Tuerie

311 31 26
                                    

Au début, elle est tombée.

Elle a eu mal. Très mal. La douleur l'a enrobée. Elle ne voyait plus clair, elle s'étouffait. Trop de chose. Trop. Elle ne pensait plus clair. La douleur. Était-ce psychologique ou physique? Elle ne savait plus faire la différence. Elle prenait toujours tout beaucoup trop à cœur. La douleur psychologique, parfois, était pire que celle de la douleur corporel.

Il est tombé à côté d'elle. Ses genoux ont touché le sol et il a posé ses mains près d'elle. Il a penché son visage au dessus de sa tête et il a crié. Il semblait être entrain de crier.

Mais elle n'a pas entendu.

Elle a juste vu ses lèvres remuer. 

Ses lèvres.

Ses lèvres sont sèches.

Un peu déchirées, de la peau morte ici et là. Probablement à cause du froid. Elles sont légèrement bombées. Sa lèvre inférieure est déchirée tandis que la lèvre supérieure semble douce, presque parfaite. Elle voudrait les toucher, ses lèvres. Tracer leur contour du bout des doigts. Avec son index.

Rose doux.

Parfois, elles virent au rouge cerise mais la plupart du temps elles sont rose doux. Pas le vulgaire rose commun. Non. Celui que les peintres ont du mal à reproduire. Le rose léger que l'on voit au levé du soleil. Que l'on essaye d'immortaliser avec des photos.

Fine.

Ses lèvres sont fines. S'accommodant parfaitement avec son visage. Le tracé de ses lèvres est fin. Ses lèvres ne débordent pas, elles donnent un sentiment de perfection. Malgré que la perfection n'existe pas. Comme un rappel moqueur que même les imperfections peuvent nous sembler parfaites. Elles donnent des illusions sur la perfection.

Pulpeuses.

Ses lèvres sont pulpeuses. Un peu comme si elles tentent d'amortir le toucher d'un objet, d'autres lèvres. Regardant ses lèvres, elle se demande si quelqu'un a déjà eu le plaisir de les toucher. Elle ferme les yeux un instant, essayant d'imaginer le goût que ces dernières pourraient procurer. Sucré sûrement. Peut-être que ses lèvres goûteraient les fraises. Ou les cerises.

Interrompant ses songes, elle sent des mains la secouer. Rouvrant les  paupières, elle le remarque penché sur elle. Inquiet. Ses mains des deux côtés de ses épaules.

Ses mains.

Ses mains sont fissurées, longues et légèrement rouges. Ses mains sont sèches aussi. Susceptible à n'importe quelles blessures. Il pourrait se grafigner très facilement. Ses doigts la frôlent, contournant ses épaules, nues. Elle frisonne au contact de ses doigts.

Ses ongles sont limés. Elle ne le voit pas, mais elle peut le sentir. Le contact de ses ongles est sec, parfait, raide et droit. Symétrique. Elle sent ses ongles descendre le long de son épaule, frôlant son coude. Il laisse un égratignure. Son corps se raidit sous la pression de l'ongle contre sa peau.

Ses mains sont fissurées. Ensanglantées. Lorsqu'il la touche, la palme, elle sent le liquide rugueux contre sa peau. Lourd. Elle reconnaît tout de suite le sang. Elle le regarde. Le sang ne vient pas de lui. Mais d'elle.

Confuse. Elle ne comprend pas. Lorsque leurs regards se croisent, elle peut presque sentir sa douleur. Elle déteste ça, sentir sa douleur.

Ses yeux.

Ses yeux sont verts. Pas le vert qui nous ramène dans un champ d'herbe. Pas le vert de la pelouse de son jardin. Ni le vert des plantes. Un vert travaillé. Épuisé. Un vert sombre qui peut, parfois, s'illuminer. Le vert de guerre. Le vert qui a souffert. Le vert qui semble repoussant mais qui finit toujours par attirer.

ÉphémèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant