XVIII.

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C'est un service vide que je découvris avec surprise en poussant la porte. Personne dans la salle de repos. Personne dans les couloirs interminablement longs. Personne. 

Le patient fut la première pensée qui me vint à l'esprit quand je vis que la porte de la salle d'isolement était grande ouverte. Déverrouillée ... 

 M'approchant avec crainte , elle était vide et sentait l'eau javellisée. 

 Une porte claqua derrière moi. 

Je fis volte face et c'est une Hélénia affolée qui s'approcha de moi. 

 - Où est-il ? criai-je en pointant la salle du regard. 

 - Suis moi ... me répondit-elle toute tremblotante fermant brusquement la porte des vestiaires derrière moi. 

 Mes questions fusèrent immédiatement. 

 - Que s'est-il passé ? lui demandai-je apeurée, cherchant à fixer son regard qu'elle détournait sans cesse. 

 - Qu'est-ce qui t'a pris ? 

 - Où est le patient ? répétai-je en me levant prête à écumer tout le service pour le retrouver. 

 Avec précipitation, elle posa sa main furtivement sur mon avant bras, m'intimant l'ordre de me rasseoir. 

 - Il est mort Maïa ... elle marqua une pause. 

 - Par ta faute ... m'asséna t-elle en un éclair tout en plongeant ses yeux bleus droits dans les miens. 

 Les secondes s'égrainèrent et j'étais là, abasourdie, ne voulant pas y croire. La stupéfaction s'était emparée de moi m'anesthésiant l'espace d'une seconde qui s'éternisa. Voyant que je restais immobile sans la moindre réaction, elle rajouta: 

 - Qu'est-ce qui t'es passé par la tête bon sang ? réponds ! Cette dose d'anxiolytique était essentielle, Azel t'avais mis en garde. Les patients ici sont instables, de vrais détraqués. Ils sont prêts à tout pour éviter les traitement qu'on leur donne quand la paranoïa les ronge. Qu'importe ce qu'il a pu te dire pour t'amadouer. Il avait besoin de ce tranquillisant, et voila où tu l'as mené... 

 Ma vue se troublait, les sons extérieurs devenaient de plus en plus lointain. Je me sentais partir tel un funambule au dessus du vide sans aucune corde pour me retenir. Ma respiration s'accéléra. 

 - Ne pas t'attacher, mettre de la distance entre toi et les patients. C'est la première règle qu'on vous apprend. Alors, pourquoi Maïa ? Pourquoi ? 

 Je relevai la tête et réussis à reprendre une respiration normale, mais la colère me rongeait. Une haine polymorphe, viscérale, autodestructrice s'immisça dans chaque cellule de mon corps me dévorant de l'intérieur. 

 - J'ai ... merdé, avouai-je à demi mot. Mais comment ? pourquoi ? ... tu ne vas pas me faire croire que c'est cette dose d'anxiolytique oubliée qui l'a tué ? 

 Je ne pouvais pas accepter. J'avais respecté son choix, sa liberté. 

 - Tout a dégénéré ... il est devenu incontrôlable lors de sa toilette du soir, il m'a agressé et s'est enfui en hurlant. C'est Azel qui a finalement réussi à le maîtriser. Tu n'imagines pas une seconde l'enfer que j'ai vécu. 

 Hélénia tremblait en revivant les événements qui avaient eu lieu pendant la nuit. Les mots qui franchissaient sa bouche étaient saccadés presque douloureux. 

 J'étais impuissante face à son malaise. Mais le mien était encore plus insupportable. Aussi je l'enfouis au plus profond de moi.Regardant en l'air elle continua les larmes aux yeux 

 - Il criait Maïa. Il criait de plus en plus fort. Il ne s'arrêtait plus. Rien ne pouvait le stopper dans ses délires ! Il se frappait la tête contre les murs et disait que tout ça c'était de la faute du gouvernement. Que seule la religion nous délivrerait du mal. Ce sont ses mots qui résonnèrent dans les couloirs ...Elle marqua une pause jusqu'au drame.. 

 J'étais suspendue à ses lèvres, à ses mots. Elle suffoqua quelques instant puis fondit en larmes enfouissant sa tête entre ses mains. 

 J'étais dans l'incompréhension la plus totale, toutes mes émotions se mélangeaient à ce moment là sans qu'aucune ne s'exprime visiblement. 

Comment en était-on arrivé là ? J'avais du mal à comprendre comme chaque petits incidents insignifiants en apparence mis bout à bout pouvait conduire à un tel dénouement. 

 - Elle est là ? Cria le professeur tout en s'approchant du vestiaire. Elle est arrivée ? 

 La porte s'ouvrit brusquement et je me retrouvai alors nez à nez avec lui. Sa carrure imposante et son regard froid m'intima l'ordre de le suivre dans la seconde. Je quittai la pièce, laissant Hélénia qui tentait de pas perdre la face dissimulant ses yeux rougis par les pleurs.


Airstronomy ( EN COURS D'EDITION SORTIE 2018)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant