Mercredi 2 décembre

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Chère Sophie,

Aujourd'hui, j'ai vu le nouveau petit couple se balader main dans la main dans les couloirs, tout sourire. Ça m'a dégouté.

Quand je me suis retrouvée seule chez moi, l'après-midi, j'ai pris le collant que j'avais mis pour la fête et suis allée dans la salle de bain. J'ai fait couler un bain puis y suis rentrée, collant et briquet en main. Je me suis installée dans l'eau tiède puis ai suspendu le collant au-dessus, le bras tendu pour que le nylon ne touche pas l'eau. J'ai ensuite allumé mon briquet et ai placé la flamme sous un des pieds du collant. Le feu a eu comme un éclat puis a commencé à prendre assaut du tissu. Je voyais cette vague rougeoyante et chaude dévorer un à un les papillons dessinés dessus. J'admirais le spectacle calmement. J'ai ensuite fait la même chose avec l'autre jambe alors que la flamme était arrivée au milieu de la première. J'étais ébahie par le spectacle, la danse silencieuse de cette pieuvre rouge sur l'habit noir. Je sentais sa chaleur me caresser la peau sans réussir à l'atteindre. Quand le feu s'apprêtait à m'attraper la main, j'ai lâché le bout de collant dans l'eau. J'ai ensuite laissé retombé mon bras et ai
fermé les yeux. J'étais calme et je souriais. Ça faisait longtemps que je n'avais pas souri. Quand l'eau est devenue froide, j'ai rouvert les yeux et ai regardé un moment les morceaux noirs qui restaient du collant flotter dans l'eau clair.

Quand je suis ressortie, j'ai regardé mon corps nu dans le miroir. Il y a plusieurs jours, j'écrivais que je ne m'aimais pas, que je n'aimais pas mon corps. Aujourd'hui, je m'en fiche.

Je souris encore quand je pense à ce que j'ai fait de ce collant.

Maintenant, il ne pourra plus jamais attraper ces papillons.

Chère Sophie...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant