Richard Harmon

751 22 3
                                        

Aujourd'hui est un jour important pour mon école. Nous fêtons en ce moment le retour de l'hôpital d'un élève, ce dernier a eu un problème aux poumons et a du subir une greffe, il y a survécu et aujourd'hui, tout le monde fête sa santé retrouvée et se réjouit pour le commencement de sa "nouvelle vie".

Je longe les couloirs pour me rendre dans ma salle de cours, j'admire toutes les affiches qui y sont accrochées, certaines parlent des dons d'organes, d'autres d'associations. Les élèves se bousculent dans le corridors pour essayer de rejoindre au plus vite leur salle puisque la sonnerie retentira dans moins de quelques secondes. Je laisse le bruit de la sonnerie en arrière plan quand je rentre, la dernière, dans la salle, tout le monde est déjà assis et je me faufile jusqu'à ma place discrètement. Le professeur n'a fait aucune allusion sur mon petit retard et commence son cours d'anglais.

Au bout de 30 minutes de cours, mon amie Lise se tourne vers moi, elle me regarde inquiète et me fixe un petit moment. Je lui fais un sourire tentant de la rassurer, mais rien n'y fait, ses traits sont toujours aussi dur et ses yeux aussi apeurés.

" Qu'y-a-t-il Lise ? Pourquoi est-ce que tu me regardes de la sorte ?  demandai-je, intriguée.

- Eh bien, je trouve que tu n'as pas l'air dans ton assiette. Est-ce que tu as pleuré ?

- Quoi ! Non ! Bien sûr que non ! dis-je doucement pour ne pas nous faire repérer par le professeur.

- Ne me mens pas Adeline ! Tes yeux sont rougis et bouffis, exactement comme tes joues, et je peux apercevoir des traces de mascaras essuyés sur tes tempes. Pourquoi as-tu pleuré ? "

Je la regarde et m'apprête à parler mais mes mots restent coincés au travers de ma gorge. Mes yeux s'humidifient, ma tête tourne dans tout les sens et mon coeur se serre, comme si une main le tenait au creux de sa paume et s'amusait à le meurtrir. Lise pose sa main sur la mienne et me la presse, tel un signe de réconfort. Mais même son geste ne réussit à me calmer, j'étais au bord du gouffre, prête à y plonger. La sonnerie retentit annonçant la fin du cours, je me lève d'un bond, jette mon sac à dos sur l'épaule, mes affaires préalablement rangées avant le carillon, et me dirige en trombe vers les toilettes des filles. Derrière moi j'entends Lise m'appeler, voir crier mon nom mais je n'en prends pas compte, je la laisse derrière moi et me dirige telle une furie vers les toilettes pour me cacher aux yeux de tous. Je rentre dans la pièce vide de fille et m'enferme dans le premier qui me vient. Je laisse glisser mon sac de mon épaule, m'affale sur le socle du WC, pose mes coudes sur mes genoux et prends ma tête entre les mains, puis je laisse glisser mes larmes abondamment sur mes joues, elle roulent sur mes joues chaudes et rougis avant de s'écraser au sol et de mouiller le carrelage des toilettes. Parfois, je laisse échapper de ma bouche quelques bruits plaintifs. Je n'arrive plus à m'arrêter de pleurer, je ne me contrôle plus, quelque chose d'autre à prit possession de moi, un sentiment que je ne connais que trop bien : la tristesse.

Cela fait un an qu'il est parti et cette "petite fête" ne me fait ressasser que les souvenirs du passé, des souvenirs  que je n'ai partagé avec personne, des souvenirs qui reposent sur un grand secret, sur mon secret. Cette journée glorieuse sonne pour moi comme un poignard que l'on m'enfonce en plein coeur, et chaque affiches que je vois est comme si l'on remue le couteau dans une plaie béante que l'on a remis à vif.

Au bout de 10 minutes à pleurnicher dans mon coin, je décide de me ressaisir, j'étire mes joues avec mes paumes, je frotte mes yeux et sors de la cabine. Je regarde mon reflet dans le miroir, il me renvois l'image d'une jeune fille triste aux yeux rouge et bouffis, aux joues gonflées et aux traits tendus. Je me passe un coup d'eau sur le visage pour me rafraichir, me passe un coup de brosse dans mes cheveux bruns et passe la porte des toilettes avant de me rendre chez la CPE.

Je toque à la porte, le professeur de français, Mme Rhim, m'ouvre la porte, fâchée et hautaine.

" Alors, pourquoi es-tu en retard ? Tu as un billet ? me dicte-t-elle méchamment.

- Tenez."

Sans plus de dialogue, je me dirige vers ma place sans encombre et sors mes affaires pour suivre le cours, Lise me jette un regard inquiet, je lui souris et lui lève mon pouce en l'air pour lui dire que je vais bien.

20 minutes avant la fin du cours, le professeur nous fait ranger nos affaires. J'exécute ses ordres toutes fois intriguée par ce changement de situation. Je la regarde, attendant la suite des événements. Elle commence à nous parler prudemment des associations de dons d'organes, du processus a suivre si nous voulons être un donneur etc...
Et puis, au bout d'un quart d'heure, elle projette sur l'écran blanc une vidéo, mis sur pause, et la je constate avec horreur que l'image pause me représente moi, en tenue d'hôpital, des tuyaux branchés en moi, dormant paisiblement. Je regarde la prof d'un regard furibond avant qu'elle ne nous explique l'origine de cette vidéo. 

" Aujourd'hui, comme vous le savez tous, nous fêtons la relise sur pied de votre camarade Jean, qui a subit une greffe de poumons. Et bien, sachez que dans cet établissement, Jean n'est pas le seul à avoir subit une telle opération, Adeline Roze en a elle aussi subit l'expérience." une trentaine de paires d'yeux se retournent vers et me fixe, dubitatives. 
" Mlle Roze, sachez juste que cette vidéo m'a été confié par cotre famille, c'est un sorte d'album photo numérique" continua-t-elle, elle me sourit timidement avant d'appuyer sur le bouton play.

Et la, sur l'écran blanc, une multitude de photo de moi et de Richard, retraçant le début de notre relations jusqu'à la fin, composée de vidéo et de photo, cette vidéo avait comme fond musicale la chanson de Kenza Farah et de Soprane "Coup De Coeur". Cette musique, les paroles décrivaient absolument mon histoire, notre histoire. Des photos de nous nous embrassant, d'autre nous amusant et d'autres encore à l'hôpital, on me voit le teint pâle, la mine fatiguée, mais j'ai le sourire aux lèvres parce qu'il est là, avec moi, à mes côtés, qu'il m'enveloppe de son amour si beau, si pure, si protecteur. La chanson touche à sa fin et on voit une vidéo de moi lisant une lettre qui m'est adressée m'annoncent la terrible nouvelle, on voit ma mine passée de l'euphorie à l'horreur, les muscles se contracter et mes larmes inonder mes joues et mon coup.

Mais il n'y a pas que dans la vidéo que je pleure, je sens les larmes qui refont surface et qui coulent telle une cascade sur mes joues et qui viennent tremper mes vêtements. Mon coeur n'est plus serré maintenant, il est déchiré, le poignard qui y était planté la découpé en mille morceaux. Je relève la tête vers ma classe, décidée à révéler la terrible vérité.

J'essaye de bien articuler malgré mes gros sanglots pour que tout les élèves puissent m'entendre correctement, histoire de ne pas me répéter, car je ne sais pas si j'en serais capable.  

" Il... Il s'appelait Richard, c'était mon petit copain, on s'aimait comme des fou tout les deux, mais à mon avis, il me portait plus d'amour que moi pour lui dans notre couple car, 3 ans après notre date, on m'a diagnostiqué un cancer du coeur, pour me sauver, il le fallait à tout prix un donneur. J'ai souvent séjourné à l'hôpital pour une batterie de tests, et à chaque fois il a été présent à mes côtés, pas une seule fois il ne m'a lâché. Quelques moi après, mon bipeur sonne, ça-y-est j'ai un donneur ! Le jour suivant on m'opère et aucune nouvelle de Richard, ni à mon réveil, ni plus tard. Une semaine après, ma mère me remet une lettre de Richard, au début, je trouvais ça romantique et j'ai cru que c'était un cadeau, mais quand j'ai lu la lettre, j'ai plutôt reçu une malédiction plutôt qu'un cadeau. Dans sa lettre, j'y découvre qu'il m'a offert son coeur, que c'est lui le donneur, mais j'ai aussi compris qu'il était mort et que je ne le reverrai plus jamais."

À la fin de ce monologue, je tombe en larme sur mon bureau, la douleur au coeur m'est insupportable, j'ai l'impression d'avoir pris dix ans à parler mais je sais très bien que je n'ai utilisé que 3 minutes. Lise accourt vers moi pour me consoler et me prend dans ses bras, je m'agrippe à elle comme si c'était une bouée de sauvetage. J'enfouis mon visage dans son coup et m'évanouis, ne pouvant plus supporter la douleur et le manque.

ImaginesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant