Chapitre 9

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Ces derniers jours avaient été plutôt agités. D'après Nihale j'étais restée plus d'une semaine inconsciente à l'infirmerie. Ce qui, pour un dragon, était extrêmement long. Nous sommes censés être réputés pour être solide et pratiquement infatigable. Le pire, voyez-vous, c'est que je n'ai aucun souvenir de l'enlèvement. Je me suis endormie dans mon lit et quand je me suis réveillée j'étais à l'infirmerie. Tous ce que je savais c'était mes amis qui me l'avaient dit. Natsu, Nihale et Silel étaient tous les trois là quand je m'étais réveillée. Ma meilleure amie et mon frère m'avaient littéralement sautée dessus. Silel, lui, avait juste souri dans son coin mais je le connaissais assez pour savoir qu'il avait dû se faire un sang d'encre. Tiens, voilà une drôle d'expression pour un vampire, enfin passons. Valkyon m'avait interdit de prendre des missions pendant au moins trois jours et encore j'avais dû parlementer, il voulait me mettre une semaine en « arrêt maladie ». Mais j'allais parfaitement bien, la preuve j'étais debout dans ma chambre en train de tourner en rond et de ruminer. Bon d'accord je n'avais pas le droit de sortir.

À vrai dire ce qui me turlupinait le plus c'était la façon dont j'ai été retrouvée. Tout le monde m'a dit que c'était Nevra qui m'avait sauvée mais personne ne savait ni où ni comment. Miiko avait bien essayé de faire parler le chef des ombres mais rien. Soit il avait tout oublié, soit il était un très bon acteur. Si on en croit sa version des faits, il se souvient de m'avoir trouvée, il ne sait plus où, et mécaniquement de m'avoir prise dans ses bras et m'avoir ramenée au QG. C'était bien trop mystérieux à mon goût. Et si on lui avait effacé la mémoire ? Dans ce cas pourquoi la personne qui m'avait enlevée l'aurait laissé me prendre avec lui ? Et pourquoi moi ? Qu'est-ce qu'ils me voulaient ? Et c'est qui ils ? Ah trop de questions, j'en ai mal à la tête.

De toute façon il était hors de question que je reste coincée ici. Ils ne voulaient pas que je fasse de missions ? Bien, dans ce cas j'allais faire autre chose. Et puis il fallait quand même que j'aille remercier Nevra. Je sortis discrètement de ma chambre et essayai tant bien que mal de trouver quelqu'un que je connaissais. Je demandai à plusieurs personnes mais aucun n'avait vu Nevra. Pour une fois que je le cherchais il n'y avait pas d'attroupement de filles autour de lui, c'était bien ma veine. Tiens encore une expression sur le sang, bon stop, reprends-toi Ayane. Je me dirigeai donc vers la grande salle dans l'espoir d'y trouver un visage familier. Et là, oh miracle, Nihale. Dès qu'elle me vit, elle courut vers moi paniquée.

— Mais qu'est-ce que tu fais là. Tu es censée te reposer dans ta chambre.
— Je sais mais tu me connais, je ne peux pas rester enfermée. On sort ?

J'étais sûre qu'elle allait accepter, après tout, elle est une nymphe et les nymphes aiment le grand air. Et j'avais raison, évidemment, elle a accepté. Quelques minutes plus tard, nous sortions du quartier général en direction de Laria. Après tout j'avais bien dit que je devais aller chercher des affaires dans le manoir Dragneel pour pouvoir aménager ma chambre. Si jamais quelqu'un me voyait à l'extérieur je pourrais sans problème donner cette excuse. Excuse qui n'en était pas une puisque c'était bien ce que je comptais faire. Nihale me regardait toujours avec un air inquiet, j'étais contente qu'elle s'inquiète autant pour moi mais j'allais bien, vraiment. Elle n'avait pas l'air d'en être sûr mais croyez-le ou non elle n'était pas la pire. Spy ne me lâchait plus depuis l'accident. Il était toujours collé contre moi et malheur à celui qui osait m'approcher d'un peu trop près. Exception faîte de Nihale, Natsu, Silel et Nevra. Concernant ce dernier c'était sans doute parce que c'est lui qui m'avait trouvée, bien que je ne lui eusse pas parlé depuis mon réveil.

Nous nous dirigions donc vers ma « maison » si on pouvait appeler ça comme ça. Je crois que d'après les normes d'Eldarya à partir de 500 mètres carrés on passe de maison à manoir. Et étant donné qu'on dépassait les 1200 mètres carrés. Devant l'entrée nos familiers s'arrêtèrent. Il était vrai qu'ils n'étaient encore jamais venus, ils devaient être surpris. Après tout, tout le monde à Laria connaissait le fameux manoir Dragneel. Un des plus grands bâtiments de la ville, sans compter le QG. Une grande bâtisse blanche aux multiples fenêtres. Même moi je ne connaissais pas le nombre total de pièces. Une petite centaine sans doute. Tant que je connaissais l'emplacement des pièces principales il n'y avait pas de problème. J'emmenais Nihale et les familiers vers le salon.

— Ça vous dit de boire quelque chose avant de commencer le déménagement ?

Nihale acquiesça et je lui dis de ne pas bouger tandis que je me dirigeai vers les cuisines. Mes parents étant tous deux à la capitale, tous nos domestiques étaient en vacances. Enfin domestiques, on les considérait plus comme des membres de la famille. Ça me faisait quand même bizarre que le manoir soit si vide. Heureusement les placards étaient toujours pleins. Bien que le manoir possédait une protection magique, si quelqu'un voulait voler quelque chose il le pouvait. Ce qui nous protégeait c'était plus la réputation de la famille que la protection.

Après tout, à Laria, tout le monde savait que ce manoir habitait une des familles les plus connues de la région. Je dis région parce que je ne suis pas sûre que mon nom de famille soit connu à l'autre bout d'Eldarya. Et de toute façon si c'est le cas je n'y serais pour rien, tout comme mon frère. La réputation de notre famille, on la devait entièrement à nos parents et à certains de nos ancêtres.

L'originaire des Dragneel c'était mon père, Aaron Dragneel. Son propre père, mon vénérable grand-père, était à son époque le chef des Obsidiens. Mon père avait toujours voulu prendre la succession mais il avait rencontré une autre opportunité qui l'avait éloigné de la garde d'Eel mais rapproché de ma mère. En effet, on lui avait demandé s'il voulait rejoindre la garde royale d'Andor. Seule l'élite de la garde d'Eel était choisie pour protéger la famille royale et la capitale. Il avait donc accepté après avoir été un peu poussé par son père. Personnellement je comprenais pourquoi il avait hésité. S'il restait il deviendrait assurément chef de la garde Obsidienne mais s'il partait il deviendrait garde royal et peut-être plus. Parce qu'il y a plusieurs grades chez les gardes royaux. Il y a d'abord les gardes habituels, qui forment tout de même l'élite il ne faut donc pas les sous-estimer, et ensuite il y a la garde d'honneur ou aussi appelée le haut conseil. Elle comporte l'élite de l'élite. Ce sont eux qui sont au plus près de la famille royale.

Donc comme je vous l'ai dit mon père a accepté. Et il a bien fait parce que devinez qui travaillait dans le château royal ? Et oui ma mère, Leila Luvia de son nom de jeune fille. Je ne connais pas l'histoire en entier, mes parents m'ont toujours dit que ce serait trop compliqué de tout expliquer. Ce que je sais c'est que mes parents sont tombés amoureux rapidement et que comme ma mère travaillait auprès de la princesse, l'actuelle reine, il a voulu monter de grade... et il a réussi. Mon père est donc actuellement un des membres du haut conseil. Vous comprenez maintenant pourquoi je ne devais surtout pas échouer à l'épreuve des Obsidiens ? Quand notre grand-père est l'ancien chef et que notre père est un membre du haut conseil, il vaut mieux savoir se faire remarquer. Et ça, je l'avais plutôt réussi non ?

Enfin bref, je ne mis pas longtemps à préparer quelques boissons et des gâteaux avant de retourner au salon.

— La dernière fois que je suis venue chez toi c'était juste avant le test tu t'en souviens ? me demanda Nihale.
— Oui je m'en souviens. J'ai failli faire exploser le labo de mon père et toi tu as cassé un des arcs de ma mère.
— Mais puisque je te dis que le fil n'était pas bien tendu.
— Mais oui c'est ça, lui répondis-je en riant.

Combien de fois avions-nous joué ici, je me le demande. Des centaines et des centaines de fois sûrement. On se connaissait depuis tellement longtemps. Ah non, je vous vois venir j'ai déjà assez raconté d'histoires pour aujourd'hui.

— Bon, on le fait ce tri ?

Nihale se leva d'un air assuré et me suivit jusqu'à ma chambre, bien qu'elle en connaissait le chemin par cœur. Après avoir longé quelques interminables couloirs nous arrivâmes enfin devant ma chambre. Je ris en voyant la porte, il y avait une pancarte indiquant « Ayane » et en dessous un petit papier avec écrit, « Une fille qui ferait mieux de faire moins de bruit ». Mon frère avait dû mettre ce mot quand Nihale et moi parlions des épreuves. Oui nous sommes des filles, oui il nous arrive de faire du bruit. En même temps ce n'est pas avec un ami aussi discret que Silel que j'allais pouvoir aller me plaindre à mon frère du trop haut niveau sonore.

Pour en revenir à ma chambre elle était assez grande, tapissée de rouge et or, et de meubles en chêne. Un lit, une grande armoire, un bureau, un canapé, plusieurs bibliothèques, avec beaucoup de livres que Nihale m'avaient commandé, et une petite table. En fait c'était plus un appartement qu'une chambre.

— Et... qu'est-ce que tu as prévu de ramener au QG, Ayane ?
— Hum... il va falloir que j'étudie la question.

Devant la mine amusée et exaspérée de ma meilleure amie je fis signe aux familiers de se mettre à l'aise. Aussitôt dit, aussitôt fait, ils sautèrent tous les deux sur le lit. Bon, c'est parti pour le grand tri.

Au bout de trois heures de tri, entrecoupées de quelques batailles d'oreillers, nous avions deux cartons à transporter jusqu'au quartier général.

— Je t'ai déjà dit que tu as trop d'affaires ?
— Oui mais n'oublie pas que la moitié de ce qu'il y a là-dedans est pour toi.

Une fois sortie du manoir je me retournai en souriant : bien que je vivais maintenant au QG, cet endroit restait ma maison et ça me faisait vraiment plaisir d'y retourner. Nous n'avons pas mis longtemps à retourner au QG, bien qu'il ait fallu être vigilant pour éviter de croiser des hauts gradés ou pire, mon frère. Alors que nous étions à peine arrivées dans ma chambre quelque chose me vint en tête. Sans que Nihale ne comprenne ce qu'il se passait je sortis de ma chambre en trombe.

— Mais où tu vas ? Ayane ?
— Reste là, j'ai oublié quelque chose chez moi, rien de grave.

Même Spy n'eut pas le temps de me suivre. Je couru jusqu'aux jardins puis dépliai mes ailes et m'envolai. En quelques petites minutes j'étais chez moi. J'avais toujours été rapide en vol. En un geste je désactivai la barrière de protection et rentrai en trombe dans le manoir. Je n'arrivais pas à croire que je l'avais oubliée. J'avais pourtant prévu de le prendre. Il n'y avait que Nihale qui pouvait me faire oublier un truc pareil. De retour dans ma chambre, je trouvais rapidement ce que je cherchais, le tableau qui représentait ma famille et mes amis, Nihale et Silel. On était tous si heureux sur cette photo. Elle avait le don de me donner de l'énergie, je n'imaginais même pas habiter au QG sans elle.

— Maintenant je ferais mieux de rentrer sinon Nihale va criser.

Mais j'avais à peine eu le temps de me retourner que je me retrouvais plaquée contre le mur. Ça a été trop rapide je n'avais pas pu parer. Mon agresseur était totalement collé contre moi, la tête penchée il semblait fixer... mon cou. Tout ce que je pouvais voir de lui c'était des cheveux noir corbeau. J'essayai tant bien que mal de me dégager mais il me serrait trop fort. Au bout de quelques secondes je les sentis, deux crocs s'enfoncer dans mon cou. Je ne pus réprimer un petit cri. Ça faisait affreusement mal. La maintenant tous de suite je disais chapeau à Bella et à toutes les filles qui se laissaient mordre par des vampires. Le pire c'était cette sensation, cette sensation de se faire pomper le sang et de sentir le liquide couler le long de ton cou. Au bout d'un moment il me relâcha et je pus enfin connaître mon agresseur.

— Ne...Nevra ?

À peine eussé-je prononcé son nom qu'il disparut à une vitesse, vampirique. Du sang coulait sur le sol, mon cou ruisselait et je me sentais faible mais plus que tout, j'étais totalement perdue.

Après quelques minutes je me ressaisis, il le fallait de toute façon.

— Allez ma vieille, tu n'as pas le temps de te laisser abattre par une chose aussi incompréhensible.

Il fallait que je nettoie le sol et que je me soigne. Et plus que tous, il fallait que je cache ma blessure. Si jamais par malheur Natsu ou Silel apprenait ça. Si par malheur un membre de la garde apprenait ça, comment pourrais-je leur expliquer. « Oh ça ? C'est rien, c'est Nevra qui m'a fait du rentre-dedans ». Bien sûr, super crédible. Après avoir fini le nettoyage je me mis à la recherche d'un foulard. Un foulard, mais quelle idée. Je suis un dragon qui vit dans une famille de dragons, dans un manoir de dragons. Et vous savez quoi ? Nous n'avons jamais froid, donc jamais de foulard. Je me résolu à mettre une veste et à déplier le col. Si on me posait la question je n'aurais qu'à dire que je veux cacher une mauvaise blessure. Après tout il y a peut-être des personnes assez idiotes pour croire qu'une obsidienne veut cacher ses « marques de guerre ».

Le vol était tout indiqué. Un, il me permettait de ne croiser personne, deux, c'était rapide. J'avais réussi à ne croiser personne la première fois mais il ne fallait pas pousser la chance. Devinez devant qui je tombais en atterrissant, Natsu.

— Ayane ? Franchement tu devrais être dans ta chambre, t'es pas possible. Tu...

Ça y est, il l'avait remarqué, comment ne pas le remarquer en même temps. Si on ajoute le fait que je fasse louche à l'odorat surdéveloppé des dragons. Mon frère me prit par le bras et m'emmena un peu plus loin dans les jardins, là où personne ne nous verrait.

— Je peux savoir pourquoi tu pues le sang ?

Je n'eus pas le temps de répondre qu'il m'arracha ma veste. Vu la tête qu'il faisait ça ne devait pas être joli joli.

— Qui ?

Alors que je ne répondais pas il haussa la voix.

— Qui t'a mordu, Ayane !

Cette fois je n'avais pas le choix.

— Nevra.

Je pouvais voir distinctement la colère emplir les yeux de mon frère. Si jamais Nevra se trouvait devant lui à ce moment-là, je savais qu'il pourrait le tuer sans aucun remords. Je devais le calmer sinon il pourrait faire une grosse bêtise.

— Je t'en prie, calme toi. Je ne sais pas pourquoi il m'a mordue et je suis aussi en colère sauf que c'est un chef de garde. Si tu t'en prends à lui tu auras de gros problèmes. Pense à ce que ferait papa si jamais il apprenait que tu t'en étais pris à un haut-gradé.
— Il me tuerait.
— Sans aucun doute.

Natsu avait clairement envie d'aller montrer de quoi il était capable à Nevra sauf qu'il savait réfléchir et la peur de la colère de notre père devait aussi avoir un certain poids.

— Bien, je ne ferai rien mais si jamais il te touche à nouveau, Silel pourra se vanter d'avoir un tas de cendres pour chef de garde. Va dans ta chambre, Nihale te soignera.
— J'y vais, et Natsu, n'en parle pas à Silel s'il te plaît. Tu sais qu'on ne le retient pas quand il est en colère.

Mon frère acquiesça tandis que je courais vers ma chambre. Après avoir fermé précipitamment la porte Nihale me regarda avec de gros yeux.

— Mais Ayane, qu'est-ce qui se passe ? On dirait que tu as vu un black dog, je commençais à m'inquiéter...

Je ne la laissai pas continuer et lui montrai mon cou. En bonne nymphe qu'elle était, elle me soigna immédiatement sans poser de questions. Mais devant son regard interrogateur et effrayé je commençais à lui expliquer. À la fin de la séance nettoyage de plaie, Nihale se laissa aller.

— Et moi qui l'avait fait monter dans mon estime après qu'il t'ait sauvée. Je suis bien heureuse de ne pas être dans sa garde. Ezarel au moins il... Pourquoi tu me regardes comme ça ?
— Oh pour rien, je ne savais pas qu'Ezarel était assez haut dans ton estime pour que tu le prennes en exemple, lui dis-je avec un sourire qui exprimait parfaitement ma pensée.
— Non, pas du tout. Alors là tu n'y es pas du tout, il ne m'intéresse pas. Mais alors là pas du tout.
— Tu te justifies un peu trop si tu veux mon avis.
— Ne change pas de sujet Ayane, on parlait de Nevra.
— Et qu'est-ce que tu veux que je te dise. Que je ne comprends pas pourquoi il m'a mordue ? Que malgré ça je n'arrive pas à le haïr ? Que je ne veuille pas que Silel soit au courant parce que sinon il risque d'avoir des problèmes en s'en prenant à son cousin ?

J'avais dit tout ça à vitesse grand V. Et maintenant j'étais sur le point d'exploser, je ne les contenais plus, les larmes commençaient déjà à couler.

— Ayane, vas-y pleure, ça te fera du bien.

Nihale me prit dans ses bras. Elle savait parfaitement que me voir pleurer était extrêmement rare. Elle savait aussi que j'étais bien plus perdue que je n'aurais dû l'être en temps normal. Et elle, mieux que personne, savait pourquoi.

« Je t'ai toujours regardé... » [Fanfiction Eldarya]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant