XIII. Ere Cassiopée : 31/10/2215 : Toronto 6 AM - Sujet : Maïa / Pewter - 12h

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  A mon réveil le lundi suivant, l'excitation coulait déjà dans mes veines. Une joie hystérique s'empara alors de moi, dès que mon pied entra en contact avec le sol. Une énergie palpable électrisa l'air tandis que je rejoignais la cuisine en chantonnant. 

C'était mon premier jour dans l'unité de Technologie-santé. Depuis le temps que j'en rêvais ! 

 Avalant un petit déjeuner frugal à la hâte, je lançai un : 

-  Bonne journée ! à ma mère déjà assise à la cuisine. 

 Je pressais ma sœur que je devais déposer à l'école et ramassais ses stylos et ses cahiers éparpillées aux quatre coins du salon fourrant le tout dans son cartable d'écolière. 

 Enfin prêtes, nous débouchâmes dans les escaliers vertigineux du bâtiment qui semblaient interminables. Ma sœur bougonnait mais il fallait faire avec. L'ascenseur était en panne ce qui n'était guère surprenant vu les pluie diluviennes des jours derniers. Entamant une course à travers les marches escamotées, c'est avec bienveillance que je fis mine de la laisser gagner ! 

 Nous avions réussi à communiquer d'une manière différente toutes les deux. Depuis sa naissance et malgré son handicap, un lien imperceptible mais diablement intense nous reliait en secret. Parfois rien qu'un regard ou une expression du front nous permettait de nous comprendre mutuellement. Maman se réjouissait d'une telle complicité, même si elle enrageait parfois de ne rien comprendre à notre conversation invisible à l'œil nu.

 J'avais souvent tentée d'imaginer comme cela devait être dur de vivre sans l'ouïe. Déjà que je devais vivre privée d'un sens alors je m'imaginais mal vivre à sa place dans une bulle coupée des bruits du monde. Du haut de ses 6 ans, elle avait développé des facultés extraordinaires, rivalisant d'audace pour s'adapter à chaque obstacle. C'était un peu une super héro des temps modernes ma sœur et j'enviais le courage dont elle faisait preuve chaque jour. Elle affrontait le monde avec force repoussant ses autres sens à l'extrême pour compenser ses faiblesses. Elle était devenue capable avec le temps d'être à l'affût de tous les petits détails visuels qui étaient insignifiants pour nous autres. Elle ressentait les choses plus profondément et vivait chaque jour en s'adaptant plus durement au monde extérieur. 

 Ses yeux pétillants de malice me dévorèrent des yeux et je fondis instantanément comme neige au soleil malgré la pluie qui se répandait en ondes infinies à la surface de l'eau. 

 Blotties l'une contre l'autre, nous avancions à travers les pontons sur pilotis, évitant les passants pressés, les échafaudages hasardeux et les pigeons heureux. 

 Après plusieurs minutes de marche, je la déposai devant son école un bâtiment authentique du centre ville, vieux de plusieurs siècles. 

Je restai là, quelques minutes plantée devant le portail cuivré de l'établissement et attendis qu'elle ait complètement disparu derrière les murs imposants de l'école.

 Puis je repris enfin mon chemin, préférant couper à pied par un raccourci plutôt que d'emprunter les gondoles. L'air froid du nord me fouettait le visage et je savourais cette liberté partielle. 

J'aimais me balader dans la cité de bon matin malgré la brume voguant au dessus de nos têtes et qui nous empêchait de voir le ciel. Le soleil tentait de les dissiper avec ses rayons blafards mais c'est finalement les nuages vaporeux qui résistèrent jusqu'à mon arrivée au St Mickael's hospital. 

 En toquant à la porte du pôle Technologie-santé ce matin, je sus enfin qu'une nouvelle page de ma vie venait de débuter.  

Airstronomy ( EN COURS D'EDITION SORTIE 2018)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant