C H A P I T R E Vingt

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Le Cauchemar
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L'atmosphère de la librairie n'avait rien à voir avec ce dont Elsa avait été habitué. Les doux parfums des livres embaumant la pièce ? Envolés, disparus pour laisser place à une désagréable odeur de décrépit.

La luminosité, comblant auparavant chaque recoin, amenant la chaleur et la sérénité à l'endroit ? Aujourd'hui, excepté les rayons qui parvenaient à passer par la porte d'entrée, le reste était étouffé par les lourds rideaux de velours rouges masquant la vitrine.

Elsa, malgré son apparente indifférence concernant le froid, ne put réprimer les frissons qui lui parcoururent l'échine.

L'air était pesant, ainsi plus elle s'avançait vers le comptoir, plus ses pas étaient lourds, disgracieux, hésitants. Elle ne fit même pas attention aux étagères de livres qui l'entouraient, alors que dernièrement, elle adorait y flâner, parcourant les couvertures colorées de ses doigts graciles.

Mais les couleurs avaient fuit l'endroit, tout comme l'envie d'Elsa de s'éterniser. Rentrer au Refuge était désormais la seule idée qui lui trottait en tête.

« Bonjour, il y a quelqu'un ? » Se risqua-t-elle à appeler, se penchant sur le comptoir lorsqu'elle y fut arrivé.

Personne en vue.

Elle se frictionna les mains en jetant des regards inquiets autour d'elle, sentant sa confiance déjà bien effritée par l'apparition de l'ombre s'évaporer peu à peu.

Elle tourna la tête et se retrouva soudainement face à la vendeuse, qui se tenait maintenant derrière le comptoir. Elle poussa un petit cri de frayeur, portant sa main sur son coeur en faisant un bond en arrière. La femme n'eut aucune réaction, et Elsa reprit rapidement contenance.

« Excusez-moi, je... vous... » Elle s'arrêta, intriguée.

Elle connaissait bien la libraire pour savoir que c'était une femme enchantée, respirant la joie de vivre. Ses airs de bonhomie lui attiraient la sympathie de tous, et elle était très appréciée en ville pour ses conseils avisés, que ce soit en matière de lecture ou pour tout autre sujet de discussion.

Elle écoutait d'une oreille attentive, parlait d'une bouche experte, prêtant sa sagesse à l'usage de ceux qui en avaient grandement besoin. Elsa savait tout particulièrement qu'elle aimait à soigner son apparence, non pas par coquetterie mais par simple respect pour son prochain. Offrir une vue agréable était bien mieux que d'en donner aux autres une vision négative, d'après elle.

Celle qu'elle avait devant elle n'avait rien à voir avec cette femme. Ses cheveux auparavant blond foncés mais ici d'un gris terne pendaient lâchement autour de son visage, visage tiré, plongé dans la pénombre mais qu'elle devinait bouffi et mangé par les rides. Ses yeux étaient encerclés par des poches violettes et des paupières à moitié fermés, le blanc de son œil étant crevassé par des veines rouges qui ressortaient tout particulièrement.

Elsa recula encore un peu, abasourdie. Que s'était-il passé pour qu'une femme aussi joyeuse, aussi avenante se retrouve dans un tel état ?

« Alors, qu'est-ce que tu veux ? » Lui demanda la femme d'un ton monotone, voire agressif. Ses mots avaient chacun un son tranchant, vif de douleur et de désespoir.

Face à un tel chagrin, Elsa se sentit désemparée. Elle s'éclaircit la voix.

« Je... Je passerais plus tard, il vaut mieux. Je viens de me souvenir que j'avais quelque chose d'important à faire. »

La femme resta inexpressive et Elsa le prit comme un consentement. Elle salua poliment la libraire, tourna les talons et parcourut d'une démarche mesurée quoique tremblante les mètres qui la séparait de la sortie. Elle allait d'ailleurs l'atteindre quand quelque chose s'interposa.

Dangereuse (Jelsa)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant