Chapitre 12

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Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés là, à nous serrer dans les bras l'un et l'autre. Mais ça a dû être plutôt long, à en croire Dylan. En effet, il n'a pas eu d'autre choix que de nous séparer par un toussotement caractéristique, pour éviter, selon lui, de s'endormir sur place. Et ça nous a fait sourire tous les trois.
Pour en revenir à l'instant présent, nous sommes assis à une table dans un parc. Ça doit faire 5 minutes que l'on est assis là, mais aucun d'entre nous n'a encore parlé. On se fixe tour à tour, comme si on lisait dans les pensées de l'autre. Vous nous verriez, vous trouveriez ça flippant. Mais à un moment ou à un autre, il faut bien interrompre ce moment étrange mais apaisant. Alors je me décide à poser la question qui, à mes yeux, est la plus importante.
- Est-ce que tu te souviens de moi Scott ?
Il plonge ses yeux dans les miens et me sourit.
- Oui, je me souviens de toi. Je me souviens de toutes les conneries qu'on faisait, de nos jeux. Mais quand on est parti, j'ai essayé d'oublier. C'était trop dur de s'en souvenir.
Son sourire c'est évanoui. Il baisse les yeux sur la table.
- Pourquoi ? je demande. Pourquoi vous êtes parti ? Et pourquoi vous m'avez laissé ?
- Je n'en sais rien. Tout ce que je sais c'est que du jour au lendemain tout a changé. Ils m'ont réveillé tôt un matin, et m'ont pressé de prendre le strict minimum. Il devait être 6 heure du matin quand on a quitté la maison. Quand j'ai demandé où tu étais et où on allait, ils m'ont dit qu'on te retrouverait bientôt et qu'on se rendais dans un endroit plus sûr. En grandissant, j'ai cherché à en savoir plus, mais jamais ils n'ont répondu à mes questions. Ils se contentaient de me poser une autre question ou de changer de sujet. Mais crois-moi, maintenant que je t'ai retrouvé je ne te lâche plus, et je compte bien obtenir des réponses...

Ce soir c'est le bal du lycée. Léa a finalement été invitée par un mec inconnu de mon répertoire, qui est minuscule soi-disant passant. Un mec friqué et beau gosse qui viendra sans doute la chercher en limousine. Ridicule. Mais n'ayez pas de fausse idée, ce n'est pas lui que je trouve ridicule. Ce n'est pas dans mes habitudes de juger les gens sans les connaitre, étant donné que je sais ce que ça fait d'être celui qu'on juge. Non, ce que je trouve ridicule c'est qu'elle va au bal avec lui seulement pour son fric et son beau visage. Scott y va, lui aussi. Avec une grande brune un peu trop superficielle à mon gout. Mais, je le répète, je ne juge pas. Il n'a pas encore parlé de moi avec ses parents. Il ne m'a pas donné les raisons de son attente, mais je suppose qu'il attend le bon moment.
Ça me fait de la peine que Dylan se prive d'y aller parce que je ne peux pas y aller. Même si je ne vous cache pas que ça me touche.
Bref. Il est 18h45, et Léa et sa mère son dans sa chambre en train de s'acharner pour la faire rentrer dans sa robe, pendant que moi, j'écris. Son prince charmant devrait arriver dans moins de 10 minutes, et j'entends encore Léa crier que ça n'ira jamais, et qu'elle ne sera jamais prête à temps. Je ne vous cache pas que sa situation me fait légèrement sourire. Bon d'accord, beaucoup. Malheureusement, mon moment de joie lié au malheur de ma « sœur » disparait lorsque quelqu'un sonne à la porte et que j'entends très clairement les mots suivant : « Élodie grouille toi et va ouvrir ! Et je t'interdis de lui parler ! ». Deux phrases qui montrent la gentillesse sans égale de Léa. Je soupire et me lève pour aller ouvrir au malheureux qui a eu l'imprudence d'inviter celle qui me sert de sœur. J'ouvre la porte et tombe nez à nez avec un mec en costume hors de prix, qui me sourit avec sa tête d'ange. La limousine garée derrière lui confirme mes soupçons sur la présence fortement élevée d'argent dans l'air. Le plus étonnant est que son sourire ne parait pas hypocrite, comme on pourrait le penser venant de personnes riches lorsqu'elles rencontrent les serviteurs d'autres personnes légèrement moins riches mais avec des moyens toujours assez présents (oui c'est comme ça que je me qualifie), ou simplement lorsque les gens me rencontrent, moi.
- Salut, me salue-t-il en me tendant sa main, je suis Jack.
- Élodie, je réponds en serrant sa main, enchantée. Entre.
Il accepte mon invitation et entre dans la maison.
- Elle va arriver, je le préviens.
Je pourrais entamer une discussion avec lui pour passer le temps en attendant que mademoiselle daigne se montrer, mais on m'a formellement interdit de lui adresser la parole. Par conséquent, c'est lui qui entame la conversation, et, étant polie et bien élevée, je me dois donc de lui répondre. Quel dommage ma chère Léa.
- Tu ne vas pas au bal ? me demande-t-il ayant sans doute remarqué ma tenue quelque peu inappropriée à un bal.
- Non, je n'y vais pas.
- Je peux te demander pourquoi ?
- Tu peux, mais je doute que tu obtiennes une réponse.
- Pas de problème, dit-il avec un petit sourire.
Je rêve ou c'est de la compassion que je vois dans ses yeux ? Je me demande vraiment ce qu'un mec comme lui fait avec une fille comme Léa.
- Tu ne corresponds pas vraiment à la description que fait Léa de toi.
- Oui, je m'en doute.
Il fronce les sourcils, pas sûr de bien comprendre pourquoi Léa s'acharne sur moi. Malheureusement pour lui s'il voulait en savoir plus, notre discussion prend fin, car la pseudo reine de la soirée descend les escaliers, dans une robe également hors de prix beaucoup trop serré sensée faire ressortir ses rondeurs, mais qui la fait juste ressembler à un boudin ayant fusionner avec un pingouin, pour vous donner une image de sa façon de marcher. Je retiens un rire et tourne la tête pour ne plus voir cette scène beaucoup trop drôle à mon goût, ce qui pourrait me couter cher. Je tourne la tête vers Jack, et je suis surprise de le voir dans le même état que moi. Il pince ses lèvres pour ne pas exploser de rire et, malheureusement pour moi, c'est la goutte de trop, et un petit rire s'échappe de ma bouche. Que je m'empresse de masquer en toux peu discrète. Léa me lance un regard noir avant de se tourner vers son cavalier.
- Tu es ravissant, lui dit-elle.
- Toi aussi.
Je n'ose même pas imaginer la difficulté qu'il a dû avoir pour sortir un mensonge pareil dans le seul but de la satisfaire. Ils sortent de la maison, bras dessus, bras dessous, et Jack ouvre la portière, en bon gentleman qu'il est, pour laisser entrer Léa, qui le remercie d'un sourire qui me donne juste envie de vomir. Ils partent et je me retrouve seule avec Miranda.
- Aller, monte dans ta chambre maintenant, m'ordonne-t-elle.
Je m'exécute et monte les escaliers pour ensuite m'étaler sur mon lit et réfléchir à ce que je vais bien pouvoir faire de ma soirée. Je me décide à relire pour la septième fois, le seul livre qu'ils m'ont permis d'avoir, qui n'est autre que « 16 Lunes ». J'adore ce livre, et heureusement d'ailleurs. Évidement je rêve d'avoir la suite depuis des années. Mais j'ai arrêté de croire que mes rêves peuvent, un jour, se réaliser.
Je m'endors à la 60ème page, mais je suis vite réveillée par un bruit de coup sur ma fenêtre. Je me redresse et tends l'oreille. Le bruit se répète une deuxième fois, puis une troisième. Je me lève, et me dirige vers ma fenêtre que j'ouvre avec appréhension. Je baisse la tête et vois Dylan, en bas, habillé d'un costume noir. Il me fait signe et ma surprise est telle que je ne parviens qu'à ouvrir la bouche, mais sans rien dire.
- Salut, dit-il, assez bas pour ne réveiller personne, mes parents étant endormi, mais assez fort pour que je l'entende.
- Qu'est-ce que tu fais là ? je demande sur le même ton.
- Je viens te chercher pour aller au bal.
- Quoi ? Mais je ne peux pas y aller, je te l'ai dit.
- Oui, je sais. Mais tu vas venir quand même.
- Pourquoi ?
- Parce que tu as le droit de t'amuser aussi.
Même s'il est complètement fou de venir chez moi à une heure pareille pour en plus me demander de faire le mur, j'apprécie l'attention.
- Mes parents vont me tuer.
- Ils ne le sauront pas. Aller vient. S'il-te-plait.
- Mais... je n'ai même pas de robe.
- Toi pas, mais moi si.
Il ouvre le coffre de sa voiture et en sors une robe emballée dans du plastique pour éviter de l'abimer.
- Elle est à ma sœur. Tu peux la mettre, elle est d'accord et je suis sûr qu'elle t'ira. Tu l'attrape ?
- Mais...
Avant que je n'aie pu dire quoi que ce soit, il lance la robe. Je la rattrape et remercie mes réflexes de ne pas m'avoir lâché.
- Rendez-vous en bas, me lance-t-il avant de disparaitre, sans doute à l'entrée de la maison.
Je dépose la robe sur mon lit, la surprise ne m'ayant pas quitté, essayant de me convaincre que ce n'est pas une si mauvaise idée, que je ne risque rien. J'ouvre le plastique renfermant la robe, et reste bouche bée. Elle est de couleur noire, elle n'a rien d'extravagant, elle est simple et seulement quelques retouches la rendent unique. Mais c'est dans sa simplicité qu'elle est magnifique. Et, n'ayant jamais eu droit à une robe, elle est pour moi la plus belle. « Je suis complètement folle », je me répète sans arrêt tout haut, telle une folle.
- Et puis merde, il a raison. J'ai le droit d'avoir une vie.
Quelques secondes après, je porte la robe et me regarde dans la glace. Et pour la première fois de ma vie, je me trouve jolie. Le seul problème, c'est les chaussures. Mon stock étant assez réduit, je suis donc obligée de mettre la seule paire de chaussure que je possède. C'est-à-dire mes petites et éternelles baskets noires, qui par chance ne sont pas réellement des chaussures de sport, plus des chaussures de villes. Ce qui ne cloche pas trop avec la robe.
Une fois prête, du moins avec le strict minimum, je descends les escaliers le plus discrètement possible. Quoi de plus difficile lorsque les escaliers de votre maison sont sans doute les plus grinçants de tout le pays. Je parviens néanmoins à atteindre l'étage inférieur sans réveiller qui que ce soit. Un exploit, je vous l'assure. J'entre dans le salon et monte sur une chaise pour atteindre le haut de l'armoire où sont cachées les clés. Et oui, mes parents ne veulent tellement pas que je sorte, qu'ils cachent les clés de la maison. Cachette que j'ai découvert un an plus tôt, en prenant les poussières. Je retourne à l'entrée, tourne les clés dans la serrure le plus doucement possible, ouvre la porte et mets un pied dehors. J'aperçois Dylan, appuyé à sa voiture. Je referme la porte et me dirige vers lui, mais je m'arrête à mi-chemin. Je lève la tête vers le ciel et regarde les étoiles. Vous ne pouvez même pas imaginer toutes les nuits que j'ai passée dans ma chambre, à regarder les étoiles de ma fenêtre. Le nombre de fois où je me suis demandée si un jour je pourrais les revoir de l'extérieur. Cela faisait des années que je n'avais plus mis un pied dehors la nuit, étant interdite de sortie éternellement. C'est bizarre, je sais, personne ne s'extasie en regardant les étoiles à l'extérieur. Tout le monde a l'habitude de les voir. Eh bien pas moi.
Si c'est ça le sentiment de liberté, alors je suis prête à faire le mur tous les jours.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 05, 2016 ⏰

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Fais-moi revivre (Dylan O'Brien)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant