Chapitre 11: "Si mal sans toi..."

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Lorsque la fin des cours arriva, Anna vécut ce moment comme une véritable libération. Il ne faisait nul doute qu'une bonne partie du lycée était au courant et chacun revisitait la vérité à sa façon. Heureusement qu'elle avait Jo à ses côtés et son soutien lui était plus qu'indispensable. Elle n'avait pas cessé de la défendre prête à bondir contre ceux qui lui feraient trop de mal.
Alors qu'elles sortaient du lycée pour rentrer à pied, Anna s'arrêta d'un coup.

-« Ben qu'est-ce qui t'arrive ? », demanda Jo étonnée.
-« Ma mère est là. Elle m'attend même à la sortie des cours maintenant », soupira Anna.
-« J'en suis désolée ».
-« Tu n'y peux rien et je crois que je ferai mieux de m'y habituer..., fit-elle avec lassitude. On se voit demain !! »
-« Anna !!, déclara encore Jo alors que son amie s'apprêtait à rejoindre sa mère. Tu es sûre que ça ira ? », demanda-t-elle inquiète.
-« Bien sûr... », sourit-elle tristement.

Sans plus se retourner vers son amie, Anna s'installa dans la voiture de sa mère. Sans un mot, sans un regard, celle-ci démarra. Arrivée chez elle, Anna monta immédiatement dans sa chambre, les heures affreuses qu'elle venait de vivre l'avait vidé de l'intérieur. S'en était trop pour elle, le départ de Luc, les injures dont elle avait été victime et maintenant la suspicion sans borne de sa mère. Regardant l'heure sur son réveil, il lui indiqua qu'elle devait prendre ses médicaments. Observant cette petite boîte de pilule, elle se demanda l'espace d'un instant ce qu'il adviendrait d'elle si elle ne les prenait pas. Sans doute que la vie serait plus douce si elle laissait doucement son cœur s'éteindre... Mais très vite elle se ressaisit en pensant à Luc. Il n'aurait pas souhaité qu'elle ait de telles pensées, et surtout qu'elle commette une telle folie. Comme le lui avait dit Jo, leur histoire ne pouvait s'arrêter ainsi, elle devait garder espoir... Fermant les yeux, elle avala les gélules.

Après le dîner on ne peut plus silencieux, Anna remonta dans sa chambre afin d'étudier. Lorsqu'elle eut fini, elle se posta devant la fenêtre et se mit à observer le ciel. Quelques étoiles brillaient çà et là et comme le lui avait déclaré Luc elle l'imagina dans l'infini du ciel et sourit en pensant qu'il devait faire de même à cet instant.
Prenant la télécommande de la chaîne hifi qui se trouvait non loin de là, elle alluma la musique afin de s'aérer un peu l'esprit. Une douce mélodie retentit alors à ses oreilles lui serrant encore plus le cœur en pensant au jeune homme.
 
Plongé dans l'obscurité de son appartement, Luc vidait un nouveau verre de whisky. Lui qui n'avait pas pour habitude de chercher l'oubli dans l'alcool, se trouvait assis sur son canapé à vider verre sur verre. Il revoyait sans cesse les yeux humides d'Anna, et de voir ainsi sa souffrance lui était encore plus insupportable que toutes les remarques qu'on pouvait lui dire. S'il se serait écouté, il aurait foncé tout droit chez Anna pour l'emporter avec lui très loin. Quitte à devenir fugitif et à braver toutes les lois. Mais il n'avait pas le droit de jouer ainsi avec le futur de la jeune fille, il n'avait pas le droit de briser ainsi sa vie... Sans plus se retenir, quelques larmes coulèrent sur ses joues. Fermant les yeux, il se laissa bercer au son d'une douce musique.
Il repensa à tous ses moments vécus avec Anna, la première fois qu'il avait croisé son regard. Dès cet instant, il avait su que son cœur était prisonnier. Il avait tant de nuit tenté de se raisonner, de se dire que ce n'était que pure folie que d'aimer une de ses élèves, mais rien ni fit... Et surtout, il sut qu'il était définitivement perdu le soir de leur première nuit ensemble. Jamais il n'avait vécu pareille union... Et maintenant ?... Sa vie était devenue un véritable désastre, mais pour rien au monde il n'avait des regrets.
Il fut tiré de ses pensées par la sonnerie de la porte d'entrée. Posant son verre sur la table basse, il se leva tant bien que mal pour aller ouvrir. A sa grande surprise, Sébastien se tint devant la porte.

-« Et ben tu verrais ta tête !! », déclara-t-il en entrant.
-« Qu'est-ce tu veux ? », demanda Luc de façon un peu agressive.
-« Et là, c'est l'abus d'alcool qui te rend comme ça ?!! Je venais aux nouvelles, et d'après ce que je vois c'est pas glorieux..., continua-t-il en allumant la lumière. Alors vas-y dis-moi qu'elle en a été le résultat ? »
-« Je suis muté ailleurs avec la réputation d'être un pervers... », fit-il en se servant un nouveau verre.
-« Et oh, fit Sébastien en lui retirant le verre des mains, la vie continue, estime toi heureux qu'il n'y ait pas eu de poursuite car là tu aurais eu de quoi noyer ton chagrin. Finalement c'est peut-être un mal pour un bien votre séparation ».
-« Tu vas me dire que comme ça, ça m'aidera à y voir plus clair, que j'aurais le temps de réfléchir etc... »
-« Je pensais juste que comme ça si votre couple arrive à sortir de cette crise et bien ça prouvera à beaucoup de personne que vos sentiments étaient sérieux ».
-« Aurais-tu changé de camp ? », fit-il sceptique.
-« J'ai toujours été dans le tien... Mais je voulais surtout t'éviter de vivre ce que tu es en train de vivre et de te voir dans cet état déplorable. Crois-tu vraiment qu'Anna aimerait te voir ainsi ?... Pire qu'une loque ?... »

A l'évocation de la jeune fille, Luc craqua. Posant sa main sur son épaule, Sébastien tenta de consoler son ami.

-« Vas-y, laisse toi aller, tu as le droit d'exprimer ta souffrance... »

Pendant un long moment Luc laissa libre court à sa tristesse. Lorsqu'il se fut un peu calmé, Sébastien rangea la bouteille de whisky et vida dans la cuisine le reste du verre.

-« Merci... », murmura Luc lorsqu'il revint dans la pièce.
-« Tu en aurais fait autant pour moi... Je veux juste que tu me promettes de ne plus te laisser aller de la sorte ».
-« C'est promis... »

Sébastien prépara un dîner, et resta manger avec Luc, plus tard dans la soirée il laissa son ami avec la certitude qu'il ne commettrait pas de bêtise. Une fois le départ de Sébastien, il se dirigea vers la salle de bain et se posta sous la douche. Laissant couler l'eau tiède sur son corps, il essaya de ne plus penser aux sensations qui l'envahissaient. De ne plus penser aux caresses de la jeune fille, de ne plus ressentir son parfum, mais tout cela n'était que pure chimère. Et il le savait, rien ne pourrait l'effacer de sa mémoire... Sortant de la douche, il noua une serviette autour de sa taille et s'asseyant sur le lit, regarda la gourmette qu'il portait au poigner. Demain, un nouveau lycée l'attendrait et comme l'avait déclaré Sébastien, peut-être que cette épreuve avait du bon. Il se battrait pour leur amour, pour faire comprendre à toutes ces personnes que ce n'étaient pas des actes inconsidérés, mais bel et bien de l'amour... Sans se donner la peine d'enfiler un caleçon, il s'endormit.


Les semaines qui suivirent, avaient toutes une étrange impression de déjà vu. Le dialogue n'était toujours pas rétabli entre Anna et ses parents, et cela ne semblait pas vouloir s'arranger. De plus, la mère de la jeune fille était plus que jamais sur ses gardes envers elle, inspectant tout et ne lui laissant plus aucune liberté. Anna avait vraiment l'impression d'être en prison.
Même le lycée ne lui accordait pas de répit. Certes les insultes et les provocations avaient petit à petit cessées, mais les regards sournois et mauvais étaient toujours présents. Anna aurait sûrement sombrée dans la dépression si elle n'avait pas eu Jo à ses côtés.
Installées dans un coin de la cour, Anna regardait dans le vide, l'air totalement absente. Elle n'avait plus aucune nouvelle de Luc et ne savait pas du tout dans quel lycée il se trouvait à présent. Elle ne savait pas si de son côté il allait bien...

-« Tu crois qu'il est heureux ?... », demanda soudainement Anna à son amie.
-« Je crois qu'il doit être comme toi, à vivre sa vie au jour le jour attendant que de meilleures heures arrivent ».
-« Il me manque tellement... Je ne demande pas à le voir mais juste savoir comment il va... Savoir si tout se passe bien pour lui... »
-« Dommage que ta mère te colle à ce point... »
-« Et je crois que ça sera comme ça jusqu'à ce que je me marie », fit-elle avec une amertume non feinte.

Jo ne sut quoi dire pour donner du courage à Anna. Elle qui aurait tant voulu lui prétendre le contraire, savait qu'avec sa mère ses dires étaient bien justifiés... Lorsque la fin de la pause retentit enfin, Jo avait déjà son idée bien en tête. Elle voulait plus que tout aider son amie et surtout elle voulait trouver un moyen de se revancher. Ils avaient beau prétendre qu'elle n'avait rien à se reprocher, elle ne pouvait s'enlever l'idée que le malheur qui avait frappé Anna était un peu de sa faute...
Ce soir-là, après qu'elle ait suivit des yeux la voiture qui emmenait Anna chez elle, Jo avança sur le chemin inverse de chez elle. Lorsque enfin elle vit le nom de la rue qu'elle cherchait depuis 20 minutes sur un panneau, un sourire de satisfaction se peignit sur son visage. Arrivée devant l'immeuble, elle interrogea du regard toutes les sonnettes qui s'y trouvaient avant de s'arrêter sur celle qu'elle cherchait. Poussant un soupir afin de chasser l'angoisse qui montait, elle appuya dessus et attendit. Malheureusement pour elle, personne ne répondit. Ne voulant pas se décourager, elle sonna à nouveau et attendit. A priori, il n'y avait personne. Regardant sa montre, celle-ci indiquait déjà 17h30. Ne voulant pas inquiéter ses parents, elle téléphona chez elle prétextant qu'elle devait rester plus longtemps au lycée. Elle resta ensuite adossée au mur attendant que la personne qu'elle était venue voir arrive. Une vieille dame sortant de l'immeuble, permit à Jo d'en profiter pour pénétrer dans le bâtiment. Montant à l'étage, elle s'assit sur les marches et attendit devant l'appartement. Quelques minutes plus tard, elle entendit quelqu'un monter l'escalier.

-« Joséphine ?... Mais qu'est-ce que tu fais ici ? », questionna surpris Luc.
-« Je vous attendais », déclara-t-elle.
-« Il est arrivé quelque chose à Anna ? », demanda-t-il en imaginant soudainement le pire.
-« Non rassurez-vous ».
-« Viens parlons à l'intérieur ça sera mieux, fit Luc en ouvrant sa porte d'entrée. Assis toi je t'en pris. Tu veux boire quelque chose ? »
-« Un jus d'orange m'ira ».

Tendant un verre à la jeune fille, il s'installa à son tour sur le canapé.

-« Alors, pourquoi tu es là ? »
-« Je voulais savoir comment vous alliez afin de rassurer Anna. Elle se fait du souci pour vous, et est malheureuse de ne pas avoir de nouvelle ».
-« Et bien tu pourras lui dire que je vais bien », répondit-il simplement.
-« Je peux vous posez une question ? »
-« Je t'écoute... »
-« Avez-vous renoncé à Anna ? »

Un silence suivit cette question. Le regard de Luc se fit lointain, et un triste sourire étira ses lèvres.

-« Ce serait plus simple que je réponde oui je suppose. Mais je ne peux lui mentir... Mes sentiments n'ont pas changé, mais je veux avant tout la protéger ».
-« Alors je vous en supplie allez la voir !! », s'exclama Jo.
-« Je ne peux pas... »
-« Mais elle est en train de dépérir à vue d'œil, et en plus elle vit un véritable enfer au lycée et chez elle !! »
-« Comment ça ? », questionna Luc inquiet.
-« Au lycée votre histoire s'est répandue comme une traînée de poudre, et depuis Anna a été victime d'injures horribles. De plus sa mère agit en vrai tortionnaire avec elle, l'amenant et la cherchant au lycée, et lui refusant toutes sorties et autre... Je me disais que si elle vous voyez même l'espace de quelques secondes cela lui redonnerait un peu le sourire ».
-« Elle est si malheureuse que ça ?... »
-« Vous la connaissez sûrement mieux que moi pour répondre à cette question... Un silence suivit cette semi affirmation. Puis se levant Jo continua, c'est pas tout ça, mais je dois rentrer moi ou sinon je vais me faire passer un savon, déjà que je dois être irréprochable vu la colle que je me suis tapée !! »
-« Tu as été collé ?!! »
-« Mhm disons que c'était pour la bonne cause », fit-elle avec un sourire malicieux.
-« Merci d'être venue... »

Jo hocha la tête et sortit. Luc resta là à réfléchir à la situation. Le fait d'apprendre qu'Anna vivait un véritable calvaire tout cela par sa faute, lui était insupportable. Il ne savait pas comment agir... S'il cherchait à la revoir cela représentait un risque aussi bien pour elle que pour lui. Il ne savait quoi faire... Pourtant Jo venait de lui tendre une perche. Rageant contre son impuissance, il se leva d'un bond et sortit. Il avait besoin de marcher et de s'aérer l'esprit pour prendre une décision...

Le lendemain, Jo n'avait que très peu parlé à Anna de sa visite chez Luc, elle lui apprit seulement qu'il allait pas trop mal, et qu'il aimait toujours la jeune fille. Anna avait reçu ces nouvelles comme une grande bouffée d'air frais et se sentit beaucoup plus gaie le reste de la journée.
Par chance, la dernière heure de cours fut supprimée en raison de l'absence d'un professeur. Jo voulut alors en profiter.

-« Super nous avons une heure devant nous où tu peux goûter à un peu de liberté, déclara Jo. Alors on va en profiter pour sortir un peu et boire un coup !! »
-« Je ne sais pas... », fit Anna.
-« Allons ta mère ne peux pas savoir que tu finis une heure plus tôt et puis nous reviendrons à temps pour faire croire qu'on était en cours !! », déclara-t-elle avec un sourire.  

Bien que très peu rassurée, Anna accepta la proposition de son amie. Elles franchirent le seuil du lycée lorsque Anna s'arrêta net, les yeux grands ouverts. A l'abri de tous regards se tenait une silhouette qu'elle avait tant espéré revoir ; Luc...



A SUIVRE...

Commentaire de l'auteur : J'espère que ce chap vous aura plu. Je sais que celui-ci n'est pas de toute gaieté mais la fin présage quelque chose de plus heureux ^___^

Le temps d'une seconde Où les histoires vivent. Découvrez maintenant