Chapitre 7

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Nihale


— Attends ! Attends-moi ! Reste là !

Je ne savais plus depuis combien de temps je courrais, mais j'avais l'impression de ne pas avancer. Comme si une force extérieure m'empêchait d'aller de l'avant et d'attraper cette, cette fiole volante. Attendez, une fiole volante ?

Ce fut à ce moment-là que je me réveillai. Je ne savais pas pourquoi, mais pour moi ça se passait toujours ainsi. À chaque fois que je me rendais compte que je rêvais, je me réveillais. Des fois, j'aimerais bien faire des rêves un peu moins idiots. Au fait, vous me connaissez ? Moi, c'est Nihale, vous savez, l'amie d'Ayane. Étant donné qu'elle dort encore, c'est moi qui vais vous raconter ma journée.

Je jetai un coup d'œil à mon réveil, cinq heures du matin. Tout le monde dormait à cette heure-là. Bon, tant pis, une fois que je suis éveillée, il m'est impossible de me rendormir. Je me levai et m'habillai rapidement ; un T-shirt à manches longues bordeaux et une mini-jupe bleue, sans oublier mon épaulière. Pour finir, je pris ma petite sacoche brune en bandoulière et la mise sur mon épaule. C'était une sacoche magique, ma mère me l'avait offerte le jour de l'examen. Pourquoi magique ? Parce qu'elle était sans fond, je pouvais mettre toutes les fioles possible et imaginable à l'intérieur sans qu'elle ne soit jamais pleine. Je fermai tout doucement la porte de ma chambre avant de me diriger vers la bibliothèque. Cela ne faisait pas longtemps que l'on avait commencé à vivre au QG et pourtant j'avais déjà plein de petites habitudes. Je passai devant la grande salle et aperçu le panneau des missions. Il n'y en avait que quelques-unes. Ce n'était pas étonnant puisque toutes les nouvelles recrues en avaient reçu une.

La nôtre, d'ailleurs, avait été plutôt mouvementée. Quand nous sommes rentrés, Valkyon et Miiko nous ont presque sauté dessus. Surtout cette dernière, d'ailleurs, le chef des Obsidiens était, comme à son habitude, très calme. Comme on s'y attendait, c'est Natsu qui s'est fait réprimander pour être allé à une mission à laquelle il n'avait pas été assigné. La kitsune ne s'est calmée que quand elle a vu les blessures du grand frère d'Ayane. De longues et profondes griffures sur les avant-bras. À vrai dire, j'en ai un peu honte, mais je n'avais même pas remarqué qu'il était blessé à ce point. Cependant, à partir de ce moment-là, nos deux supérieurs nous ont laissés tranquille, tandis qu'ils ont emmené Natsu à l'infirmerie.

Je ne l'avais pas revu depuis ce moment-là ; les chefs de garde l'avaient sans doute interrogé sur le pourquoi du comment. Peut-être que Silel savait s'il était sorti. Je ne me faisais pas de soucis pour lui ; c'est un dragon, il est comme Ayane. Il faut plus qu'une simple griffure pour les clouer au lit. Je continuai mon chemin, traversant l'interminable couloir des gardes. Arrivée dans la salle des portes, je pris sur la gauche, montai les escaliers et entrai dans la bibliothèque. Comme je le pensais, il n'y avait personne, même Kero, le bibliothécaire, n'était pas encore là. Il faut croire que la garde d'Eel n'est pas matinale. J'aimais beaucoup cet endroit. À Laria, la ville où je vivais, il y avait une bibliothèque, mais elle ne contenait pas autant d'ouvrages que celle du QG. Celle-ci était vraiment immense et, en parcourant ses rayons, on pouvait trouver tout ce que l'on souhaitait savoir sur Eldarya.

Je me suis aventurée jusqu'à la section alchimie. Peut-être y trouverais-je de nouvelles potions qui me donneraient des idées ? Je parcourrais la section des yeux quand je vis un livre qui me semblait très intéressant : "Les herbes et les plantes médicinales d'Eldarya". Ce n'était pas vraiment ce que je cherchais au départ, mais peu importe. Je me mis sur la pointe des pieds pour pouvoir l'attraper. Pourquoi fallait-il que les meilleurs livres soient toujours en hauteur ? J'allais me résigner à aller chercher une chaise quand quelqu'un que je n'avais pas vu arriver attrapa le livre que je voulais et me le tendit. Je me retournai pour me retrouver face à Ezarel, mon chef de garde ; ni plus, ni moins.

— C'est ce que tu voulais, non ? Tiens.

Je pris le livre en le remerciant. Mais qu'elle idiote j'étais, je devais être toute rouge. On se serait cru dans une de ces histoires à l'eau de rose que j'ai l'habitude de lire. À la différence que je ne suis pas amoureuse d'Ezarel. Enfin, je ne crois pas.

— Euh, merci. Qu'est-ce que tu fais là si tôt ?

Nihale, mais qu'elle idiote, pourquoi as-tu dit ça ? Tu parles avec le chef de la garde Absynthe, il doit avoir beaucoup de travail. Ressaisis-toi. Le problème, c'était que maintenant, je n'arrivais plus à faire demi-tour et à aller simplement lire mon livre. Ça m'était impossible, je devais rester là et écouter sa réponse, même s'il me prenait pour une idiote.

— Je cherche Kero, mais il n'est sûrement pas encore levé. Ce n'est pas grave, je me replierai sur toi.

Sur ce, il me prit le bras et m'emmena à l'extérieur de la bibliothèque. Je me laissai emporter sans rien faire, trop surprise pour pouvoir amorcer le moindre mouvement. Alors que nous traversions le balcon de la salle des portes, ma bouche se remit à bouger.

— Et je peux savoir où on va ?

C'est sans se retourner qu'Ezarel dit :

— J'ai du travail, moi, je n'ai pas le temps de flâner dans la bibliothèque.

Il avait dit ça d'un ton tellement supérieur et agaçant que je ne lui aie pas posé plus de questions sous peine de lui envoyer une gifle s'il me parlait à nouveau de la même façon. Les nymphes sont du genre sensible. Nous sommes entrés dans la salle d'alchimie alors qu'il me tirait toujours par le bras. Il me lâcha enfin pour aller chercher un long papier sur ce qui semblait être son bureau. En regardant de plus près, je remarquai qu'il s'agissait d'une liste. Après, ce qu'il y avait écrit dessus, c'était toute la question.

Devant mon regard interrogateur, Ezarel m'expliqua qu'il s'agissait d'une liste de matériel d'alchimie qu'il devait aller acheter au marché de Laria. Alors qu'il allait de nouveau m'attraper le bras je reculai.

— Je peux marcher toute seule et puis d'abord, en quoi as-tu besoin de moi ?

Ezarel émit un grognement et sortit de la salle.

— Je ne pourrai pas tout porter tout seul et tu es la seule personne que j'ai croisée de toute la matinée. Alors, viens, prends ça comme un ordre de ton chef de garde.

Et demander gentiment, tu connais ? Ne voulant pas me faire expulser de ma garde, je gardai mes propos pour moi et le suivis dans les jardins. Durant le trajet jusqu'au marché, qui était assez long tout de même puisqu'il fallait sortir du QG pour aller à Laria, j'en profitai pour observer Ezarel. Malgré le fait qu'il soit mon supérieur, je n'avais jamais vraiment fait attention à son physique, ni même à son caractère borné et agaçant et ... Stop, on se calme. Donc, je disais que j'étais en train de l'observer. Vu de dos, il était plutôt beau. Grand, ses longs cheveux bleus, attachés en une queue-de-cheval, tombaient dans son dos. Malgré son caractère, plus qu'énervant à mes yeux, je ne pouvais pas nier qu'il avait une sorte de grâce naturelle, autant dans sa façon de marcher que dans sa façon de regarder les autres. Serait-ce parce qu'il est un elfe ? Sans doute, et puis il y avait autre chose, une chose que je n'arriverai pas à décrire comme cela, mais ça émanait de lui comme une sorte d'aura. Et cette aura était follement attirante.

Je pense sincèrement ce que je viens de vous dire, mais jamais je n'oserai le lui expliquer en face. Des fois, j'aimerais avoir autant de force de caractère qu'Ayane. Elle, elle dit toujours ce qu'elle pense en toute circonstance. Elle ne me ment jamais ni ne me cache des choses. Mais de toute façon, à quoi cela me servirait-il de lui dire ce que je pensais de lui ? Après tout, ce n'est pas comme si j'essayais de monter dans son estime, non ? J'étais tellement plongée dans mes pensées que je n'ai pas vu que l'on était déjà arrivé devant le marché de Laria. Plusieurs rues agrémentées de stands des deux côtés de la route. Contrairement aux marchés habituels qui ne durent qu'une journée, celui de Laria est constant et vend de tout, mais absolument de tout. Je me souviens que quand nous étions petites, Ayane et moi, nous venions souvent acheter des bonbons et des gâteaux au marché. Je ne pouvais en manger que quand j'étais avec elle puisque chez moi ce n'est pas vraiment le genre de nourriture qui court les rues.

Mais...je ne vous ai jamais dit où j'habitais non ? Vous croyiez peut-être que je vivais avec Ayane et Natsu dans le manoir Dragneel ? À vrai dire, c'est vrai que j'y ai passé pas mal de temps, mais, comme toutes les nymphes, je demeurais dans la forêt. Et il se trouve que celle où je suis née borde la ville de Laria. Je...

— Arrête de rêver et porte ça, la nymphe.

Alors que j'étais encore dans mes pensées, Ezarel me mit un paquet de fioles et d'herbes dans les bras. Je l'avais presque oublié, tiens. Cependant, la façon dont il m'a appelée me fit rougir. Pourquoi je rougis, d'ailleurs ? De frustration sans doute. Je ne répondis cependant pas et me contentai de porter ce qu'il m'avait donné. Alors que nous continuions d'avancer dans les étalages pour trouver ce qu'il restait sur la liste, j'entendis des sifflements derrière moi. Je me retournai pour voir deux garçons qui devaient avoir environ mon âge. Ils regardaient fixement ma jupe tout en sifflant. Je tournai la tête dans une autre direction pour éviter qu'ils me voient rougir. Voilà un des inconvénients à faire partie de mon espèce. J'ai comme qui dirait l'habitude des sifflements, mais habituellement j'ai toujours Ayane avec moi pour faire fuir des idiots dans ce genre. Aujourd'hui, j'étais seule avec Ezarel et je ne pouvais pas espérer de l'aide de sa part. Alors que les propos des deux garçons devenaient de plus en plus salaces, j'entendis une voix devant moi.

— Eh les mioches, vous n'avez rien d'autre à faire que d'embêter un membre de ma garde ?

Après avoir ouï ça, les deux garçons sont devenus tout blanc et se sont enfuis. Je levai la tête vers la voix pour découvrir Ezarel, visiblement en colère.

— Tu ne devrais pas laisser des idiots pareils te parler comme ça.

Il me regarda et un léger sourire moqueur s'installa sur son visage.

— Mademoiselle la nymphe.

J'eu une soudaine envie de le frapper ce qu'il comprit puisque qu'il s'écarta d'un pas et continua son chemin.


— Bon c'est pas tout ça, mais on a encore des courses à faire.

Je le suivis à nouveau, mais cette fois-ci en souriant. Nous avons terminé d'acheter tout ce dont nous avions besoin en une heure et il était donc temps de rentrer. Alors que je m'apprêtais à me diriger vers le QG, Ezarel bifurqua vers la forêt. Remarquant mon air surpris il m'expliqua qu'il avait besoin d'herbes qui n'étaient plus en vente au marché. Il m'emmena donc dans l'endroit que je connaissais le mieux au monde, ma maison, la forêt de Laria. En traversant l'étroit chemin bordé d'arbres, plusieurs petits animaux vinrent me voir. Je les connaissais tous, les oiseaux, les lapins, les écureuils. Certains venaient juste par curiosité alors que d'autres se frottaient contre moi. Mélodie aurait été jalouse, j'avais bien fait de la laisser dormir dans ma chambre. Ezarel continua son chemin et s'accroupit. Au bout de dix minutes de recherche, il commença à râler tandis que je lui demandais en m'accroupissant à côté de lui.

— Qu'est-ce que tu cherches ? Je pourrais peut-être t'aider.

Ezarel me répondit tout en reprenant son sourire moqueur.

— Je cherche du Trifolium pratense si tu veux savoir.

Il pensait sûrement qu'en me donnant le nom scientifique de la plante, j'allais partir en courant et le laisser tranquille. Je déposai mes paquets au sol et me mis à chercher un peu plus loin ; d'après mes souvenirs, il y en avait par là. Au bout de quelques minutes, je trouvai ce que je cherchais, des fleurs roses de Trifolium pratense. J'en arrachai quelques-unes et les donnai à Ezarel.

— C'est ce que tu cherches, non ? Du trèfle rouge.

Mon chef de garde parut surpris. Le trèfle rouge est en effet le nom commun du Trifolium pratense. C'est une plante très utile pour les tonifiants et diverses potions de guérison. Ezarel prit les fleurs que je lui tendais, étonné de la vitesse à laquelle je les avais trouvées.

— Finalement, tu peux être utile, mademoiselle la nymphe. Allez, on rentre.

J'aurais bien voulu qu'il arrête de m'appeler comme ça, mais bon. On ne peut pas tout avoir. Et malgré tout, ce qu'il avait dit me fit sourire. Je rentrai toute joyeuse, des paquets plein les bras, au QG. Une fois de retour dans la salle des portes, plusieurs personnes nous regardèrent assez bizarrement. Principalement des filles Absynthe. Je me rendis compte qu'il était plutôt rare qu'une nouvelle recrue aide directement son chef de garde. Cette information n'eut pour conséquence que de me faire rougir davantage. Après avoir déposé les paquets dans la salle d'alchimie, je regardai rapidement le matériel dont nous disposions. Je n'avais pas encore eu l'occasion de tout examiner.

— Incroyable, des racines de mandragore ! M'écriai-je.

Je ne me rendis compte que trop tard que j'avais parlé un peu trop fort. Je me retournai, gênée, en m'excusant.

— Ce n'est pas grave. Je ne connais pas beaucoup d'alchimistes qui connaissent la rareté des racines de mandragore.

C'était une impression où il venait de me faire un compliment ? En plus, il me qualifiait d'alchimiste.

— Si tu as de nouveau besoin d'aide, n'hésite pas à m'appeler.

— J'y penserai, me répondit-il.

Sur ce, je quittai la salle. Il était bientôt midi, Ayane avait dû s'inquiéter, mais bon. Je ne savais pas pourquoi, mais j'étais très heureuse de ma matinée. J'allai chercher Mélodie qui avait l'air d'émerger d'un sommeil profond. Les Chatigris, quels dormeurs. Je croisai plusieurs Obsidiens à qui je demandai s'ils n'avaient pas vu Ayane. Tous me répondirent que non. Je partis la chercher dans la grande salle, puis dans la salle d'entraînement. La cloche allait bientôt sonner et je ne l'avais toujours pas trouvée. Je décidai d'aller voir dans sa chambre et si elle n'était pas là, je la verrai bien au déjeuné.

J'entrai sans frapper dans la chambre de ma meilleure amie quand je vis que quelque chose clochait. Les rideaux étaient tirés ; pour vous ça doit être un détail futile, mais Ayane est un dragon de feu. Elle aime la lumière. Ouvrir les rideaux est presque la première chose qu'elle fait en se levant. Mais le détail qui me frappa vraiment, c'était un petit Maldra rouge allongé au sol, une épaulière de la garde obsidienne lui bloquant la bouche. Mélodie alla à côté de Spy et le lécha. Je lui enlevai l'épaulière. À l'intérieur étaient gravés les initiales "A.D". C'était bien celle d'Ayane. Je vous avoue que sur le coup j'ai paniqué. Oui, j'ai paniqué. Alors j'ai fait la première chose m'étant venue à l'esprit. Je suis retournée dans la salle d'alchimie où Ezarel se trouvait toujours et j'ai crié, Spy dans mes bras.

— Ayane s'est faite enlever ! 

« Je t'ai toujours regardé... » [Fanfiction Eldarya]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant