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Chapitre 6 : Quand impossible devient synonyme de surnaturel.

- Non, nous n'avons pas rêvé!

Sean se tenait devant ses parents, essayant de les convaincre que nous avions vu, il y avait une heure de cela, notre meilleur ami. Cela ne paraissait pas bizarre, si on oubliait de mentionner que ce dernier était mort.

- Sean, ton ami, votre ami vous manque. Il nous manque à tous. C'est normal que vous croyiez le voir à certains moments. Vous n'avez pas encore faire votre deuil. Malheureusement, il le faudra bien, l'enterrement est prévu pour bientôt.

Sean nous regarda d'un air qui signifiait : "dites quelque chose!"

- Madame Sean, fit Ashley, ce qui lui valut un coup de coude de ma part. Euh, Madame Gray pardon. Je vous assure que nous l'avons vu. Nous savons que Brad est mort, mais nous savons aussi qu'il n'a pas de frère jumeau. Son frère ne lui ressemble pas du tout.
- C'était sûrement quelqu'un d'autre qui lui ressemblait justement, supposa son père.
- Puisque je te dis que...
- Ça suffit Sean, le coupa sa mère. Je trouve cela absurde de dire de telles choses sachant que votre ami, depuis ce tragique dimanche, se situe à la morgue. Laissez les adultes s'occuper de ça. Nous en saurons plus sur les causes de la mort plus tard. Tout ce que nous savons, c'est qu'elle n'est pas naturelle.

Un long silence s'installa dans la pièce. Sean semblait bouillir intérieurement. Il était vrai que notre affirmation était insensée. Les morts ne revivent pas, sinon cela se saurait. Cependant, nous étions trois à avoir vu Brad dans cette rue. Ce n'était définitivement pas une hallucination.
Le Brad ou peu importe qui cela pouvait être que nous avions vu, avait disparu dans la seconde qui avait suivi. Et le pire dans tout cela, c'était qu'il nous avait adressé un petit sourire.

- Venez, on se casse, finit par dire Sean.

Ashley et moi le suivîmes jusqu'à sa chambre en silence. Je savais ce qu'il ressentait. L'idée que Brad soit mort était tellement difficile à accepter que s'il y avait une, même une infime chance que tout cela ne soit qu'un énorme malentendu, une hallucination, un cauchemar, il s'y accrocherait fermement. Et c'était ce qu'il faisait actuellement.

- Merde! s'exclama-t-il. C'est quoi leur problème!? Pourquoi est-ce qu'ils ne pourraient pas pour une fois croire à ce qu'on leur dit?
- Sean, finalement, je pense qu'ils ont raison, avouai-je. Ce n'est pas possible. Nous avons tous vu Brad dimanche. Il était...
- Réfléchis un peu, bon sang! J'arrive à me téléporter, tu arrives à briser des choses mentalement , et Ashley gèle de l'eau et se déplace à une vitesse surnaturelle. Est-ce que ça te semblait possible avant de l'avoir vu de tes propres yeux ? Non. Ces choses ne sont pas censées se produire. Maintenant que nous venons de voir notre ami se promener dans la rue, alors qu'il est censé être mort, explique-moi quelle est la différence ?
- Je comprends ce que tu ressens et...
- Non Hayley, tu ne comprends pas, me coupa-t-il. J'ai l'impression qu'il n'y a que moi qui veut réellement obtenir des informations sur la soit disant mort de Brad, alors que toi tout ce qui t'intéresse c'est tester tes "dons".

Ses paroles me firent l'effet d'une douche froide.

- Alors là, je vais t'arracher ta langue Sean, s'anima Ashley, furieuse. Tu crois que tu peux nous parler comme à des merdes avec pour simple motif la mort de Brad? Tu crois sincèrement qu'on en a rien à foutre de notre meilleur ami? Et puis de quelle manière tu parles à Hayley?! Elle n'est pas...
- La ferme, je peux me défendre toute seule Ashley!

Je détestais quand elle faisait ça. Depuis qu'on avait commencé à être amies, elle parlait toujours à ma place, lorsqu'il semblait normal que je me défende seule.

- Bien sûr que tu le peux, remarqua Ashley d'un ton sarcastique.
- Tu insinues quoi là exactement ?! m'exclamai-je, folle de rage.
- Vous êtes cinglées, ajouta Sean.
- La ferme, nous répondîmes en chœur.

L'ambiance devenait de plus en plus électrique.

- Vous la ferme. Vous formez une belle paire, vous deux. La pire, c'est toi, Hayley. C'est ça que tu es finalement. Le genre de fille qui fait semblant d'être compréhensive, gentille, alors qu'au fond, elle ne pense qu'à elle et ne vaux pas mieux que les autres.

Je restai muette, ou plutôt bouche-bée en entendant sa remarque. Cette fois, elle me fit l'effet d'une claque. Je dus me convaincre d'avoir bien entendu avant de penser ne serait-ce qu'une seconde à répliquer, quand Ash me devança 

- Est-ce que tu veux que je réponde à ta place, ou tu sais te défendre seule? Parce que j'adorerais en mettre plein la face à ce crétin.

Ça, c'était la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase. Pourquoi au juste me prenaient-ils pour cible? Ce qu'ils disaient était totalement faux. Si je pouvais m'enlever ces...dons et à la place ramener Brad, je le ferais. Et si je pouvais mourir, et à la place ramener Brad, je mourrais. Mais pourtant mes deux meilleurs amis se tenaient en face de moi, à clamer que j'étais une hypocrite qui en prime ne savait pas se défendre.
Mes yeux se voilèrent de larmes. Entendre de tels reproches alors que j'étais déjà sur le point de m'effondrer... C'en était trop.

- Hayley, commença Sean en s'approchant doucement de moi.
- C'est bon.

Je reculai brusquement.

- J'ai compris. Je suis une garce égoïste, pathétique, et j'en passe. Mais vous savez quoi? Même les garces ne méritent pas d'entendre de telles choses de la part de ses meilleurs amis à un moment pareil.

Sur ces mots, je sortis de la chambre de Sean, dévalai en vitesse les escaliers, et sous les regards incompréhensifs de ses parents, passai la porte d'entrée.

**

Sean et Ashley avaient à eux deux essayés de me contacter au moins trente fois, mais j'avais ignoré leurs appels.
J'avais pleuré une bonne demi-heure, mais je me sentais toujours aussi mal. Ou plutôt vide. Complètement vide.
Je fus tirée de mes pensées par l'irruption de mes parents dans la pièce.

- Toquer ne serait pas de trop, leur fis-je remarquer en me redressant sur mon lit.

Ils se regardèrent d'un air perplexe, comme s'ils pouvaient communiquer par la pensée, ce qui ne m'étonnerait plus tellement si c'était vrai, d'ailleurs.

- Hayley, tu sais que tu peux nous parler de tout, débuta ma mère.
- Ouais.

Mon père se baissa au niveau de mon lit.

- Tu as foncé dans ta chambre, mais pas assez vite pour que l'on ne remarque pas les larmes sur tes joues. Qu'est-ce qu'il se passe? Est-ce toujours à propos de Brad?

Je ne répondis pas.

- Autre chose alors? Une rupture?

Je soupirai. Une rupture ? Je n'avais jamais eu de petit ami, alors à moins de rompre avec le chat...

- Non. Non, répétai-je. Je vais bien, sérieusement.
- Hayley...
- Je vais bien.

Je marquai une pause, puis repris en évitant leurs regards débordant d'inquiétude à mon égard.

- Cependant, il faut que je vous parle. Tous les deux.

Mon père se redressa et croisa les bras.

- Nous t'écoutons.
- Papa, tu travailles à la police, et toi, maman à l'hôpital. Peu importe comment, ou pourquoi, vous devez forcément savoir tout un tas de choses.
- Que veux-tu dire? demanda ma mère de sa voix douce et apaisante.
- Brad. J'aimerais savoir ce qu'il lui est arrivé. Je veux savoir la cause de la mort, l'heure et tout le reste.

Ils s'apprêtaient déjà à protester, mais je les arrêtai d'un geste de la main.

- Je sais ce que vous allez dire. Mais j'estime que j'ai au moins le droit de savoir comment mon meilleur ami est mort, et s'il y a une possibilité de retrouver la personne qui a fait ça.

Ils hésitèrent un long moment. Un très long moment, tandis que j'appréhendais leur réponse. Ce fut alors ma mère qui brisa le silence.

- À vrai dire Hayley, c'est assez... étrange.
- Comment ça, étrange?

Ma mère lança un coup d'œil suspect à mon père.

- Premièrement, promets-moi que ce que nous allons te dire restera entre nous. Nous ne sommes pas autorisés à révéler des éléments pareils, affirma ce dernier.
- Je sais que tu le diras à Ashley et Sean, car ce sont tes meilleurs amis, mais essaye de ne pas ébruiter tout ceci.
- Ils n'ont pas besoin d'être au courant, rétorquai-je sèchement.

Je me rembrunis. Ma mère, qui savait toujours tout simplement en me regardant, devait avoir deviné que nous nous étions disputés eux et moi. Cependant, pour mon père, c'était une autre histoire.

- Très bien, fit-il. Premièrement... Dans la voiture où a été retrouvé Brad, il n'y a absolument aucune empreinte, aucune trace du tueur...
- Des gants. L'assassin a dû en utiliser, en plus d'une tenue spécial meurtre.
- Non, Hayley, il n'y a pas d'empreintes... à part celles de Brad.

Je m'arrêtai un instant. Comment ça, pas d'autres empreintes à part celles de Brad?

- Sur le volant, les portières... Nous avions émis l'hypothèse que Brad conduisait la voiture, quand il s'est fait attrapé par le tueur, et que... Enfin bref. Ou alors, il se serait contenté de déplacer le corps de l'endroit où il a commis le crime et de le laisser en plein milieu de la forêt. Le tueur aurait donc pris le téléphone de Brad et vous aurait envoyé le lieu où a été retrouvée la voiture.
- Ce qui laisserait supposer qu'à l'heure où le message vous a été envoyé, Brad était déjà...
- Mort, tu peux le dire maman.

Je réfléchis brièvement. Cela semblait trop parfait. Où était la faille dans ce meurtre?

- Et la cause de la mort? arrivai-je à demander, même si la réponse m'effrayait.

Cette fois, ce fut ma mère qui prit la parole en premier.

- Électrisation multiple causant finalement l'électrocution.
- Quoi ?

Je me demandais si j'avais bien entendu. Quand les gens se faisaient tuer, en général, c'était d'une balle dans le cœur, d'un coup de couteau, et tout un tas d'autres trucs horribles, mais ça...

- Les blessures, ainsi que plusieurs autres éléments, nous ont démontré qu'il a été électrocuté à plusieurs reprises.

Ce n'était quand même pas possible.

- Mais, s'il était sur une route dans la forêt, par quoi aurait-il pu être électrocuté? Il n'y avait pas d'éclairs ce jour-là. Et à moins que le tueur ait un kit special électrocution... ou que le meurtre ne se soit pas passé dans la forêt...
- Nous ne savons pas. La tension, l'intensité et la puissance du courant électrique qui lui a été infligé étaient extrêmement élevées. C'est comme s'il avait été frappé par la foudre à au moins trois reprises. Mais aucun objet, ou potentielle arme de crime ne peut générer une telle puissance. On pourrait presque dire que le tueur est venu, a sorti comme par magie la foudre de ses mains, puis est reparti. Mais, c'est tout bonnement impossible.

Pour moi depuis quelques jours, le mot impossible rimait avec surnaturel. Je songeai à ce qu'avait dit Sean quelques jours auparavant. Et si nous n'étions pas les seuls à s'être faits marquer de cette rose noire? Cela signifierait que d'autres personnes auraient, comme nous, développé d'étranges capacités. Et si une de ces personnes avait voulu se venger de Brad pour une raison quelconque et se serait par conséquent servi de ces capacités pour...
Non, non et non. Comme je me le répétais souvent, fiction et réalité étaient deux choses différentes. Certaines choses étaient impossibles, même si elles pouvaient être les réponses à de nombreuses questions.
Je mourrais d'envie d'appeler Sean et Ashley. Cependant, je me rappelais la colère que j'éprouvais pour eux. Alors je me résignai, après que mes parents aient quittés la pièce, à écouter de la musique triste, en observant ma chambre dont les murs bleu pastel semblaient s'assombrir en même temps que le ciel.

**

Une nouvelle journée avait commencé. Nous n'étions que le matin, et pourtant, mon emploi du temps indiquait déjà "sport".
J'étais moins secouée par ce que j'avais appris hier, mais je n'en avais toujours pas parlé à Ashley et Sean. En fait, je ne leur avais pas adressé la parole du tout. Pas après ce qui s'était passé.
Le cours de sport commençait tout juste. Une partie de balle aux prisonniers, pour bien nous réveiller selon la prof. Cette femme était un vrai tyran. Une sadique. Elle prenait du plaisir à nous regarder souffrir, et nous manger des balles en pleine face. Oui des balles, parce qu'il y en avait actuellement cinq sur le terrain.
J'évitai sans grand enthousiasme de me faire toucher, quand soudain, je sentis mon pied se prendre dans quelque chose, et tombai lourdement à terre.

- Ça va Hay!?

Je relevais lentement la tête pour faire face à des yeux marrons-verts luisants d'inquiétude.
Il ne manquait plus que ça.
Sean me tendit sa main, mais je l'ignorai, me relevai toute seule, puis allai m'asseoir sur le côté, hors du jeu. Je le vis jeter un coup d'œil furtif à Ashley, qui lui fit signe de venir me voir. Ils s'étaient visiblement réconciliés. "Sortez le champagne" pensai-je.
L'idiot qui me servait de meilleur ami s'assit à côté de moi. Il ne dit rien pendant un moment, puis lança :

- Je suis vraiment trop con.
- Ça, tu l'as dit, confirmai-je.

Ses lèvres s'incurvèrent d'un faible sourire triste, puis il continua :

- Tu sais Ashley, elle veut venir s'excuser. Mais elle est trop fière.
- Alors moi, je serais trop fière pour accepter ses excuses. Mentales ou réelles.

Encore une fois, il ne dit rien, mais cette fois, il plongea ses yeux dans les miens, ce qui me déstabilisa un peu.

- Je ne vois pas pourquoi tu es là, Sean. Je veux dire, pourquoi traîner avec l'hypocrite, égoïste...
- Tu n'es rien de tout ça. J'ai déconné, c'est tout. C'est juste que je n'arrive pas à accepter que Brad soit ...

Il marqua une pause, et son expression s'assombrit.

- Hay, tout ce que j'ai pu dire hier, c'était sur le coup de la colère. Je me suis défoulé sur vous, mais je n'en avais pas le droit. Tu es... tu es sûrement la personne la plus adorable que je connaisse, et certainement pas quelqu'un d'égoïste. Je suis désolé. Sincèrement. J'ai beau m'être conduit comme un abruti, j'ai toujours besoin de ma meilleure amie.

Je lui adressai un sourire en guise de réponse, et il me prit dans ses bras. Je détestais me disputer avec lui et Ashley, mais j'adorais le moment où on se réconciliait, alors d'un côté, ça en valait la peine. Sean sentait le parfum pour homme, et ses cheveux étaient incroyablement doux. Il était si...
Minute, pourquoi je pensais à ça, moi?

- Est-ce que je peux me joindre au câlin , où c'est seulement réservé aux V.I.P?

Ashley se tenait devant nous, l'air terriblement gêné. Son immense fierté devait en prendre un sacré coup.

- V.I.P, seulement, lui dis-je en souriant.

Elle me sourit, puis me prit dans ses bras.

- Je suis vraiment, vraiment désolée. Je te promets de ne plus te faire de remarques désagréables, enfin d'essayer, et surtout, je ne te défendrais plus. Mais je n'arrive pas m'en empêcher, parce que tu es comme ma sœur, et on se protège entre sœurs. Enfin bon, tu es assez grande et mature pour le faire toi-même. J'avoue que te voir grandir ça m'affecte un peu, je veux dire, je t'ai quand même...
- C'est bon Ashley, fis-je en rigolant.

Je regardai mes deux meilleurs amis. C'était bien beau de se réconcilier, mais j'avais des choses à leur dire. Beaucoup.

**

- "Électrisation multiple causant finalement l'électrocution" ? C'est quoi ce délire ?

Nous nous étions éclipsés en douce du cours de sport, et nous situions maintenant dans un endroit du lycée où nous étions sûrs de ne pas nous faire déranger.

- Et tu penses que cela pourrait être quelqu'un du lycée, qui dans le même cas que nous, se serait servi de ses "dons" pour se venger de Brad? Quelqu'un qui pourrait contrôler la foudre? me demanda Sean.
- Oui, chuchotai-je. Tu as dit que tu pensais qu'il n'y avait pas que nous, et que nous devrions chercher des roses noires. J'y ai repensé. C'est fortement possible que ce soit ça. Vu ce que m'a dit ma mère sur la cause de la mort, je suis sûre que ça n'a pas été fait par quelqu'un de normal, vous me suivez?
- S'il y a une chance de remonter au tueur, alors il faut qu'on s'y mette, déclara Ashley. Vous savez quoi, retournons en cours et commençons à chercher les...

Ashley fut coupé par une voix qui provenait d'un haut-parleur.

- Hayley Brown, Sean Gray, et Ashley Sanders, vous êtes priés de vous rendre à l'entrée du lycée, immédiatement.

Nous échangeâmes un regard plein d'incompréhension. C'était la voix du proviseur.
Sans plus attendre, nous nous dirigeâmes vers l'entrée. Bizarre. Pourquoi étions nous appelés? Était-ce parce que nous avions séché le cours de sport?
Manifestement non, puisque c'est ma mère que nous trouvâmes assise sur une banc.

- Maman? Qu'est-ce qu'il y a? Pourquoi tu es ici?

Ses traits étaient déformés par ce qui me semblait être la panique. J'eus aussitôt un très mauvais pressentiment. Mon estomac se noua tandis qu'elle se rapprochait de nous.

- Oh mon dieu, vous êtes là! J'ai pensé que vous devriez être mis au courant au plus vite. J'ai une nouvelle que je ne saurais même pas comment qualifier.
- Que se passe-t-il, Mme Brown? demanda Ashley en nous lançant un regard alarmé.

Ma mère prit un air sombre qui ne me dit absolument rien qui vaille.

- Le corps de Brad... il ne se trouve plus à la morgue.