Chapitre 22 ~ partie 1 : Tensions et réflexion

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Autour de nous, tout paraissait lointain. Le bruit des moteurs de voiture, les conversations téléphoniques des passants pressés, les jeunes riant bruyamment sur les sièges du Westwood Grill...c'était comme si tout appartenait à un autre monde. Un monde banal, où tout était paisible, contrairement au mien, qui s'écroulait de jour en jour...
Une feuille solitaire voltigea devant moi, poussée par une brise légère, avant de disparaître complètement de mon champ de vision. Je ne bougeai pas. Je ne respirai pas non plus. Je restai simplement plantée là, comme si mon corps n'était plus qu'une coquille vide.
Disparu.
Lilianna avait disparu.
Ce n'est pas réel.
C'est ce que je voulais croire!
Je voulais croire que tout comme pour cette histoire de rose noire, il s'agissait d'un horrible cauchemar qui prendrait bientôt fin. Mais je savais au fond de moi que depuis cette fameuse soirée, mes cauchemars avaient tendance à se confondre avec la réalité.
Lilianna était une véritable garce qui faisait toujours preuve de méchanceté gratuite envers ceux qu'elles méprisaient. Une fille désagréable, superficielle et peut-être même un peu narcissique sur les bords. Je la détestais, surtout après les horreurs qu'elle avait fait subir à Alex, et j'avais déjà espéré la voir quitter Rosebrooke. Mais malgré tout, jamais je n'avais souhaité qu'elle puisse réellement disparaître!
Je me tournai vers Alex, cherchant quelque chose de rassurant dans son regard, mais la trouvai bouche-bée, et le visage d'une pâleur inquiétante. Tout comme moi, elle était sous le choc de la nouvelle.
Comme je sentais mon estomac se nouer, et ma gorge se resserrer de plus en plus, j'avalai une grande bouffée d'air pour me calmer. Ce n'était pas le moment de paniquer. Maintenant que nous tenions enfin Crayson, la chose la plus intelligente à faire était de lui soutirer le plus d'informations possibles.
J'ouvris la bouche, mais avant qu'un son ne puisse en sortir, l'inspecteur Crayson me devança :

— La dernière fois qu'elle a été aperçue, c'était samedi dernier. (Il me tendit un bout de papier avec une inscription dessus) D'après sa tante, aux alentours de 15 heures ce jour-là, elle est sortie munie d'un simple sac sans rien dire, mais n'est jamais revenue, ne laissant que ce bout de papier sur son bureau.

Puisque Alex, comme figée, ne semblait pas décidée à le faire, je saisis le petit papier que Crayson me tendait.

— 56 rue Saint John, lus-je à voix haute.
— La rue Saint John se trouve à la sortie de la ville, indiqua-t-il.

L'enquête vient d'être ouverte, alors nous n'avons que très peu d'informations, mais il semblerait que personne parmi ses proches ne l'ai contacté ce jour-là ou même ne l'ai aperçu.

— Peut-être qu'elle s'est éclipsée avec un copain pour quelque temps, supposai-je en jetant un coup d'œil à Alex, ou je ne sais pas moi, elle a peut-être décidé de...

De quoi, Hayley?
La dernière fois que je l'avais vu, c'était le jour de la mort de Kurt, et on ne pouvait pas dire qu'elle avait l'air en forme. Pas de maquillage, mais des gros cernes. Pas de regard méprisant et de coup bas, mais des excuses marmonnées... Ça ne ressemblait pas à la Lilianna Ryan que nous connaissions tous.
Quelque chose n'allait clairement pas avec elle, puisque même mon père m'avait fait remarquer qu'elle n'avait pas l'air dans son assiette quand il l'avait aperçu.

— Sa tante a elle-même admis que pour des raisons précises, l'hypothèse de la fugue était entièrement impossible.
— Quelles raisons?! s'exclama soudain Alex, ce qui me fit sursauter.
— C'est confidentiel.
— Tout ce que vous venez de dire est censé l'être aussi jusqu'à ce que sa disparition soit déclarée officielle non? Alors crachez-le morceau!
— Alex, calme-toi, lui dis-je en interceptant quelques regards posés sur nous.
— Je vous ai dit tout ce qu'il y avait à savoir. Vous devriez m'être reconnaissantes, vous deux, déclara Crayson en haussant un sourcil.
— Je ne veux pas entendre ça venant du type qui a essayé de me kidnapper.

Un long silence suivit les paroles d'Alex. Crayson la défia du regard, mais ne nia même pas les faits.
Maintenant que j'y pensais, c'était plutôt dur d'avaler qu'un homme ayant déjà tenté un kidnapping d'adolescente doive enquêter sur la disparition d'une jeune fille. Et surtout, pourquoi acceptait-il de nous donner ces informations si facilement?
L'inspecteur n'était définitivement pas quelqu'un de confiance, nous le savions pertinemment. J'étais même prête à parier qu'il cachait quelque chose de vraiment gros.
Mais quoi?

— Comme je vous le disais un peu plus tôt, j'ai à faire, alors si vous voulez bien m'excuser.

Crayson fit volte-face, puis s'éloigna à petits pas de nous. Alex voulut le retenir, mais il s'arrêta brusquement de lui-même et nous jeta un regard mauvais par-dessus l'épaule.

— Tâchez de ne pas éparpiller ces informations avant la déclaration officielle.

Puis, il se remit en marche et disparut à travers les différentes silhouettes indistinctes. Alex et moi restâmes immobiles, parfaitement silencieuses un instant, comme s'il nous fallait encore digérer les récentes informations avant d'en tirer quoi que ce soit.
Je serrai le bout de papier donné par l'inspecteur dans le poing tandis que la panique me submergeait progressivement. Qu'est-ce que Lilianna était allée faire à cette adresse? Et pourquoi n'en était-elle pas revenue?
Cela ne pouvait tout même pas être...

— Tu sais Hayley, j'ai un mauvais pressentiment, marmonna mon amie d'une voix tremblante. Et si c'était...
— Je sais.

J'avais deviné les pensées d'Alex, puisque les mêmes venaient de me traverser. Et si c'était un coup du masque de loup?

— Qu'est-ce qu'il ou elle lui voudrait à Lilianna?
— C'est ce que j'aimerais savoir, soufflai-je. Je pensais pourtant que les seuls à être réellement persécuté parmi les roses noires, c'était nous.

La mort de Brad. La tentative de meurtre sur Ashley. Les menaces. Et dernièrement, les crises.
Je pensais sérieusement que nous étions les jouets préférés du masque de loup, compte tenu du fait que nous avions été les premiers à être marqués de la rose noire. Et puis, étant donné que j'étais toujours celle qu'on menaçait de faire disparaître les meilleurs amis, et que ma cousine et ma tante étaient vraiment suspectes, je pensais que tout cela avait un rapport avec moi.
Puis, d'autres roses noires étaient subitement apparues, Kurt avait été le premier à subir les effets et la crise, et maintenant, Lilianna disparaissait. Le point commun entre tous ceux à qui il était arrivé quelque chose était les roses noires sur le cou. Alors, la théorie selon laquelle le masque de loup s'en serait pris à Lilianna n'était pas à écarter.
Et ça, ça m'inquiétait au plus haut point.

— Il faut à tout prix qu'on mette les autres au courant.

Alex sortit son téléphone de son sac à main noir, et composa à toute vitesse un numéro. Je bloquai sa main juste à temps, avant qu'elle n'appuie sur la touche d'appel.

— Pas maintenant.

Elle me regarda, les yeux ronds, comme si j'étais cinglée.

— Tu plaisantes, Hay?
— Je suis extrêmement sérieuse, répliquai-je en confisquant son téléphone. Au cas où tu l'aurais oublié, il y a la réunion des roses noires que Sean s'est tant donné de mal à organiser.

Je réprimai un roulement d'yeux.

— Et donc? On ne peut pas discuter avec les membres du club rose noire alors que Lilianna est peut-être...
— Je sais, la coupai-je. Crois-moi, je le sais. Mais ça ne servirait à rien de se précipiter, sans avoir recueilli davantage d'informations au préalable. Dire ça aux autres juste avant la réunion ne ferait que semer la panique, et même si ça me tue de l'admettre, elle est plutôt importante et nous permettra peut-être d'éclaircir certains de nos problèmes. Il vaut mieux attendre la fin de celle-ci pour en informer calmement les autres, et décider de ce qu'on va faire.

Alex semblait sur le point de s'arracher les cheveux. Je la comprenais, car malgré mon calme apparent, je bouillonnai intérieurement. Comme si les révélations de ma mère à propos de mon père et ma tante ne m'avaient pas déjà assez bouleversé, la disparition de Lilianna venait s'ajouter au tout et former un cocktail explosif dans mon esprit. Sans oublier ma crise récente, et le fait que j'étais en froid avec mon petit-ami et ma meilleure amie.
J'étais vraiment sur le point de craquer.

— Et qu'est-ce qu'on va faire au juste, Hay?

Je poussai un grand soupir, et jetai un coup d'œil au bout de papier dans ma main. Je ne voyais qu'une chose évidente à faire.

— On va se rendre à cette adresse.

**

—Bon, alors, les losers, c'est quoi le délire?

Carter Mc Kingsley se positionna bras croisés face à Sean et à Brad. Ces derniers, adossés contre un mur, échangèrent un regard exaspéré. Depuis quinze minutes déjà, cet abruti ne tenait pas en place, faisant les cent pas dans la pièce, shootant dans deux ou trois objets qui traînaient par là, et qualifiant toutes les personnes présentes de losers.

— Pour la dix-septième fois, Mc Kingsley, on ne peut pas commencer avant que tout le monde soit là, souffla Brad. Alors pose ton cul quelque part, et ferme-la tu veux?
— Ta gueule, Parker. Tu parles beaucoup trop pour un mort-vivant.
— Tu sais ce qu'il te dit le mort-vivant?

Et, comme si cela ne suffisait pas, depuis quinze minutes déjà, lui et Brad se traitaient inlassablement de tous les noms, menaçant à chaque fois de se taper dessus. Ce spectacle était si ridicule que plus personne ne savait comment réagir. Ashley, elle, avait simplement tourné la page, et inspectait désormais chacun de ses ongles avec soin.

— Calmez-vous, s'agaça Sean.
— M'en veux pas, mon pote, mais ce mec est un vrai cas. Enfin, bref. Il en manque encore combien?

Sean jeta un coup d'œil circulaire à la pièce, puis annonça le verdict :

— 15.
— 15?! répéta Brad en écarquillant les yeux.
— Ouais. C'est plus de la moitié.

Brad passa une main dans sa tignasse blonde – son amour éternel depuis le collège – , puis laissa échapper un profond soupir.

— Tu crois qu'ils se sont perdus?
— Impossible, déclara catégoriquement Ash. Sean leur a donné l'adresse exacte hier, et j'ai accroché un petit dessin d'une rose noire sur la porte de son garage pour qu'ils sachent que ça se passe ici. Même si je ne comprends toujours pas pourquoi.

Il se frappa le front.

— Tout s'explique! Tu es nulle en dessin.

Ashley lui lança un regard noir, puis lui balança un vieux ballon de foot qu'il esquiva de justesse.

— Ash, la réunion se passe dans le garage pour éviter que ma mère ne sache que plusieurs personnes sont venues chez nous lorsqu'elle, mon père et ma soeur rentreront, se justifia Sean. Elle est à l'affût du moindre détail.

Elle roula des yeux, l'air pas convaincu. Elle savait pourtant combien c'était vrai. Sean nous disait toujours qu'à chaque fois que nous passions à l'improviste chez lui, sa mère le savait toujours lorsqu'elle rentrait le soir. Et ce même si nous ne laissions aucune preuve de notre passage.

— Bon, on devrait commencer, déclara Brad. Si certains ne sont toujours pas là, c'est qu'ils n'ont pas l'intention de venir. Après tout, on leur a laissé le choix.

Sean opina, puis s'approcha de quelques centimètres, l'air serein. Au même moment, on toqua vivement à la porte. Une fille assise dans un coin sursauta, tandis qu'une autre agrippa brusquement le bras de son petit ami. Visiblement, personne ici à part mes deux idiots de meilleurs amis n'était détendu.
Sans plus attendre, il releva la porte basculante blanche. Le grincement qu'elle produit nous fit tous grimacer, et le garage se baigna de la lueur plutôt désagréable du jour.

— Désolée du retard, souffla une voix féminine et mélodieuse.
— Vanessa! s'exclama Brad. Tu es en retard! Qu'est-ce que tu fichais, au juste?
— Dis, t'appelle ça une façon d'accueillir quelqu'un? le réprimanda Sean en lui donnant une tape dans le dos. ( Il se tourna vers la fille et sa voix s'adoucit aussitôt.) Salut, Vanessa. Tu peux entrer.
— Merci.

Mes deux amis s'écartèrent, nous dévoilant une jolie blondinette aux yeux marrons-verts similaires à ceux de Sean. Ses cheveux mi-longs dorés encadraient son visage fin en ondulant légèrement sur les pointes. Elle avait les joues recouvertes de taches de rousseur, un nez fin pour une bouche pulpeuse, et un grain de beauté près de l'œil droit. À première vue, elle avait l'air délicat et timide, mais sa posture, et la manière dont elle se mettait en valeur laissent suggérer le contraire.
Vanessa Drew. Elle était dans ma classe l'année dernière, et pourtant, je ne me souvenais pas lui avoir déjà vraiment adressé la parole. Sean et Brad en revanche, étaient plutôt amis avec elle, et lorsque nous cherchions les roses noires au lycée, ils avaient été surpris et attristés de voir qu'elle portait aussi la marque. En tout cas, ils ne manquaient pas de discuter avec elle chaque fois qu'ils la croisaient dans les couloirs. Du moins, avant que n'arrivent tous les événements perturbants.
Vanessa faisait partie d'une des personnes ayant été le plus bouleversé par la mort de Brad. J'avais entendu que sa famille avait beaucoup été présente pour les Parker. J'imaginais bien à quel point elle avait dû être soulagée de savoir qu'il était finalement vivant. Mais comme tout le monde, elle devait toujours de poser un tas de questions à ce propos.
Sean et Brad comptaient-ils réellement répondre à toutes ces questions? Dire la vérité sur le masque de loup, et tout le reste?
Je ne pouvais toujours pas croire que nous en étions arrivés là. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais très certainement hurlé que cette fichue réunion était terminée - avant même qu'elle n'ait commencé – et renvoyé chacun des 12 porteurs de roses noires présents (en dehors de nous, bien sûr) chez eux. Malheureusement, j'avais fait un marché avec Sean, et ne pouvait revenir sur ma parole.
Si tout se passait comme il l'avait prédit, on emploierait sa méthode et pas une seule fois je ne m'interposerais. Mais si jamais c'était le contraire, alors on ferait les choses à ma façon. C'était le marché à respecter, alors je devais faire abstraction de mes émotions et me tenir tranquille jusqu'à la fin de la réunion. Et surtout, Alex et moi ne devions pas laisser transparaître notre inquiétude à propos de Lilianna.
Je jetai un coup d'œil discret à Alex, avant de reporter mon regard sur Sean. Il aurait dû avoir cet air nonchalant qu'il avait la plupart du temps dans les situations sérieuses, mais au lieu de ça, un sourire totalement idiot incurvait ses lèvres si attirantes.
Le même que celui de Vanessa, d'ailleurs, qui le reluquait sans gêne.
Je plissai les yeux au moment où je croisai le regard de mon petit-ami, et son sourire s'effaça aussitôt. Il se détourna rapidement, puis s'avança... en emmenant Vanessa avec lui par la taille. Ce simple geste me provoqua un affreux pincement au cœur.
Je fis passer une mèche de cheveux rebelle derrière l'oreille, avant de faire nerveusement craquer les jointures de mes doigts. Je n'étais pas le genre à péter un câble si une autre fille avait l'audace d'approcher mon copain à moins d'un mètre. Avec un garçon comme lui qui avait inévitablement du succès auprès des filles – la preuve, avec Megan – je savais à quoi m'attendre.
Néanmoins, je ne pouvais m'empêcher de ressentir un peu de cet horrible sentiment qu'était la jalousie. C'était normal, quand on aimait quelqu'un, non?
Peut-être Sean attendait-il justement cette réaction de ma part. Cela voudrait dire qu'il l'avait fait exprès.
Et puis non, ce n'était pas son genre. Tout comme ce n'était pas son genre de s'approcher d'une simple amie de la sorte...
Je ne pouvais m'empêcher de créer une sorte de parallèle avec la tromperie de mon père. Est-ce que tous les garçons – les hommes – avaient réellement tendance à se lasser de leur copine, et à aller voir ailleurs? Où est-ce que je devenais parano?
Difficile à dire, mais je préférais mettre ça sous le compte de la fatigue et le stress. Je n'avais pratiquement pas dormi de la nuit, et je m'écroulai sous le poids de mes problèmes au fur et à mesure que la liste s'agrandissait.
Je détournai le regard de la scène et saisis le verre d'eau que m'avait apporté Sean avant que les « invités » n'arrivent. Une seule gorgée suffit à me faire retrouver mes esprits. Comme c'était stupide de ma part de m'agiter pour si peu ! Ce n'était parce que j'étais en froid avec mon petit ami que je devais m'inquiéter de ses relations avec les autres filles. Et puis, ce n'était qu'un geste amical, rien de plus.
Vanessa prit place sur un des poufs qui traînaient près d'un meuble de rangement. Sean quant à lui, se plaça de manière à être visible pour toutes les personnes présentes, puis déclara :

— Maintenant, on peut réellement commencer.
— Ouais, pas trop tôt, lança Carter.

Sean ignora sa remarque et continua :

— Je suppose que faire les présentations seraient une perte de temps, alors...
— Ohé, mec, accouche, bordel! Tu crois que j'ai que ça à faire ou quoi? Bon sang, tu parles plus qu'une gonzesse. ( Carter se plaça face à nous et montra le côté droit de son cou) Moi je veux savoir ce que c'est que ce machin de merde, et qui est l'enfoiré qui me l'a foutu pour ensuite aller lui péter la gueule. Pas vous, les gars?

Une vague de chuchotements s'éleva autour de nous. Tous semblaient approuver les paroles de Carter, et c'était compréhensible.
Enfin, tous sauf Johanna Scott, une rouquine à l'air sombre et peu bavard. Elle était seule dans un coin duquel elle n'avait pas bougé depuis qu'elle était arrivée, triturant une mèche de ses cheveux en me lançant de temps à autre des regards noirs. Allez savoir pourquoi, elle n'avait pas l'air de m'apprécier. En tout cas, elle me donnait la chair de poule.
Alors que les chuchotements se transformaient en un brouhaha pas possible, Brad vint au secours de Sean :

— Du calme, on va tout vous expliquer.

Carter s'approcha de lui, et le regarda avec dédain.

— Ah ouais ? Et qu'est-ce qui me dit que c'est pas toi et les losers qui te servent d'amis qui nous avez mis à tous ce tatouage bizarre? Quelqu'un a dû le découvrir, et t'a buté pour lui avoir fait ça. C'est comme ça que t'es mort en fait, hein?
— Écoute, espèce d'enfoiré. Si c'était une blague, j'aurais peut-être évité de me mettre ce truc sur moi aussi. Sean te l'a dit non? On est tous dans le même cas. Alors au lieu de faire des suppositions débiles, réfléchis, si t'en es capable.

Et voilà que ça recommençait! J'étais quasiment sûre que ces deux-là ne s'étaient jamais adressé la parole avant d'être réunis ici, et pourtant, ils se disputaient déjà comme deux ennemis jurés. D'un côté, je pouvais comprendre Brad. Ce Carter Mc Kingsley était en fait un type provocateur, incapable de se la fermer, et probablement un peu macho. Exactement le genre de mec qu'Ash et moi ne pouvions pas blairer (Alex aussi, sûrement, même si elle ne me l'avait jamais dit). Les autres filles en revanche semblaient voir en lui une version plus jeune de Brad Pitt. Avec de beaux cheveux bruns et de beaux yeux bleus intenses comme les siens, c'était normal qu'il ait autant de succès. Néanmoins, alors que je n'étais au lycée que depuis un peu plus de deux mois, j'avais toujours entendu toutes sortes de rumeurs déplaisantes à son propos, les plus courantes concernant son statut de coureur de jupons et ses quelques activités douteuses.
En bref, malgré sa popularité, ce n'était vraiment pas un type à fréquenter.

— Si t'arrêtais de l'ouvrir toutes les deux minutes, ça irait beaucoup plus vite, lança Ash en se levant.  Toi aussi, Brad, tu devrais tout simplement l'ignorer. (Elle leva les yeux au ciel) Bon allez, puisque Sean et toi êtes incapables de dire les choses correctement, je m'en charge.

Elle s'éclaircit la voix, puis se lança :

— Écoutez-moi bien, et gardez vos questions pour la fin. Ce que vous allez apprendre ici risque de vous paraître dingue, impossible ou même flippant. Je le sais parce que toute cette histoire l'est pour moi-même. Mais si vraiment vous voulez savoir d'où viennent cette marque et les capacités étranges que vous possédez très certainement, alors vous allez nous écouter, coopérer, et...

Elle lança un regard noir à Carter.

— ...rester calme. Et surtout, tout ce qui sera dit ici, devra rester entre nous. Si jamais vous l'ouvrez un peu trop, vous finirez par vous mettre en danger. C'est clair?

Même s'ils ne devaient pas tout comprendre, tout le monde acquiesça docilement, et je vis même Carter déglutir. Ash avait bien parlé. Si l'un d'entre eux parlait du masque de loup à l'extérieur, et en révélait un peu trop, il deviendrait automatiquement sa cible. Et mes amis et moi étions bien placés pour savoir de quoi il ou elle était capable.

— Pour vous prouvez que je ne bluffe pas, je vais vous racontez une petite histoire dans laquelle chacun de vous va se reconnaître. Un jour, peu importe les circonstances dans lesquelles vous vous trouviez, vous vous êtes réveillés, sans aucun souvenir de ce qu'il s'était passé précédemment, avec un mal de crâne affreux. Un peu comme on se sent qu'on a la gueule de bois... si vous ne l'aviez pas réellement.

Je me souvenais toujours d'à quel point je m'étais sentie mal au réveil, cet affreux dimanche d'octobre. Mal de crâne. Vision floue. Aucun souvenir.
Et ce n'était que le début.

— C'est alors que vous avez remarqué cette étrange marque sur votre cou. Une rose noire. Vous avez peut-être cru à une blague, et vous avez essayé de le retirer. Mais évidemment, elle ne se voulait pas s'effacer.

Et dire que nous pensions qu'il s'agissait d'une plaisanterie de Brad. D'un tatouage de chewing-gum qu'il avait trouvé drôle de nous mettre. En réalité, les choses étaient bien pires.

— Alors vous avez sans doute paniqué, ou appelé quelqu'un pour lui en parler. Ou alors, vous avez décidé de garder ça pour vous, et si vous êtes intelligents de la cacher.

Elle marqua une pause, et j'en profitai pour observer les réactions des autres. Vu leurs têtes – surtout Carter qui tirait une tronche pas possible –, Ash visait juste pour l'instant. Ils avaient vécu une version pratiquement similaire à la nôtre de cette horrible expérience. Pratiquement, parce qu'à ce que je sache, ils n'avaient pas vécu le meurtre d'un proche.

— Seulement, poursuivit Ash, il est possible que cette marque ait commencé à vous provoquer une douleur insoutenable au crâne. À vous brûler ou à vous démanger. Alors, vous avez compris que quelque chose clochait, et pour certains je suppose, en avez parlé à un proche. Mais, à mon avis, personne ne savait quoi vous dire à ce propos. Après tout, qui aurait pu deviner qu'une simple marque pouvait causer de telles choses. ( Elle soupira) C'est comme ça que sans trop savoir comment, et du jour au lendemain, vous êtes devenus un personnage d'Heroes.

Je réprimai un roulement d'yeux.  Revoilà Ashley Sanders et sa manière pas très subtile de dire les choses (et puis, elle avait quoi avec cette série à la fin?!).

Elle désigna chacun d'entre nous en énumérant nos capacités respectives :

— Sean est capable de se téléporter. Alex peut arrêter le temps, ce qui inclut figer une personne en particulier. Hayley peut déplacer et faire exploser les choses.

Et les personnes. Enfin, lors de la tentative de kidnapping d'Alex, j'avais bien réussi à projeter un homme contre un mur, donc ma télékinésie ne se limitait pas à des objets.
Quant à l'explosion...je ne préférais pas essayer.

— Brad, quant à lui, peut...
— Attends une petite minute, la blondinette, l'arrêta soudain Carter, en fronçant les sourcils. On a capté que ce machin bizarre produisait des trucs encore plus bizarres. Je le sais bien, puisque depuis que je l'ai, je peux faire des trucs plutôt flippants! Mais ça n'explique rien à qui nous l'a mis ni pourquoi. Tu sais quoi? Tu me les brises à tourner autour du pot.

Ashley ouvrit la bouche pour répondre, mais au lieu de ça elle soupira et retourna s'asseoir sur son pouf.

— J'abandonne. Ça me décourage déjà...Je t'en prie, Sean.

Il soupira à son tour, l'air blasé, mais ne tarda pas à expliquer :

— Quand tout a commencé pour nous, nous étions chez Brad, en pleine soirée. C'est après avoir porté un toast que nous avons commencé à nous sentir mal, jusqu'à nous évanouir.
— Vous évanouir? répéta une fille aux cheveux auburn.

Il s'agissait d'Allie Walker, une des deux filles de la classe d'Alex. L'air timide, elle agrippait le bras de son amie, une certaine Cassandra.
Sean acquiesça lentement.

— Il y avait quelque chose dans nos verres.
— De la drogue.

Nous nous tournâmes tous vers Johanna, puis j'échangeai un bref regard surpris avec Sean.

— C'est l'explication la plus plausible, ajouta-t-elle en faisant glisser une mèche de cheveux du bout des doigts. La question est : qui l'a mise dans vos verres? Et à quel moment?

Elle visait juste, mais cette fille n'en était pas moins étrange. Et puis, sa manière de parler me donnait des frissons. Elle me faisait penser à ces personnages de film qui ne parlaient pratiquement jamais, mais qui au fond étaient ceux qui avaient le plus de choses à cacher.

— Nous sommes pratiquement sûrs des réponses à ces questions, dit Sean d'une voix posée. ( Il marqua une pause) Juste avant que nous ne buvions nos verres, quelqu'un a sonné à la porte. Mais en allant vérifier, nous n'avons trouvé personne, et avons cru à une blague.
— Il est possible que quelqu'un se soit introduit chez moi à ce moment, puis ait ajouté quelque chose dans nos verres, marmonna Ash, l'air sombre.

— Et ce quelqu'un, selon Hayley, qui était la seule à avoir des flashbacks de cette soirée, était une femme portant un masque de loup, expliqua Brad. Elle l'a vu lui enfoncer l'aiguille d'une seringue dans le cou juste avant de s'évanouir. Le lendemain, chacun de mes trois amis avaient une rose noire sur le cou.

En entendant ces derniers propos, chacun resta comme pétrifié. Et voilà. C'était fait. Ils étaient maintenant au courant de l'existence de la psychopathe qui en avait après nous.
Un instant, je me demandai s'ils n'allaient pas tous s'enfuir en courant. Mais ils n'avaient pas encore entendu toute l'histoire. Ils ne savaient pas ce que cette folle dingue avait fait à Brad. Ce qu'elle avait failli faire à Ashley. Ce qu'elle nous faisait subir au quotidien. Et pire encore, ils ne savaient pas qu'ils y avaient plusieurs psychopathes. Deux – s'il n'y en avait pas d'autre – qui pourraient bien être ma tante et ma cousine.
Holly Moore, une des cheerleaders du lycée, se manifesta, la voix tremblante :

— Vous voulez dire qu'une personne masquée serait à l'origine de tout ça? Que tout comme vous, elle est celle qui a fait en sorte de nous rendre inconscient pour nous implanter ces...choses ? (Elle secoua lentement la tête, puis se tourna vers son petit copain) T'y crois toi?
— C'est complètement dingue, s'exclama-t-il, en passant un bras autour d'elle. En fait, ça ressemble carrément à un scénario de film. Vous êtes en train de nous dire qu'une personne quelconque s'amuserait à mettre ces espèces de tatouages sur des lycéens de Rosebrooke, comme ça, au hasard Et que ces simples marques nous donnent des super pouvoirs?

C'est vrai que dit comme ça, ça paraissait totalement fantaisiste. Nous ne pouvions même pas leur répondre, car nous n'avions aucune idée de comment tout cela était possible.
Encore une raison pour laquelle cette réunion n'aurait pas dû avoir lieu!

— Qui vous dit que la brune là...hum Hayley, n'était pas sous l'effet de la drogue et a simplement déliré? demanda un garçon dont le visage et le nom ne me revenaient plus. Moi, le jour où je me suis réveillé avec cette rose noire dans le cou, je ne me rappelais même plus de la veille alors...
— Et puis, qu'est-ce que c'est, cette marque, au juste? demanda Vanessa à Sean. Et surtout comment se fait-il que nous soyons tous dotés de dons pareils? Si on était dans un film, se téléporter comme tu dis pouvoir le faire paraîtrait banal. Mais jusqu'à maintenant, faire de telles choses était censé être impossible pour nous.

Sean voulut lui répondre, mais sa voix fut soudain recouverte par toutes celles des autres :

— Si ça se trouve, on est des sortes de mutants.
— Des mutants? Tu vis dans quel monde?
— Qu'est-ce que je vais dire à mes parents?
—  J'y crois pas, c'est trop flippant!
— Sérieux? Moi je trouve que ça a un côté cool si on oublie certains détails !

Cette fois, je sentais que ma tête allait exploser. Je tentai de me contenir, de respirer calmement, et même de me boucher les oreilles pour éviter ce brouhaha insupportable, mais il n'y avait rien à faire.
Dans un élan de colère, je m'écriai :

— La ferme !

Comme pour accompagner mes mots, le verre d'eau dans ma main explosa en mille morceaux. Alex s'écarta de moi dans un sursaut partagé par tout le monde.
Un nouveau silence de mort s'étendit dans le garage, et cette fois, seize paires d'yeux se posèrent sur moi. Je baissai les yeux sur mes mains. Des bouts de verres glissaient dessus, mais par chance, je n'étais pas blessée.
J'avais fini par craquer. Et cette mauvaise habitude que j'avais de faire exploser les verres à la moindre émotion forte devenaient de plus en pénible ( et encore, heureusement que je n'avais cassé que le verre).
Je me levai, et sans même prendre en compte le regard étonné d'Ash et Brad, celui réprobateur d'Alex - à qui j'avais demandé de rester calme et discrète, chose que je ne faisais pas – ou encore le fait que Sean venait d'échanger un regard étrange avec Vanessa, me plaçai face à tout le monde.

— Nous ne sommes pas dans un film mais bien dans la réalité! m'exclamai-je, désormais terriblement agacée. Mettez-vous bien ça dans le crâne.

Je jetai un regard circulaire à la pièce bras croisés, m'attendant à une réaction quelconque de leur part, mais le silence servit encore de réponse. À en croire leurs expressions choquées, j'en déduis que je les avais effrayés.
Bravo, Hayley! pensai-je. Ça, c'était une manière de commencer un discours, surtout pour une personne qui ne voulait pas se faire remarquer. Mais j'en avais plus qu'assez de tout ça, et j'espérais faire passer le message.

—Vous pensez vraiment qu'on a que ça à faire de vous appeler ici pour vous racontez des bobards, alors que nos vies tournent au cauchemar depuis cette foutue soirée? Je ne pense pas que vous soyez stupide au point de penser que cette marque est apparue toute seule sur vos cous pendant que vous étiez inconscients. Surtout sachant ce que vous êtes capables de faire à cause d'elle.
— Mais, même si on admettait que quelqu'un était à l'origine de tout cela, fit Éric en haussant un sourcil, je ne vois pas toujours pas de motif valable. Ou même qui cela pourrait être, et comment un tatouage pourrait nous procurer des dons surnaturels.

Je baissai d'un ton, et affirmai :

— Pour faire des expériences.

Le visage de plusieurs personnes, dont celui d'Éric se teinta d'incompréhension.

— Des expériences? répéta-t-il, incrédule.
— Si tu découvrais quelque chose que tu penserais capable de donner des dons surnaturels tels que les nôtres, quelle est la première chose que tu ferais pour en être sûr? lui demandai-je.

Son front se barra d'un pli, et il ébouriffa ses cheveux noirs épais. Son visage s'illumina lorsqu'il trouva la réponse, mais Holly le devança :

— Le tester. Faire des expériences. Et dans notre cas, nous servons de tests à cette personne pour cette marque c'est ça?

J'acquiesçai lentement.

— Mais, il faut être fou pour faire une telle chose! s'exclama Cassandra. S'introduire chez des lycéens pour les droguer et faire des expériences sur eux... Qui aurait bien pu faire une telle chose?— Je sais que c'est une femme, mais nous ne savons pas qui elle est. Elle se cache derrière son masque de loup chaque fois que nous la voyons.
— Chaque fois que vous la voyez? fit Carter. T'es en train de me dire que vous avez vu cette garce autre-part qu'à votre soirée de losers?

Je me mordis la langue en me rendant compte que j'en avais peut-être trop dit.
J'interrogeai Sean du regard. Comme il ne bougea pas d'un poil, je me tournai vers Brad, qui acquiesça lentement pour m'autoriser à continuer.
Je pris une grande inspiration, et m'apprêtai à choisir mes mots avec soin. Cela ne servirait à rien de leur donner des détails sur la mort de Brad, ou les crises, à part les affoler. Et si je donnais trop de détails sur le masque de loup, ça risquerait d'être mauvais. Alors autant éviter habilement les sujets sensibles.

— Nous l'avons aperçu, avec son masque de loup, une fois où deux. À Violetsbrooke, lors de la soirée d'Halloween par exemple. Elle nous a...euh... je ne sais pas ce qu'elle faisait là, mais je suppose qu'elle reste dans le coin pour voir la progression de ses expériences.
— Tu veux dire qu'elle nous suit?

Je me tournai vers l'émetteur de cette question. C'était le garçon dont le visage ne me revenait pas. C'était sûrement parce que ce n'était pas moi qui l'avais ajouté à la liste des roses noires. Il avait des cheveux châtains cendrés et des yeux gris pétillants. Habillé plutôt simplement, il était du genre mignon et discret, comparé à Eric et Carter, les beaux gosses de base.
Outre ces trois-là, il y avait deux autres garçons, un étant plutôt enveloppé, avec de grosses lunettes et s'empiffrant d'un paquet de chips, et l'autre au style punk rock, à qui Sean avait confisqué les cigarettes.
Je tournai ma langue sept fois dans ma bouche avant de répondre :

— Je...
— Est-ce qu'elle nous veut du mal? me coupa-t-il.

J'échangeai un regard avec Brad, l'implorant d'intervenir, mais il ne lui en laissa pas le temps :

— Et est-ce qu'elle a quelque chose à voir avec la...euh...mort de Brad Parker?

Sa question me fit l'effet d'une douche froide, et j'écarquillai grand les yeux.
Merde... justement le sujet que je voulais à tout prix éviter ! Pourquoi fallait-il qu'il pose autant de questions ?

— J'ai entendu dire que Brad avait disparu juste après votre soirée en question, puis on l'a retrouvé...vous savez. Alors je ne peux m'empêcher de me demander si cette fameuse femme masquée a un rapport avec tout ça...et aussi comme tout le monde, comment ça se fait qu'il soit vivant?

Et en plus, il était perspicace! Génial. Comment allais-je bien pouvoir expliquer ça sans rentrer en détail dans le sujet?

— On ne sait pas toujours pas qui m'a assassiné, mais, je ne pense pas que ce soit elle, mentit Brad. En me réveillant ce jour-là, je suis allé faire un tour pour me changer les idées, puis, quelqu'un m'a assommé, et c'est tout ce dont je me souviens jusqu'à aujourd'hui. Si cette femme au masque de loup voulait faire des expériences sur moi, pourquoi m'aurait-elle tué?

Le garçon parut réfléchir sérieusement à la question.
Bien joué, Brad!

— Pour faire une expé...
– Oh, et, si tu veux vraiment savoir Marc, le coupa Brad, c'est seulement parce que j'avais déjà cette marque avant qu'on ne m'assassine, que je ne suis pas mort.

Il saisit un des bouts de verres gisant au sol, et tendit son bras de manière à ce qu'il soit visible pour tous. Puis, il se fit une entaille pas très profonde sur une partie de l'avant-bras.
Tout le monde à part nous poussa un hoquet de surprise, mais lorsque le sang retourna tout seul dans la plaie, il n'y eut plus un bruit.

— Je me régénère, déclara Brad.

Le silence persista encore un peu, puis, à nouveau, il y eut une vague de chuchotements :

— Oh mon dieu, j'y crois pas!
— T'as vu ça? C'est trop mortel!
— Alors c'est comme ça qu'il a sur survécu...
— Cette marque a plus de bons côtés que je le pensais...

Vanessa paraissait tout aussi sous le choc, et je vis même des larmes perler dans ses yeux. Elle devait penser à la chance que Brad avait eue, et à ce qui serait arrivé s'il n'avait pas eu cette marque. Mais le garçon en revanche - enfin, Marc-  ne paraissait pas convaincu et semblait avoir davantage de questions.
Ne voulant pas qu'il remette ça, je me décidai à poursuivre :

— Vous devez sûrement penser que ces « dons » sont cools, mais n'oublions pas la douleur occasionnée, et le fait que nous n'avons aucune idée d'où ils proviennent.(Tout le monde baissa les yeux) Ce n'est certainement pas quelque chose avec lequel on peut jouer, au contraire. Il faut à tout prix qu'on arrive à coincer cette femme masquée pour lui soutirer des informations, et nous enlever cette chose avant qu'elle ne finisse par...nous faire encore plus de mal.

Je pris un air sombre en me rappelant ce qui était arrivé à Kurt à cause de la crise.

— Si vous êtes prêts à écouter calmement, et à nous raconter vos propres expériences, alors peut-être qu'on arrivera à mettre un terme à tout ça. Mais si ce n'est pas le cas, et que vous avez trop peur...vous êtes libres de partir.

Contrairement à ce que je pensais, personne ne bougea. Et personne ne dit rien non plus. Tout le monde se contenta de rester là, à me fixer dans le blanc des yeux, si bien que je me sentis soudain mal à l'aise.
Avais-je dit quelque chose de mal?
Je n'avais jamais été doué pour les discours. En fait, ces paroles étaient sorties de ma bouche sans même vraiment que je m'en rende compte.
Je ne voulais pas regarder Sean à nouveau, car j'avais peur de l'expression qui s'afficherait sur son visage. Était-il surpris? En colère, parce que j'avais promis de ne pas intervenir?
Peu importe. Je n'avais fait que dire ce que je pensais. Je comprenais la panique que ressentaient les porteurs de roses noires. Après tout, ils venaient d'apprendre qu'une psychopathe en avait peut-être après eux, et était à l'origine de tout ce qu'ils leur arrivaient.
Cependant, et peu importe combien j'avais envie de dire à Sean « je te l'avais dit », s'ils ne nous aidaient pas à faire avancer les choses, alors tout cela ne servait à rien.

— Personne ne va partir, déclara une voix féminine.

Je me tournai vers Johanna, qui triturait toujours sa chevelure orangée d'une manière machinale.

Elle me sonda en silence, puis, sans manquer de me fusiller du regard ( que lui avais-je donc fait?), elle poursuivit :

— À moins qu'ils ne soient assez stupides pour le faire. Ou plutôt : à moins qu'ils ne veuillent mourir.

Je fronçai les sourcils. Mourir? Est-ce qu'elle voulait parler de...

— Eh oui, fit-elle avec un petit sourire aux lèvres comme si elle devinait mes pensées. Depuis le jour où j'ai cette marque sur le cou, j'ai eu la même idée que vous, c'est-à-dire : repérer les personnes qui la portaient elles, aussi. Ce garçon aux grosses lunettes rondes faisait partie de ces personnes.

Elle marqua une pause, et je compris qu'elle parlait bel et bien de Kurt. Ou plutôt, elle faisait référence à sa mort.

— En le voyant gratter incessamment sa rose je me suis demandé si elle n'était pas à l'origine de sa souffrance. Ce n'est que lorsqu'il m'est arrivé la même chose que j'en aie eu la confirmation.

Cette fois, je crois bien que le cœur de chacun d'entre nous manqua un battement. Une crise. Johanna avait eu une crise! Ça ne pouvait signifier autre chose.
Elle avait vécu la même chose que Kurt, Sean, et moi. Et pourtant, je pensais que le masque de loup ne ciblait que nous, et que Kurt n'avait servi que de premier avertissement. À moins d'en avoir après Johanna, pourquoi lui provoquer une crise ? Pour nous montrer que cela ne nous concernait pas directement, et qu'elle choisissait ses cibles au hasard ?
Je pris une inspiration pour calmer les battements effrénés de mon cœur. Je n'y comprenais plus rien. D'ailleurs comment cela pouvait même être possible de déclencher une telle douleur sur une personne à distance ? Cette rose noire renfermait définitivement bien plus de secrets que nous le pensions.

