VI - Moi et les autres

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Sixième épisode
« Moi et les Autres »

Je marche jusqu'à ma toute nouvelle résidence alors que mon cerveau se balade un peu partout ailleurs que dans ma tête. En fait, je ne sais pas trop où il se trouve. Quand j'arrive à l'intérieur, je percute Enid qui s'apprêtait à sortir. Dans un premier temps, je laisse échapper de brèves excuses, puis je remarque son sac à dos bien gonflé et plisse les yeux.

« Où est-ce que tu vas ?

Son visage m'affirme qu'elle n'a pas du tout l'intention de me le dire, mais j'ai ma petite idée sur ce qu'elle comptait faire.

- Tu sors de l'enceinte ?

- Ça ne te regarde pas.

Je hausse les épaules.

- Non, je sais... Mais... Tu n'y vas pas seule quand même ?

Son regard veut tout dire. Je penche légèrement la tête sur le côté.

- D'accord... Dis-je, songeuse, je ne croyais pas que cette communauté était du genre à laisser une adolescente sortir sans accompagnateur.

Elle détourne les yeux. Et voilà : j'ai compris. D'un petit rire, je demande :

- Et tu sors comment ?

Elle fronce les sourcils. Alors qu'elle ouvre la bouche, sans aucun doute pour m'envoyer balader en me disant que ce ne sont pas mes oignons, je lui coupe la parole avant même qu'un seul son ne sorte :

- Je ne compte pas te dénoncer. Ça m'intéresse, c'est tout... Au cas où.

Elle ferme la bouche et me toise quelques secondes, songeuse.

- J'escalade le mur. À la jonction des plaques, c'est facile. »

Je hoche la tête doucement. Avec un chien, ce ne sera pas évident, mais c'est mieux que rien. Je me décale pour la laisser passer.

- Ok. Fais gaffe à toi. Je serais triste qu'on doive me fournir une autre colocataire. J'ai pas envie de me coltiner une pie.

Je crois la voir sourire un peu avant qu'elle ne s'éclipse en fermant la porte derrière elle. Je l'aime bien cette fille.

Je fais le tour des pièces de la maison. Je n'ai pas pris le temps de le faire hier soir après ma douche. Enid dormait et je m'imaginais mal ouvrir la porte de sa chambre par accident. Alors, en sifflotant, je fais le tour du logis. C'est petit, mais convivial. Cuisine, sale à manger, salon, salle de bain au rez-de-chaussée et deux chambres au premier... Tout y est. Alors que je regarde les bibelots poussiéreux du salon, je constate une porte sur le mur opposé à celui donnant sur la cuisine. Sans doute est-ce celle qui mène au garage que j'ai vu de l'extérieur.

En l'ouvrant, je constate que je ne me suis pas trompé. Je plisse les yeux. L'air est saturé de poussière. Visiblement, personne n'est venu ici depuis longtemps. Ce qui ne m'étonne pas vraiment. Alors que je fais le tour des étals qui ont apparemment été vidés de leurs outils, je passe un doigt sur une table de bois positionnée un peu plus au centre de la pièce. En laissant mes yeux regarder un peu partout, je constate, dans un coin reculé, la présence d'un vieux chevalet appuyé contre le mur. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres. Il ressemble à celui que j'avais dans mon ancien atelier.

Le bruit d'une porte qu'on martèle brutalement me fait sursauter. Quelqu'un fait rebondir violemment son poing contre la porte d'entrée. Je m'en approche doucement, prudemment. En chemin, j'attrape un bibelot sur lequel je garde une emprise féroce, je le camoufle derrière ma jambe et ouvre abruptement la porte, prête à me défendre.La silhouette qui se dessine à contre-jour est celle d'un homme aux cheveux noirs bouclés et il semble... Furieux. C'est le moins qu'on puisse dire. J'agrippe la porte et recule d'un pas. J'ai déjà vu ce type. À la grille, hier, quand je suis arrivée. Selon Aaron, il s'appellerait Nicholas.

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