C H A P I T R E Vingt-Cinq

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Surprise
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« Où est-ce que tu m'emmènes encore ? » protesta Elsa tout en continuant néanmoins à le suivre, intriguée.

Jack ne répondit pas et lui adressa un clin d'œil affectueux.

« Tais-toi et fais moi confiance. » lui intima-t-il après quelques secondes en nouant ses doigts aux siens.

La pression qu'il exerça sur sa main envoya une onde de chaleur parcourir le corps de la jeune femme. Muette, elle sentit son cœur frémir dans sa poitrine comme l'éveil d'un papillon en cage, étirant ses ailes bariolées. En cet instant précis, elle ne savait pas si elle aurait préféré être le plus éloignée possible du jeune homme ou, si au contraire, elle souhaitait qu'il ne lâche jamais la paume qu'il lui avait saisit.

Ils traversèrent silencieusement les couloirs vides du Refuge puis arrivèrent à l'entrée, où un scooter bleu était négligemment posé contre le mur du bâtiment. Jack lâcha la main d'Elsa pour prendre le guidon et après être grimpé dessus, lui fit signe de l'imiter.

Elsa toisa l'engin sans savoir si elle devait obéir ou pas ; ce... Truc ne semblait clairement pas sûr. Mais Jack l'intima une nouvelle fois de le faire ;

- Ne t'inquiète pas, je te promets qu'il ne t'arrivera rien ! Tenta-t-il de la rassurer. Parole de Jack Frost.

La jeune femme acquiesça et s'assit à son tour derrière lui, inquiète, sans ne savoir trop quoi faire. Jack attrapa alors ses avant-bras et les rejoignis devant son torse, si bien qu'elle se retrouva plaquée contre son dos, le visage enflammé par un contact si rapproché.

- Tiens toi bien à moi, Elsa. Lui conseilla-t-il en se mettant en position de départ.

Elle approuva timidement, joignant ses mains plus fermement, et l'engin vibra pour partir en pétarade. Effrayée, Elsa comprit alors l'intérêt d'être aussi proche de Jack Frost au point d'en avoir l'odorat envahie par son parfum frais ; ne pas mourir.

- Ça va à l'arrière ? Cria Jack pour couvrir le bruit que crééait le vent en s'engouffrant autour d'eux.
- Je vais bien, lui répondit Elsa, crispée, se concentrant sur le bruit des roues sur l'asphalte pour éviter de voir le paysage qui défilait à toute vitesse autour d'elle. Elle se sentait au bord de la crise cardiaque.
- D'accord. Mais moi, je crois que je vais m'évanouir si tu continues à essayer de me briser les côtes ! S'amusa-t-il.

Après un petit temps de compréhension, elle discerna enfin le sens premier des paroles de Jack et essaya de se détendre pour éviter d'étouffer le conducteur du scooter en relâchant la pression qu'elle exerçait sur son torse.

Ils étaient si proche que le parfum entêtant du jeune homme colonisa ses narines, l'empêchant de penser à quoi que ce soit si ce n'est à cette proximité qui faisait battre à la chamade son cœur sans qu'elle n'en comprenne vraiment la raison.

Mais qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Jamais elle ne s'était sentit ainsi... Jamais son cœur n'avait vibré d'un tel écho, engourdissant ses mains fébriles qui agrippaient fermement la veste en cuir de Jack, colorant ses joues d'un joli rouge embarassant. Seule la peur avait réussi à faire galoper son organe vital auparavant ; et pourtant, ce n'était pas de la crainte qu'elle ressentait en ce moment-même. Non, c'était une toute autre émotion dont elle était l'esclave, une émotion qu'elle ne pouvait pas encore nommer...

« Elsa ? Tu peux me lâcher, on est arrivé ! » Lança Jack d'une voix enthousiaste en se tortionnant pour se tourner vers elle.

Elle le libéra soudainement de la geôle de son étreinte, comme si le rappel de sa proximité avec la raison de sa confusion l'avait douloureusement brûlé. Effectivement, ils étaient désormais à l'arrêt et, perdue dans ses pensées, elle ne l'avait même pas remarqué. Évitant son regard interrogateur, la blonde se leva en tentant de reprendre contenance, s'appliquant à se redonner apparence humaine (le vent avait fait de ses cheveux une masse informe et peu seyante). Peine perdue avec Jack qui la fixait sans vergogne, analysant le moindre de ses gestes. Quand elle releva timidement la tête vers lui, il abordait un sourire satisfait qui fit naitre un frisson annonciateur parcourant son échine.

« Viens par là. » Ordonna Jack en lui tendant une main.

Hésitante, elle observa cette paume tendue vers elle puis finit par y poser la sienne avec délicatesse, frissonnant imperceptiblement à la rencontre de leur deux peaux. Il referma alors sa poigne sur la sienne et l'attira à lui dans le but de la rapprocher. Stupéfaite, elle se figea, ce qu'il ne vit heureusement pas, trop occupé à sortir de sa poche un morceau de tissu noir.

« N'aie pas peur, je vais juste te bander les yeux, OK ? J'ai une surprise pour toi. »

Accompagnant ses paroles d'un sourire espiègle, il étira d'un coup sec le bandeau et le porta aux yeux de la jeune femme.

« Jack Frost, ta "surprise" a intérêt d'être... Surprenante. » maugréa Elsa d'une voix quelque peu tremblante, inquiète mais se laissant néanmoins faire.

Sa vision fut alors masquée par le foulard et seule la présence permanente de Jack lui permit d'éviter de paniquer. Il l'attrapa par son manteau, la guidant en lui donnant des indications sur les cailloux qui jonchaient le chemin qu'ils avaient emprunté et qu'elle devait absolument éviter. Quand elle butait parfois contre quelques obstacles qu'elle n'avait pu anticiper, il s'en moquait gentiment mais sa main serrait plus fortement son poignet. Elle n'aurait bientôt plus de sang pour irriguer son bras, s'il continuait... Cependant, elle aimait le fait qu'il s'inquiète pour elle. Elle aimait aussi qu'il veuille la surprendre même si elle n'était guère enchantée de se retrouver aveuglée.

Elle aimait tout autant qu'il essaye de l'aider à avancer alors qu'elle avait entièrement perdu ses repères, car c'était à cela que sa vie se résumait désormais. Elle marchait à l'aveuglette sur une route bondée de murs infranchissables, d'armée inarrêtable. Mais maintenant que Jack lui tenait la main et qu'ils avançaient côte à côte sur cette voie, la vue lui semblait étrangement dégagée. Limpide.

Tout à coup, la matière sous la semelle de ses chaussures changea. C'était... Froid, lisse et atrocément glissant. Elle faillit tomber lorsque son pied lui échappa, heureusement Jack la retint à temps, riant aux éclats. Elle voulut enlever le bandeau qui cernait son visage ; il l'empêcha d'un geste.

« Attends, avant de voir ça, j'ai autre chose !
- Quoi encore ? Geignit-elle, impatiente.
- Arrête de te plaindre, Princesse. Railla-t-il. Encore deux secondes ! »

Le silence les entoura, ne laissant plus que le bruit de leur respiration le rompre. Elsa sentit deux mains glaciales se poser en coupole sur ses joues, relevant son faciès. Que se passait-il ? Un souffle tiède lui caressa le visage. Son cœur accéléra brutalement dans sa poitrine lorsqu'elle commença à comprendre.

Jack était proche, bien trop proche. Si proche qu'elle percevait presque sa peau effleurer la sienne.

Deux lèvres se posèrent sur son nez, et le papillon implosa en une multitude de ses congénères qui envahirent sans gêne l'estomac d'Elsa. Sous ses paupières closes, elle en voyait presque leurs ailes majestueuses se débattre, se froisser pour tenter d'échapper à l'étau de l'aveuglement.

Mais pas l'aveuglement causé par le tissu lui empêchant de voir. L'aveuglement qu'elle s'était elle-même infligée.

Jack s'éloigna, ne laissant de lui sur l'épiderme d'Elsa que des brûlures invisibles qui irradiaient son corps en ondes incontrôlables.

« Tu peux retirer le cache, maintenant. » Murmura-t-il d'une voix rauque, engluée dans un flux de mélancolie.

Dangereuse (Jelsa)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant