IX - Onde de choc

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Neuvième épisode
« Onde de choc »

Le temps semble ralentir brutalement.
L'oxygène peine à atteindre mes poumons. Comme si la pression dans l'air avait doublé. Voir triplé. Ils ont l'air d'une bande de brutes. De sauvages. Aussi dangereux que sur la route. Sauf que maintenant, ils ont des renforts. Il y a un type gigantesque et roux qui capte mon attention. Il est aussi terrifiant que ses compagnons. Ils ont tous l'air assez débrouillards et forts. Sauf, peut-être, le prêtre, l'adolescent boitant et le mec au regard hagard dont la tignasse arbore une horrible coupe mulet. Ils discutent avec Deanna. Bientôt, quelqu'un entre chez elle à sa suite, sans doute pour passer l'entrevue. Quelques autres suivent Aaron.

Mes paumes sont moites. Je sens mon cœur frapper durement ma poitrine. Ils sont là. Comment c'est possible ? Quand je tourne vivement les talons pour déguerpir sans demander mon reste, je n'ai toujours pas élucidé la question. Je ne sais pas si quelqu'un m'a remarqué. Je m'en moque. Moi je cours.

Je ne m'arrête pas une seconde pour respirer alors que je passe la porte de chez moi en direction du garage. Je jette un regard circulaire à la pièce, paniquée. J'en fais le tour à vive allure, arrachant sans ménagement les dessins sur lesquels j'ai passé plusieurs heures. Je les brutalise presque tous : je retire tous ceux qui représentent les nouveaux venus.

Alors que je les tiens tous en main, le type de profil couvert de mon sang ainsi que les yeux bleus brillants que je n'avais pas terminés incluent, je jette des regards effrayés tout autour de moi à la recherche d'une solution. Je remarque la grande cuvette de nettoyage présente dans le garage et y lance les croquis avant de fouiller chaque espace de rangement de la maison. Ouvrant les armoires, retournant les tiroirs, je cherche une échappatoire. Quand je mets la main sur un briquet, j'y vois mon salut.

Je regagne le garage avant de soulever chaque feuille une à une pour les brûler. L'odeur toxique se répand dans la pièce et me monte dans les narines. Mon cerveau ne fait plus de lien entre les choses que je perçois. Tout ce qui l'intéresse à cet instant c'est de cramer ces fichus bouts de papier.

« Kenna ?

Je me retourne vivement, le cœur battant, comme prise en flagrant délit. Mes mains s'agrippent au lavabo alors que ma salive peine à descendre le long de ma gorge. Dans l'entrée, Éric me dévisage.

- Ça va ?

Je ne réponds pas, mon souffle est saccadé. Il s'avance, prudent.

- Kenna ? Qu'est-ce que tu as bon sens ? Je t'ai vu courir...

Je sens mon cœur battre dans ma gorge. Je le vois regarder derrière moi les dessins en lambeau finissant de se faire calciner. Son regard remonte vers moi, une lueur inquiète dansant à l'intérieur.

- Kenna... Mais qu'est-ce que tu fais ?

Je détourne les yeux une seconde, essayant de revenir à moi. Quand je bats des paupières, je fronce les sourcils.

- Ça n'a pas d'importance. »

Puis, sans accorder le moindre mot de plus pour m'expliquer, je dépasse Éric sans un seul regard pour lui, le laissant seul, avec les dessins enflammés.

Seul à regarder le visage d'un homme couvert de sang disparaître petit à petit.

×××

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