Casier coloré

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Je n'ai pas écrit à Violette de la semaine. Je ne suis pas venu la voir au cimetière non plus. J'étais trop en colère contre elle. En colère pour avoir disparu en me laissant dans les bras de Louis à pleurer comme un chiot ayant perdu sa mère. Je ne suis pas revenu au lycée de la semaine non plus. La grippe, j'ai dit. Je sais que ma mère ne m'a pas cru mais elle n'a rien dit.

Je suis revenu au lycée ce matin. Pourquoi lundi plutôt que mardi ? Je n'en sais rien mais c'est ainsi. Louis peut être ? Je crois que c'est ça. Louis. Je veux m'assurer qu'il va bien. Il a fait ses preuves auprès de l'équipe de foot mais je ne sais pas si cela suffit pour Joshua. Peut-être ont-ils arrêté ? Peut-être que d'autres imbéciles ont repris le flambeau en continuant d'intimider Louis. Je n'en sais rien mais maintenant que j'ai vu ce garçon au cœur brisé, j'ai l'angoisse de le voir blessé par les abrutis qui marchent dans le même couloir que lui.

Je m'arrête. Je le vois la tête baissé devant son casier. Des étudiants rigolent en prenant des photos pour le mettre mal à l'aise. Je ferme les yeux pour essayer de maitriser la colère qui commence à monter à l'intérieur de mon corps. C'est dur, vraiment dur. Je sens la chaleur de mon énervement bruler presque ma peau.

Ce n'est pas le fait que son casier soit tagué aux couleurs du drapeau gay qui me berce dans un autre état. Non, ces couleurs sont magnifiques. Il est le seul casier qui se différencie des autres. Louis est comme son casier, il se différencie des autres. Par tout. Par ce qu'il est, par ce qu'il paraît, pour tout ce que j'ai vu et tout ce que je n'ai pas encore découvert.

Mais putain, je suis tellement en colère tout de même. Toutes ses personnes qui rient en passant devant lui. Toutes ses personnes qui essaient de prendre plus ou moins discrètement des photos. Et Louis. Son visage. Si abîmé, si fermé, si triste, encore une fois. Il n'ose même pas lever son visage lorsqu'il prend ses livres et je suis certain qu'il en prend quelque uns au hasard pour éviter de lever les yeux.

J'ai juste... prit le seul marqueur que je possédais dans ma trousse, bien vide d'ailleurs. Je ne pouvais pas le laisser comme ça à se faire humilier pour quelque chose qu'il n'a pas choisi. Je ne sais même pas s'il a senti que je m'approchais. S'il a su que c'était moi, je veux dire. Il a sursauté de peur et ça m'a fait grimacer. J'ai claqué fortement la porte de son casier pour que tout le monde puisse regarder et prêter attention à ce que j'allais faire. Pas pour me faire remarquer mais plutôt pour que tous les étudiants se sentent idiots pendant quelques secondes.

-       Magnifique casier pour une belle personne, je lui chuchote en marquant cette phrase à hauteur de ses yeux.

Je veux qu'il puisse lire cette phrase encore et encore chaque fois qu'il ouvre son casier coloré. Des couleurs dont il aurait dû être fier. Des couleurs que personne ne veut apprécier. C'est si joli pourtant. Tout le monde aime les arcs en ciel, il n'y a rien de différent. Rien, or mis la signification.

Je le vois sourire un petit peu, je crois que ça le rassure d'être soutenu. Ce n'est pas le même sourire qu'il avait lorsqu'il neigeait. Ni celui du soir où il avait réussi à marquer un but la nuit de son premier match. C'était différent. Il n'était pas forcé mais il n'était pas lumineux non plus. Il était comme une étoile qui a du mal à briller mais qui essaie quand même. Il souriait sincèrement mais ses lèvres n'arrivaient pas à s'étendre à son maximum. Il y avait comme une barrière. La barrière qui séparait le temps où son cœur s'est brisé, jusqu'au moment où ma phrase a été inscrit sur son casier.

-       C'est gentil

-       C'est sincère

-       C'est sincère

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Journal d'une âme perdue » LarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant