April By Night 2 : Ain't No Sunshine.

Chapitre 3 : « Dolce Vita, avec le mauvais acteur. »

- Je suis pas morte ! Criai-je en rentrant dans l'appartement moins de cinq heures plus tard

- Yay... s'écria mollement Chloé, qui aurait apparemment préféré que ce soit le cas.

Elle était assise sur l'une des immenses chaises qui entouraient le plan de travail qu'elle était la seule à utiliser ; mignonne comme une rose dans son pull de cachemire épuré trop grand pour elle, son collant noir et ses chaussettes à motifs hivernaux qui montaient jusqu'à ses cuisses... Elle buvait un chocolat chaud qui paraissait délicieux, puisque des grumeaux flottaient à sa surface...

Oui, elle était mignonne comme tout, mais elle n'avait pas l'air heureuse, presque comme si elle avait pleuré...

- Bah... Qu'est-ce qui se passe ? fis-je, inquiète.

Sans répondre, elle se contenta de me tendre son portable, de déposer un bisou papillon sur ma joue. Lorsqu'elle tourna les talons, elle m'apprit que Clément était dans ma chambre, et partit dans la sienne sur la pointe des pieds... Son attitude m'inquiétait. Elle était pareille à l'eau, bien plus douce et tranquille qu'Elaine, qui représentait plutôt le feu, mais elle n'avait jamais agi de la sorte, avec un calme et une tristesse déroutante, sans poser le moindre mot...

- What the... fis-je en regardant son portable, plutôt déboussolée.

Mais je compris très vite qu'il y avait effectivement un petit problème, et que j'aurais peut-être mieux fait de rester en Italie. La bonne nouvelle, c'était que Chloé n'avait pas de problème ; la mauvaise, c'était que j'étais immergée dans la merde jusqu'au cou... Sur son portable était affiché un article, qui ne pouvait qu'être de la plume de ma délicieuse sœur, intitulé « Dolce Vita avec le mauvais acteur » ; et si je n'étais pas trop absorbée par ma tâche qui était de rager contre celle qui avait décidé de faire de ma vie un enfer, j'aurais certainement pu apprécier la double référence. Dolce Vita était un vieux film des années 50 où Audrey Tautou jouait (surprise !) une princesse qui avait décidé de prendre des vacances loin de sa famille et de ses obligations. Quant au mauvais acteur, eh bien... C'était plutôt simple. Sur la photo d'en-tête, on me voyait, la veste d'Alex sur les épaules, et lui portant mon sac de la main droite, son bras gauche posé autour de mes épaules, et nous deux riant aux éclats... On aurait vraiment pu croire qu'il était mon amant, sur un cliché comme celui-ci. Et ma sublime robe romantique n'aidait vraiment pas à déjouer l'image. One picture is worth more than a thousand words.

- Le mauvais acteur, maugréai-je en pensant à une troisième référence, que ne pouvait pas comprendre le public, normalement. Le couple que je formais avec Clément n'avait jadis été qu'un sublime jeu d'acteur. Jadis.

- Lis l'article, le meilleur est à venir, me fit le bon acteur d'une voix sourde (il n'était apparemment plus dans la chambre)

Je n'avais pas d'autre choix que de m'exécuter :

« Dolce Vita avec le mauvais acteur ?

Clémil [ j'avais toujours haïs ce néologisme. C'était franchement ridicule. ], le couple phare de l'année passée, que l'on n'a vu que très rarement séparé depuis le début de leur mythique idylle, semble s'être dissout comme il est apparu : sans préavis. En effet, la belle Anderson a été aperçue faisant du tourisme en Italie, pays de l'amour, sans celui qui partage sa vie... Mais, pire que cela, elle était surtout accompagnée d'un nouvel inconnu... Alors, est-ce une tromperie – qui ne serait pas la première – ou bien le couple aurait-il décidé de se séparer dès son retour de Suisse ? April, interrogée sur le sujet par une de ses nombreuses admiratrices, aurait déclaré qu'il ne fallait « surtout pas s'inquiéter pour Clément »... Ces paroles semblent lourdes de sens ; pensait-elle que le jeune Baxter n'en saurait jamais rien, leur couple est-il ouvert à la polygamie, ou bien... ? Tout ce qu'on sait, c'est que la blonde n'a jamais eu la langue dans sa poche, même quand elle le devrait. Alors, cette absence de commentaire nous laisse envisager le pire. »