— De quoi elle parle, la rouquine flippante là-bas? demanda Carter à Brad.
— Tout comme ce Kurt, j'ai eu des démangeaisons et sensations de brûlures intenses au niveau de la marque, des tremblements ont saisi mon corps, et j'étais incapable de me relever, l'ignora-t-elle. La seule différence, c'est que contrairement à lui, je n'en suis pas morte. Tu vois une explication à cela?

La question était directement adressée à moi. J'ouvris la bouche pour répondre, mais aucun son n'en sortit. Ou plutôt, aucune réponse ne me vint à l'esprit.
Devais-je lui dire que cette crise pouvait survenir à n'importe quel moment, et qu'il y avait certainement un risque qu'elle, Sean ou moi finissions comme Kurt alors qu'en réalité, je n'étais sûre de rien?

— Moi, j'en ai une, déclara-t-elle. Ou plutôt une théorie. Vous avez dit vous être fait injecté une substance inconnue dans le cou. Ou du moins, toi, tu as senti la piqûre d'une aiguille avant de perdre conscience sous l'effet d'une drogue aux effets amnésiques et anesthésiques semblable au GHB. Les effets de ce genre de drogue se multiplient avec l'alcool, alors je devrais te demander si tu n'as pas imaginé ce que tu as vu. Néanmoins, vous dites avoir vu cette femme masquée sans être sous l'effet de la drogue. Alors son existence est vérifiée, et je suppose que l'hypothèse de la substance inconnue est vérifiée. ( Son front se barra d'un pli) Et le lendemain, cette marque était sur votre cou.

Je n'avais pas vraiment compris où elle voulait en venir, mais un point me dérangeait. La drogue. Du GHB? Une drogue de club, mieux connu sous le nom de drogue du violeur.
En troisième, on avait eu droit à une prévention contre les drogues et l'alcool à la place d'un cours. L'homme qui était chargé de nous en expliquer les dangers avait pris le soin de nous parler de cette drogue dangereuse et de ses effets selon les doses absorbées. Celles dans nos verres, étant mélangées à l'alcool, devaient être juste assez élevées pour nous faire perdre conscience et nous causer une amnésie. Mes amis et moi n'avions même pas cherché à savoir ce qu'on nous avait fait avaler ce jour-là, et pourtant une dose élevée de cette drogue aurait pu nous tuer.

— Une question s'impose, poursuivit-elle. Est-ce que la substance a fait apparaître la marque, ou est-ce qu'elle ne sert qu'à rendre distinctes les personnes à qui on l'a injecté? La première hypothèse ne serait plausible que si la marque n'avait pas une forme particulière, soit une forme de rose. Je ne pense pas qu'il existe de substance capable de créer une marque aux airs de tatouage sur la peau après injection. Mais je ne pensais pas non plus qu'il en existait des capables de générer des capacités surhumaines telles que la téléportation, la télékinésie ou autre. Alors je suppose que tout est possible. Je préfère toujours écarter la première hypothèse et me pencher sur la deuxième, plus probable. ( Elle marqua une pause et nous regarda. Je me demandais sérieusement si elle savait qu'elle parlait chinois pour nous) Si on suit le raisonnement, la substance – appelons-la la substance X – , et non la marque a causé les douleurs et démangeaisons que vous avez tous connues. La substance X, et non la marque est ce qui nous a procurés des dons considérés comme surnaturels. Sachant qu'aucun d'entre nous n'en possédait avant, on peut affirmer qu'il s'agit d'une modification génétique forcée et non d'une évolution de l'homme. Cela expliquerait la douleur, due à l'adaptation du corps à la substance, et pourrait alors expliquer pourquoi, Kurt est mort et pas moi. C'est cette substance qui l'a tué, parce que son corps l'a rejeté, ou qu'elle y a causé des changements trop importants. Et c'est ce qui passe pour chacun d'entre nous. Notre corps finira tôt ou tard par rejeter la substance, et cette douleur est là pour nous le rappeler.
Pour l'énième fois, un long silence envahit la pièce. Sur le visage de chacun, on ne lisait qu'une chose : l'incompréhension totale.

Johanna soupira, l'air totalement exaspéré, puis ajouta :

— En résumé, un liquide bizarre qu'on nous a introduit dans le corps est la raison pour laquelle nous avons des pouvoirs hors du commun, et aussi celle pour laquelle nous allons tous mourir.
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Salut tout le monde! je sais que je n'ai pas publié depuis trèèèèèès longtemps, et que vous devez me détester ^^' en fait j'étais censé poster depuis le début des vacances, pensant que je serais libérée du lycée et que j'aurai plus de temps, mais c'est tout le contraire! Entre voyages, sorties non prévues( ou le fait de ne pas avoir de wifi pendant 1 semaine -_-), c'est difficile de se poser pour écrire un chapitre de plus de 20 pages. Et je ne peux pas rester dans mon coin à écrire alors qu'on est en famille -_-' du coup je regrette vraiment d'avoir posté mes histoires avant de les avoir fini, et je me disais que je devrais peut-etre quitter Wattpad pendant un moment, et revenir quand mes histoires seront complètes, mais je sais pas trop... BREEEEF, en tout cas dans la partie deux, on  en apprendra plus sur les capacités des porteurs de roses noires, et vous risquez d'être décu par un personnage. Et au final, je ne ferais pas 25 mais une bonne trentaine de chapitres avec beaucoup plus d'actions! Donc à dans deux jours pour ceux qui lisent encore x)
Ps : je suis dispo pour lire des histoires, et si vous pouviez aller lire l'histoire de mon ami  @garyrama86 : http://www.wattpad.com/story/20283964-just-for-a-while
ce serait vraiment adorable de votre part, il vient juste de commencer ! merci d'avance!

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