Chapitre 4

29 6 0
                                    

Finalement la soirée de la veille s'est passée sans anicroches entre Eirik et Akio. Ils se sont purement et simplement ignorés, ce qui, en soit, n'est pas plus mal. Après ma journée de travail, moins éprouvante que la veille, je passe devant l'hôpital, indécise. Eirik y travaille en tant que médecin en pédiatrie mais ce n'est pas lui que je souhaite voir. Étant le seul hôpital des arrondissements alentours possédant un service IVG, je n'ai de toute façon, pas le choix du lieu. Heureusement pour moi, cet hôpital est gigantesque, peu de chance, donc, que je croise Eirik au hasard d'un couloir.

Je patiente durant un long moment dans la salle d'attente car je n'ai pas pris rendez-vous. J'angoisse. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre. Une gentille dame vêtue d'une blouse blanche m'incite à la suivre dans un bureau décoré avec goût. De taille moyenne, brune et coupée au carré, son visage doux me met tout de suite en con-fiance. L'ambiance douillette me met à l'aise mais cette boule dans ma gorge ne s'amenuise pas pour autant.

– Je suis le docteur Rolie. Je sais pourquoi vous êtes ici et vous n'avez rien à craindre. Je ne suis là ni pour vous juger, ni pour vous faire changer d'avis. Mon rôle est surtout de vous donner toutes les informations nécessaires pour que vous puissiez prendre une décision en toute connaissance de cause.

Son sourire doux me rassure. Je craignais de me retrouver face à une personne réfractaire à ma décision. J'avale difficilement ma salive.

– Comment... ça se passe ? Ça fait mal ?

J'ai l'impression d'être une petite fille face à son premier vaccin. La gynécologue baisse les yeux sur ses mains croisées, posées sur son bureau.

– Je ne vais pas vous mentir : ce ne sera pas agréable. Et cela va crescendo avec la date de conception. Savez-vous approximativement de quand date la grossesse ?

Je pince les lèvres et donne le jour exact. Mon interlocutrice fronce ses jolis sourcils bruns.

– Vous êtes tout à fait en droit de ne pas me répondre mais... S'agit-il du résultat d'un viol ?

J'écarquille les yeux de surprise puis rougis, complètement gênée.

– Non non, pas du tout ! C'est juste que... Je n'ai pas de contact régulier avec... lui.

Comment le qualifier ? Le père ? Je ne considère pas vraiment ce fœtus comme un enfant pour le moment. Mon petit-ami ? Il est loin de l'être. J'ai le cœur serré.

– Pouvons-nous... En finir rapidement, s'il vous plaît.

Le docteur Rolie me jette un regard compatissant et me demande de la suivre derrière un paravent. Une table d'examens trône aux côtés d'une machine aux allures de borne d'arcade, dotée d'un écran minuscule. Sur le mur, un écran plat m'interpelle. Je me déshabille sous ses instructions. Puis me place sur la couchette protégée par du papier. Il glisse lorsque je m'installe. Ça m'agace.

– Compte tenu de la date de conception, je vais devoir effectuer une échographie interne. À la suite de cette échographie, je vous donnerai les photos et vous aurez un délai d'une semaine de réflexion. Si vous maintenez votre décision, nous procéderons alors à l'évacuation de l'embryon.

Je la regarde comme si une deuxième tête venait de lui sortir des épaules.

– Une semaine ? Je pensais qu'aujourd'hui...

Je m'arrête lorsqu'elle secoue la tête d'un air navré en voyant ma déconfiture. Je la laisse faire son travail, détournant les yeux du petit écran qui vient de s'allumer tandis qu'elle m'ausculte.

– Grossesse évolutive. Embryon de huit semaines, qui m'a l'air en parfaite santé.

J'ignore ses commentaires, le cœur lourd et les paupières serrées. Je ne veux pas en savoir plus. Pourquoi ne se tait-elle pas ?

MétamorphosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant