier les histoires morbides de mon père qu'il me racontait lorsque je n'étais encore qu'un enfant... Les considérant comme des êtres avides de pouvoir et de sang, capables de s'entretuer sur un simple désaccord. Faisant brûler vif les traîtres, et bouillir les épouses infidèles avec leurs enfants illégitimes.

Enfin...un peuple de guerrier qui n'a jamais cessé de lutter contre l'hégémonie des Olympiens pour leur indépendance jusqu'à ce que Zeus, mon père, les extermine tous. Ce n'est pas le genre de personne à qui l'on peut s'opposer sans s'exposer à de lourdes représailles. 

Et je suis le mieux placé pour le savoir. 

Alors c'est tout bonnement impossible que cette créature est dissimulée sa présence depuis plusieurs siècles, pour se révéler aujourd'hui avec l'unique objectif d'assassiner Ana. Mais si ce géant veut se venger... :

- JE SUIS LA PERSONNE QUE TU DOIS TUER ! 

Ma voix n'est qu'un murmure, et l'absence de vent ne permet pas à ce faible écho de parvenir jusqu'à ce monstre assoiffé de vengeance. 

Finalement, Ana finit par s'écrouler d'épuisement juste à mes pieds. L'envie de lui venir en aide me démange, pourtant mon corps refuse d'obéir. Comme paralysé par une force invisible, dont je ne peux me soustraire malgré toute ma volonté. 

Me condamnant à l'entendre supplier son assaillant de lui laisser la vie sauve, n'ayant pas même conscience que la pitié ne fait pas parti du vocabulaire de ces êtes violents. 

Mais lorsque le géant s'apprête à franchir le dernier obstacle pour se révéler aux yeux de tous, signant définitivement l'arrêt de mort d'Ana... Une main chaude vient se glisser dans mes cheveux, tout en murmurant près de mon oreille :

- Kyle... Tu pleures ? 

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