Longues explications

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Au bout d'un moment, Léo s'assit à ses côtés, sur le banc. Il ne savait sûrement pas quoi faire devant le silence pesant de Cléa.

Celle-ci réfléchissait, et se demandait par où elle devait commencer. Puis comme si Léo avait lu dans ses pensées, il lui dit.

-Et si tu commençais par me dire le problème qu'il y a entre toi et Thomas.

Elle releva ses yeux bleus vers lui, emplis d'une tristesse profonde et qui ne disparaissait jamais complètement.

-Thomas avait une sœur, Natacha, dit-elle.

Elle sentit Léo se tendre à l'évocation de cette fille au passé. Elle pensa qu'elle devrait arrêter, stopper cette idée idiote de lui raconter. Mais c'était lui qui lui avait demandé, alors elle continua.

-Natacha avait deux ans de moins que moi, et quand je suis entrée en Première, elle faisait sa dernière année du collège. C'était une fille fragile d'un point de vue médical, elle avait raté plusieurs mois de cours durant le collège, ce qui faisait qu'elle n'avait pas vraiment d'amis, juste des connaissances qui lui disait bonjour de temps en temps.

Cléa observa un instant autour d'elle, elle n'arrivait pas à croire qu'elle lui racontait tout ça. Il y avait tellement de monde autour d'eux, elle avait toujours pensé que si elle disait tout cela à quelqu'un, cela se passerait dans un endroit désert, loin des oreilles indiscrètes, et surtout loin de ceux qui lui faisaient tant de mal jour après jour.

-Elle était d'un naturel timide, ce qui ne l'aidait pas. Et ses problèmes de santé ne lui permettaient pas d'avoir vraiment confiance en elle. Quand je l'ai rencontrée, elle entrait en sixième. Cela faisait 2 ans que je connaissais Thomas, et je n'avais jamais vu Natacha jusque-là. La première impression que j'ai eue d'elle était qu'elle était vraiment mal en point. Elle était pâle et ses cernes sombre n'en ressortais que davantage. Elle n'était pas bien grande, et paraissait fragile. Quand je l'ai vue, j'avoue avoir eu pitié d'elle.

Cléa reprit sa respiration, elle se souvenait de ce jour comme si c'était hier. Elle y avait tellement repensé depuis la mort de Natacha, comme une prémonition que tout cela se terminerait de toute manière que d'une seule façon. Sa mort.

-Elle était maltraitée aussi à l'école, pas violemment, mais assez pour qu'elle se replie sur elle-même. Je trouve que le collège est la période la plus cruelle de la scolarité, les enfants ne se rendent pas encore compte que leurs mots ont un pouvoir destructeur et en abusent sur les plus faibles. Ceux-là se ferment peu à peu au monde extérieur, et Natacha faisait partie de ces gens. Elle était seule, donc elle était aussi une cible facile. Quand je l'ai rencontrée, sa mère avait décidé depuis presque un mois de lui faire voir un psychologue, sans résultats à ce moment-là.

Léo l'observait, son regard bleu profond planté dans celui de la jeune fille, comme un soutient silencieux à tout ce qu'elle avait vécu et qu'il ne savait pas encore. Puis Cléa hésita, après tout le souvenir de Natacha appartenait plus à Thomas qu'à elle, et elle avait l'impression de le trahir en racontant toute cette histoire à Léo. Mais elle comprit qu'il fallait qu'elle le fasse, il fallait qu'elle parle de cela à quelqu'un.

-D'une façon que je ne saurais expliquer, je me suis énormément rapprochée de Natacha, peut-être parce que j'ai toujours voulu une petite sœur. Au début quand je la voyais ce n'était qu'en présence de son frère, et je n'avais pas l'occasion d'avoir une conversation seule à seule avec elle. Mais je voulais la voir sourire comme une fille de son âge devait le faire. Elle n'avait que dix ans et déjà elle avait l'esprit abîmé par la violence verbale. Puis un soir j'ai eu l'occasion de lui parler calmement, dans l'intimité de sa chambre, peut-être que cela l'avait rassurée d'une certaine manière. Son frère n'était pas là, je ne me souviens plus exactement pourquoi. Enfin, peu importe.

Cléa se souvenait très bien de cette conversation, c'était la première fois que Natacha lui avait parlé de ce qu'elle subissait à l'école. Des rires insultants, des questions qui blessent, des moqueries qui comprime douloureusement le cœur. Natacha lui avait avoué n'être pas assez forte pour les ignorer.

-Elle se sentait faible de ne pas pouvoir tout simplement leur répondre d'aller se faire voir, d'arrêter de lui parler si c'était pour la faire souffrir. Natacha était encore la petite fille polie et gentille qu'elle avait toujours été, elle avait été éduquée de cette manière et elle n'arrivait pas à s'en défaire. Alors quand on lui disait quelque chose, elle baissait la tête et ne disait rien.

-Tu lui as dit quoi ? demanda Léo.

C'était la première fois qu'il prenait la parole depuis que Cléa avait commencé à parler, et elle resta un instant figée à regarder ses yeux bleus. Pendant ce temps-là, le jeune homme attendait patiemment qu'elle continue. Cléa se plaisait à croire que c'était parce qu'il voulait comprendre pourquoi elle était devenue aussi triste que Natacha, voire plus, et qu'il voulait l'aider. Elle espérait juste que ce n'était pas juste une curiosité malsaine de sa part.

-Je ne lui ai pas dit qu'il fallait qu'elle se prenne en main, et qu'il fallait qu'elle arrête de se laisser faire. Elle savait déjà tout ça, et puis on le lui répétait sans cesse, comme une litanie incessante qui lui rappelait encore et encore qu'elle n'était pas assez forte pour supporter tout cela. Elle savait qu'elle était faible, inutile de le lui répéter, et puis de toute manière, ce n'était pas sûr que cela l'aide. Des fois, ça ne fait qu'empirer la situation.

Cléa parlait par expérience, elle évitait en général de tenir tête à ses agresseurs pour ne pas qu'ils prennent ainsi un malin plaisir à lui faire encore plus mal. Il fallait mieux se taire, endurer en silence, et attendre que ça passe. Après tout, tout avait une fin, il fallait prendre son mal en patience et supporter au mieux la douleur.

-Je lui ai souris, et j'ai pris sa main. Puis je lui ai expliqué que la vie n'était pas tout le temps facile, et qu'elle était entrée plus tôt que prévu dans la partie la moins drôle. Puis, je lui ai dit qu'il fallait qu'elle se concentre sur ce qu'elle avait de bien dans sa vie, comme sa famille qui s'inquiétait pour elle, son frère qui voudrait comprendre pourquoi elle n'était pas bien, et moi maintenant, qui voulait l'aider. Maintenant quand j'y pense c'était peut-être un peu idiot, du haut de mes quatorze ans je lui expliquais la vie. Mais tout ce que je voulais, c'était l'aider, et malgré mes maladresses elle l'avait bien compris. Puis cette soirée est devenue un souvenir, mais cette discussion est restée ancrée en nous comme un lien invisible, et peu à peu, elle m'a laissée entrer dans son monde fermé aux autres.


Chapitre révélations!

J'espère que le presque-monologue de Cléa ne vous a pas endormi!

Si vous avez quoi que ce soit à dire n'hésitez pas à commenter! (comme trouvez-vous les personnages par exemple, ça m'intéresse!)

Bref, bonne année à tous et à toutes et à bientôt pour la suite des explications!

Alice


Sous le cerisier [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant