Chapitre 2

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Je me réveille en sursaut, trempée de sueur et les larmes aux yeux : cinq ans ont passé depuis ce week-end fatidique. Jamais je ne suis parvenue à l'oublier. Je me lève difficilement, file tout droit à la salle de bain, me passe de l'eau glacée sur le visage pour me remettre les idées en place. Mes yeux verts sont cernés profondément, mon teint est bien trop pâle et mes cheveux bruns, aujourd'hui longs et ondulés, sont tout ébouriffés. Bien que ma morphologie n'ait pas beaucoup changé, mon visage s'est durci avec l'inquiétude et les remords. Je me secoue.

Arrête de vivre dans le passé, ça ne sert à rien !

J'ai tout fait pour y échapper. Je me suis lancée à corps perdu dans les études, obtenant mon diplôme d'art appliqué, major de ma promo. J'ai déménagé à l'autre bout de la France, loin de mes Alpes natales pour fonder ma propre société de design, à Paris. Et, depuis, je passe le plus clair de mon temps à la faire fructifier. Après le travail, je passe beaucoup de temps avec mes amis. Seule, je retourne systématiquement au passé. Ce passé que je hais. Tout y aurait pu être différent s'IL l'avait voulu !

Agacée, j'observe mon environnement. Mon petit appartement de célibataire de 50 m², aux meubles peu chers mais fonctionnels, est doté d'une cuisine fermée, d'un salon/salle à manger cosy, d'une salle de bain vieillissante et d'une chambre mal isolée. C'est largement suffisant pour moi seule, bien trop cher pour ce que c'est mais nous sommes à Paris et je ne me vois pas enfermée dans un studio de 20 m² où je pourrais faire à manger, me brosser les dents et regarder la TV simultanément. 

Où serais-je s'il n'avait pas commis ce crime ? Est-ce pour ça qu'il m'a abandonné, souhaitant me tenir éloigner de ses agissements ? Ou éviter que je le dénonce ? Je me prépare rapidement, la mort dans l'âme, et me rend au bureau. Solange et Henri, mes deux collaborateurs, m'accueillent avec le sourire.

– Justement, on parlait de toi ! m'interpelle Henri, un grand gaillard à la peau et aux yeux aussi noirs que ses dents sont blanches.

Le crâne rasé, il a cette beauté brute africaine qui rend les nanas complètement accrocs, doté de traits épais et d'un menton volontaire. Il aime s'habiller de jeans sombres et de t-shirts moulant la musculature qu'il entretien avec application. Un vrai playboy qui ne s'arrête pas au genre, question conquête. Je plisse les yeux, méfiante.

– Qu'est-ce que vous déblatérez sur mon compte, vous deux ? 

Solange se plante face à moi, radieuse. Cette midinette blonde à la peau diaphane et aux yeux bleus sibériens, aussi petite et frêle qu'un lutin, m'a mis le grappin dessus dès notre première année d'études et, malgré mon air renfrogné, ne m'a jamais lâché.

– Accompagne-nous à la soirée karaoké, samedi prochain. 

Je hausse un sourcil narquois.

– Tu m'as bien regardé ? 

– Allez ! Je te promets que tu ne seras pas obligée de chanter ! 

Je soupire et les contourne pour rejoindre mon bureau. Je les entends se taper dans la main avec un cri de joie. Ils me connaissent, ils savent que j'ai (encore) cédé à leur lubie. Qui ne dit mot, consent. C'est ce qu'on dit...

L'après-midi même, Solange me traîne dans une séance shopping en bonne et due forme. Elle tient à ce que je sois sur mon trente-et-un pour la soirée qui aura lieu dans six jours. Je sais qu'elle fait ça pour moi. Elle aimerait me voir rencontrer quelqu'un et que je sois heureuse. Même si je ne suis pas rentrée dans les détails, elle est la seule qui connaisse ma nuit secrète avec mon mystérieux inconnu. Depuis, malgré quelques aventures, je n'ai plus jamais donné mon cœur à quiconque.

MétamorphosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant