XVI.

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    La fin de la journée passa à une vitesse folle. J'avais pu consulter la base nationale des patients admis à l'hôpital, mais aucune n'avait pu me donner des informations supplémentaires sur ce fameux : Frantz Eastwood.    

« Fichier introuvable, Patient non identifié » 

m'indiqua le moteur de recherche de l'intranet.

En croisant Hélénia au détour d'un couloir j'en profitai pour étancher ma soif de réponses :

- Qui est-il ? Depuis combien de temps est-il attaché ?

-  Ne fais pas attentionà lui, Azel voulait juste te tester pour ton premier jour, une sorte debizutage si tu préfères ! N'accorde pas trop d'importance à ce type c'est juste un fou comme on en voit partout ! 


Elle vit que mon visage se crispa, je n'étais pas plus rassurée 

- Depuis qu'on l'a placé dans cette salle son état s'améliore. C'est tout ce que tu dois savoir pour le moment. Un Techno-Médecin à pu réparer les défaillances de son capteur hier. On le garde quelques jours en observation avant de le relâcher. 

- Le relâcher ? Mais c'est un humain ... pas un animal en cage ? Il est libre de partir non ? 

- Oui enfin, en théorie. Mr HERMANST m'a demandé de le garder en observation forcée 5 jours, pour calmer ses angoisses et ses accès de violence si tu vois ce que je veux dire. 

- En gros, il est drogué toute la journée si je comprends bien ?

 - Au moins, on le contrôle. Pas comme à son arrivée... 

- Comment ça ? demandai-je interloquée. 

- Il est arrivé avec sa femme il y a deux jours en criant au scandale. Si tu avais vu la violence dont il a fait preuve, un vrai détraqué ! On voulait le refiler au service de psychiatrie, mais avec son problème de capteur y'avait que nous qui pouvions nous en charger.. 

Notre discussion fut interrompue à cet instant par le professeur qui l'appela à l'autre bout du couloir. J'allais devoir montrer patte blanche si je voulais en savoir plus sur ce patient. Visiblement toutes les questions que je posais en ce premier jour n'étaient pas forcément les bienvenues. 

Il était vingt heure,quand mon Oxycaptor indiqua 20% d'autonomie. J'allais devoir rentrer bientôt, si je ne voulais pas prendre trop de risques. 

M'accordant une dernière demi-heure, je profitai de l'absence de mes collègues partis en pause pour aller rendre visite à ce dernier patient. 

En toute discrétion, je bipai mon badge et rentrai dans la salle d'isolement pour la deuxième fois de la journée. 

Je n'eus même pas le temps de mettre deux pieds dans la salle que le patient se réveilla. Ces yeux bleus me transpercèrent et je pus lire la peur dans ces pupilles dilatées ce qui me terrifia. 

Il tourna la tête dans plusieurs directions et cria : 

- QUI ÊTES VOUS ? 

Durant mes étude, on m'avait appris à soigner, à rassurer, mais c'était la première fois que je me retrouvais face à quelqu'un de terrorisé. 

D'une voix douce je lui dis : 

- Moi c'est Maïa , jesuis interne en médecine. Calmez vous ... je suis là pour vérifier que votre état est stable. Dans quelques jours, vous pourrez sortir ...

- Vous allez me droguer vous aussi ? 

- Seulement si vous estimez en avoir besoin. lui répliquai-je .. 

Cette phrase était sortir de ma bouche comme ça, sans que j'ai pu contrôler les mots qui franchirent mes lèvres. 

Il me regarda l'air interloquée ne sachant pas s'il devait me faire confiance ou crier pour appeler à l'aide. J'avais tout intérêt à lui inspirer confiance car s'il alertait les autres et qu'on me voyait dans cette pièce, je ne pense pas que j'aurais d'autres occasions de pouvoir en apprendre plus sur lui. 

- Expliquez moi pourquoi vous êtes la, lui demandai-je d'une voix douce mais ferme. 

Un silence s'installa pendant plusieurs minutes, il me jaugeait pendant que j'effectuais son contrôle de routine. 

Sa tension était normale et son rythme cardiaque, anormalement élevé à mon arrivée, ralentissait au fil des minutes qu'il se détendait à mon contact. 

L'air grave il ajouta : 

- Faites attention Mademoiselle, nous sommes sur écoute ... SUR ECOUTE se mit-il à répéter à tue-tête tout en riant ! Puis l'air soucieux il fixa un point rouge que je n'avais pas remarqué dans le coin droit de la pièce. Une caméra allumée était tapie dans l'ombre filmant tous nos gestes.

Une tension profonde monta en moi jusqu'à me faire perdre tous mes moyens... J'étais filmée. Prise au piège. Qui avait placé cette caméra dans la salle d'isolement ? Dans quel but ? était ce pour surveiller le patient ? ou me surveiller moi ? 

J'écourtai mon passage dans la chambre le plus vite possible. Alors que j'allais placer l'anxiolytique dans sa perfusion pour calmer ses angoisses qui s'exprimaient dans chacun de ses rires, il me regarda droit dans les yeux et me dit : 

- Pitié Maïa, je ne ferais rien que vous pourriez regretter ! 

Il avait l'air tellement sincère et j'hésitai l'espace de quelques secondes ne sachant que faire. Lui injecter et être assurée de lui faire passer une nuit tranquille ou respecter sa liberté individuelle. 

La conversation d'Hélénia me revint en mémoire quelques secondes et acheva mon choix : « C'est un humain tout de même ... il est libre non ? Oui enfin, en théorie » 

Tout en jetant le médicament à la poubelle, je savais que mon père aurait fait le même choix. Alors que je me plaçai dos à la caméra, il patient cligna des yeux en signe de reconnaissance. Je plaçai alors un doigt sur ma bouche pour lui faire signe de rester calme toute la nuit. 

Après avoir verrouillé la porte et en sortant du bâtiment, je rejoignai en vitesse la première gondole taxi dont la lanterne brillait dans la nuit. 

En voguant sur les eaux cette nuit, je me senti enfin libre et heureuse et l'air marin dissipa un instant l'inconscience qui s'était emparée de moi quelques minutes plus tôt. 

C'était la première fois que je désobéissais à mes pairs mais c'était véritablement la première fois par une action que j'écoutais mon cœur...


Airstronomy ( EN COURS D'EDITION SORTIE 2018)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant