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Chapitre 1 : Le jour où tout a commencé

— Brad, c'est ton tour!

Ashley saisit la bouteille vide qui se trouvait juste en face d'elle, sur la table basse, avant de la balancer à Brad qui la rattrapa de justesse.

— Du calme blondie, tu risques de blesser quelqu'un! dit-il avec son sourire arrogant.
— De blesser quelqu'un? Tu n'aurais pas un peu peur de moi mon cher Brad Parker ? Et ne m'appelle pas " blondie"!
— Qui n'aurait pas peur d'une tigresse à la chevelure blonde nommée Ashley Sanders?
— Une tigresse bourrée, le corrigea-t-elle avant de s'esclaffer de rire.

Comment moi, Hayley Brown, m'étais-je retrouvée ici?
C'était simple. Ashley, Brad, Sean et moi étions meilleurs amis. Nous étions tous les quatre dans la même classe en troisième, et une chose que les gens - surtout mes parents - aimaient appeler le destin avait fait en sorte que nous soyions à nouveau dans la même classe de seconde au lycée. Pour une fois, le destin, plus communément appelé le hasard, avait bien fait les choses.
Cela faisait donc un mois que nous étions au lycée. Un mois que je me demandais sérieusement comment quatre personnes avec des personnalités aussi opposées pouvaient être meilleurs amis.
Ashley et moi l'étions depuis la cinquième. Certaines filles l'étaient depuis la maternelle et croyaient que le fait que leur amitié soit de longue date la rendait mille fois plus vraie que toutes les autres, ou encore parce qu'elles ne se disputaient jamais. Et bien, figurez-vous que la plupart du temps, ce sont ces amitiés-là qui se brisent au premier problème.
Mais Ashley et moi n'étions certainement pas comme ça. Nous nous disputions tout le temps et nous faisions souvent des coups bas, mais par-dessus tout, nous ne pouvions pas nous passer l'une de l'autre. Elle était si différente de moi que cela semblait totalement évident que ça dérape parfois.
Elle était blonde, moi, j'étais brune. Elle avait de grands yeux bleus pétillants, moi, je les avais marrons. Sa peau était très blanche tandis que j'abhorrais un teint plutôt hâlé. Je le tenais sans aucun doute de ma mère et pouvais ainsi dire merci à mes origines espagnoles.
Nous avions toujours eu la même taille, elle et moi. Ou alors, seulement deux centimètres d'écart, comme si nos corps étaient constamment en compétition. Outre les détails physiques, Ashley était une fille très bavarde, sociable, sûre d'elle et vraiment populaire auprès des garçons. Pour être franche, elle avait à première vue tout de la pétasse typique du lycée. Mais en réalité, elle était loin d'en être une. C'était une fille adorable, toujours prête à aider les autres, et surtout très sérieuse dans ses relations amoureuses. Depuis qu'elle s'était fait briser le cœur par Dallas, un blondinet de notre classe de cinquième, macho jusqu'au os, sans oublier son air totalement idiot, elle évitait de tomber amoureuse ou alors, elle mettait fin à ses relations avant d'être blessée. Il fallait dire qu'elle l'aimait vraiment ce garçon. Elle le regardait intensément à chaque récréation, mais ne semblait pas voir qu'il avait une nouvelle copine accrochée à son bras chaque jour. S'il était comme ça en cinquième, j'osais à peine imaginer ce qu'il était devenu. Je devais cependant admettre qu'au final, s'il ne lui avait pas brisé le cœur, elle serait sûrement restée la fille superficielle, arrogante et prétentieuse qu'elle était, et nous ne serions sûrement pas amies à l'heure même.
J'avais toujours envié Ashley. Moi contrairement à elle, j'étais timide, maladroite, têtue, pas très sociable et en plus j'avais la phobie des grenouilles. Je ne me rappelais plus le nombre de fois où pendant des sorties scolaires, je m'étais retrouvée avec une grenouille près de mon oreiller, tout ça parce qu'un petit malin nommé Brad Parker avait découvert ma phobie...
Comme j'étais aussi très rancunière, j'attendais le jour de ma vengeance avec patience. Mais ça, il ne le savait toujours pas.
En résumé, je n'étais pas vraiment ce qu'on pouvait qualifier de modèle. "Quinze ans, ma fille , il serait peut-être temps d'actualiser, tu sais!" me répétait incessamment ma mère.
En ce qui concernait Brad et Sean, notre amitié datait seulement de l'année précédente. Quand j'avais appris que Brad était encore dans ma classe alors qu'il l'avait déjà été en cinquième, j'avais cru que j'allais sérieusement péter un câble. Brad Parker. Le garçon qui s'infiltrait dans ma chambre durant les sorties scolaires pour y mettre ces affreuses créatures qu'étaient les grenouilles, avant de filmer ma réaction hystérique et de la montrer à toute la classe.
Évidemment au début, je le détestais. Avec son regard et son sourire pervers, ses yeux moqueurs couleur bleu teinté de gris et ses cheveux châtains qui avec le temps avaient viré au blond, pour qui il avait à l'époque un amour obsessionnel ... il était l'idiot parfait, le cancre de la classe, dragueur, tombeur, charmeur. Je le maudissais du regard à chaque fois que ses yeux osaient croiser les miens, en souvenir des grenouilles dans le lit. Ashley de même, mais seulement parce qu'il ressemblait à Dallas. Jusqu'au jour où, en sport, j'étais sur le point de me briser le dos, tout ça parce qu'Ashley, qui me traitait de trouillarde, m'avait défié d'escalader le mur d'escalade sans être attachée, pendant que le prof s'était absenté. J'avais glissé et chuté d'assez haut pour me briser quelque chose, mais au dernier moment, Brad m'avait rattrapé.
J'en étais restée bouche-bée. Je me sentais très stupide, surtout qu'à cause de moi et de la manière dont il m'avait rattrapé, il s'était fait une entorse à la cheville. Honteuse, je lui avais présenté mes excuses environ cinq cents fois et comme réponse, il m'avait adressé un simple sourire sincère et une tape à l'épaule. Ashley aussi s'était excusée à contrecœur, car après tout, elle m'avait poussé à faire cette bêtise. Voilà comment notre amitié avec Brad Parker avait commencé. Mais... je prévoyais toujours de me venger pour les grenouilles.
En ce qui concernait Sean, c'était plus simple. C'était un garçon calme, posé, beaucoup plus mature que Brad. Il avait un air mystérieux, froid et totalement inaccessible par moment, mais la seconde d'après il pouvait être l'exact opposé de tout cela. Ses cheveux étaient bruns, un peu ébouriffés, et ses yeux étaient marrons-verts. Il était vraiment mignon, et je devais avouer que si nous n'étions pas meilleurs amis à ce point, j'aurais pu craquer sur lui.
Mais non. Tout ce qui touchait à l'amour ne m'intéressait pas le moins du monde.
Ash, Brad et moi étions ensemble pour le devoir de sciences, qui, si je me souvenais bien, portait sur la génétique. Il nous manquait une personne. Alors naturellement, nous avions proposé à Sean de nous rejoindre.
Nous n'y comprenions absolument rien. Enfin par "nous", je voulais dire Ashley, Brad et moi. Sean, lui, avait tout compris et nous expliquait quelque chose qui ressemblait fortement à du chinois pour nous.
Voyant nos airs dépités, il avait explosé de rire et avait remodelé ses phrases version française. Et, comme par magie, nos cerveaux s'étaient remis en marche.
Dix-neuf. Nous avions eu dix-neuf. Pour nous, avoir une telle note en sciences, c'était une légende, un mythe. Brad avait sauté sur Sean en criant: "Alors toi, je t'aime!". Les élèves pensaient tous qu'il révélait son homosexualité. C'était d'ailleurs plutôt drôle à voir.
Voilà comment je me retrouvais dans la maison de Brad Parker, au cœur d'un d'un action chiche ou vérité et à côté d'une Ashley et d'un Brad complètement bourré ainsi que d'un Sean dépressif.

— Hayley! s'exclama Brad, après que la bouteille n'ait décidé que je serais la prochaine victime. Tu m'as l'air bien... sobre.

Ashley gloussa.

— Et j'aimerais bien le rester au lieu de finir comme vous, rétorquai-je aussitôt.
— Revoilà Hay, la voix de la raison. On t'aime en partie pour ça tu sais, mais ce soir c'est la fête! déclara Ashley en levant son verre.
— Et on fête quoi exactement? demandai-je en haussant un sourcil. Où sont tes parents Brad?

Ils se regardèrent un instant, puis haussèrent les épaules en même temps, avant d'exploser de rire.

— Vous êtes tarés!
— Allez Hay, détends-toi un peu quoi! reprit-elle. Peu importe ce qu'on fête, peu importe où sont les parents de Brad, peu importe si j'ai vomi dans ton sac quand t'étais aux toilettes...
— Quoi?!
— Non ça c'est faux, m'assura-t-elle avec un petit sourire moqueur. Enfin, je crois... Je disais donc : on est là pour s'amuser, alors tu vas boire ce verre et arrêter juste le temps d'une soirée de toujours penser aux conséquences!

Sur ces mots, elle me tendit un verre.
Je soupirai. D'un côté, elle avait raison. Je me posais trop de questions. Si ce n'était que le temps d'une soirée, il n'y avait pas de mal à déconner un peu, après tout, non?

— Cul sec! s'écria Sean lorsque je saisis le verre, sortant enfin de sa dépression inexpliquée.

Je levai les yeux au ciel. J'avais toujours trouvé ça sans utilité de boire. Ce n'était une habitude pour aucun de nous d'ailleurs. C'était seulement la deuxième fois, sûrement la quatrième pour Brad et Ashley que nous buvions lors de soirée. "Juste pour mettre de l'ambiance" avaient-ils dit. Manifestement, ils semblaient oublier qu'il existait beaucoup d'autres manières de "mettre l'ambiance". Volontairement, en plus. Mais, il fallait avouer que celle-ci était l'une des plus drôles.

— Alors, action, chiche ou vérité ? demanda Brad.
— Chiche, répondis-je.
— Excellent choix! Commenta-t-il avec entrain. Soit tu retires ton T-shirt durant les deux prochains tours, soit tu envoies un message très suggestif - si tu vois ce que je veux dire - à mon frère, soit tu embrasses Sean, histoire qu'il retrouve un peu ses couleurs.
— T'es vraiment con, tu le sais ça?
— Et pourtant tu ne peux pas te passer de moi! Allez dépêche!

Je ne pus m'empêcher de sourire. Bourré ou pas, Brad restait Brad.
Vu la couleur du teint de Sean - il devenait vert - et la honte qui me poursuivrait à jamais si j'envoyais ce message au frère de Brad, je décidai de retirer mon T-shirt. Seulement, au moment propice, une sonnerie m'interrompit.

— Tu ne vas pas y échapper pour autant, m'avertit-il en se dirigeant vers la porte d'entrée.

Nous le suivîmes, priant évidemment intérieurement pour que ce ne soit pas les parents de Brad, qui risquaient de ne pas apprécier la présence de notre ami l'alcool. La porte s'ouvrit sur...
Rien. Ou plutôt personne.
Sûrement un de ces gamins qui s'amusaient à sonner aux portes puis se cacher. Nous retournâmes dans le salon après que Brad ait refermé la porte.

— Hé les gars, je ne voudrais pas vous alarmer, mais c'est comme ça que commencent certains films d'horreur, s'inquiéta Sean.
— Mais non, arrête de flipper pour rien mon pote! le rassura Brad. Allez, pour vous changer les idées, je propose de porter un toast... en mon honneur.

Pas possible. J'hallucinais sur place. Le pire, c'était qu'Ashley et Sean étaient sérieusement en train de s'exécuter.
Exaspérée, je me résignai donc à porter un toast au roi des abrutis. Avec un peu de chance, ils oublieraient que je devais retirer mon T-shirt un peu avant cela.
Une fois tous les verres vides, chacun des visages de mes trois amis se décomposèrent, passant d'un sourire idiot à une expression de dégoût. Je fronçai les sourcils, ne pouvant m'empêcher de grimacer également face au goût de la boisson.
Soudain, une sensation étrange s'empara de moi. Je me sentais mal. Très mal. Et visiblement, je n'étais pas la seule, puisque je vis Ashley s'appuyer sur le fauteuil, une main sur le ventre, avant de tomber lourdement à terre. Mes pensées s'embrouillaient au fur et à mesure que ma vision se floutait et mes paupières se refermaient d'elle-même. Bon sang, que m'arrivait-il? J'étais comme paralysée sur le sol, dépourvue de toute énergie. Et le visage de mes amis... Eux aussi avaient-eu l'air si mal en point... Il fallait que j'en ai le cœur net. Avec le peu de force qui me restait, j'entrouvris les yeux, juste assez longtemps pour voir mes amis inconscients sur le sol, et pire...
Une femme masquée m'injectant une substance dans le cou.