CHAMBRE AVEC VUE

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Je mentirais si je disais que cette première rencontre furtive m'a laissée indifférente. Aussi fugace fût-il, ce bref échange a été d'une intensité folle. Son compliment montrait qu'il avait été séduit par mon physique. Mais son regard était bien plus explicite encore. Sur le chemin de la voiture, le sourire de Léonie est lourd de sous-entendus. Je commence à me demander si m'amener au stade ce jour-là n'était pas une stratégie pour décrocher la venue du héros à son gala. En clair, j'ai l'impression d'avoir servi d'appât pour que Samuel daigne enfin lui parler. Cette idée ne me plaît guère. Dans la voiture qui nous ramène chez Léonie, le frère de Samuel paraît lui aussi étrangement satisfait de cet après-midi en apparence sans grand intérêt. Il m'interroge l'air de ne pas y toucher. «Ilt'a dit quoi mon frère?–Rien. Il m'a juste dit que j'étais très belle.
–Je connais bien mon frère. Il aime les belles femmes tu sais. Je ne serais pas surpris que tu l'intéresses. » J'ai du mal à réprimer un rire franc. Moi, j'intéresserais Samuel Eto'o? La bonne blague. Je ne suis qu'une jolie fille parmi d'autres. Lui peut avoir les plus belles femmes du mondeenclaquant des doigts. Et puis, hormis ma plastique, je n'ai strictement rien à lui offrir. Quel intérêt de me choisir,moi,unegaminedesquartiersdeYaoundéqui sort à peine de l'adolescence? Nous vivons dans deux mondes si différents. La perspective de me retrouver un jour danslesbrasdeSamuelEto'o me semble relever de la science-fiction. Et quand bien même, ma relation avec Frédéric m'apporte tout le bonheur dont je peux rêver. Je n'ai aucune envie de le tromper, même avec la star des stars. Non, franchement, tout ça est ridicule. La journée touche à sa fin. Nous rentrons tous les trois chez Léonie. David insiste pour rester dîner. J'ai la désagréable impression qu'il veut me cuisiner. Au milieu du repas, Léonie reçoit un appel, et quitte la table quelques instants. À son retour, elle me demande de la suivre dans sa chambre sous un prétexte bidon. Puis m'annonce de but en blanc: «Coucou veut ton numéro.» Je savais que Coucou était le surnom que Léonie avait donné à Samuel. Je n'ai jamais su d'où venait ce sobriquet–de l'oiseau? –mais il le détestait.

«Eto'o?» Cettequestiondepureformeviseàmelaisserdeux ou trois secondes avant une réponse qui, je le sens, aura de lourdes conséquences. Finalement, ce micro-instant de réflexion ne sert à rien. Tout se bouscule dans ma tête. L'immense fierté que je ressens. L'honneur presque. Et puis l'inconnu, la peur. De quoi? Je ne sais pas trop. Et enfin le visage de Frédéric, familier, protecteur, rassurant. J'ouvre la bouche mais rien ne sort. Léonie profite de ce moment de flottement pour m'imposer sa réponse. «Ça ira, va. On va lui donner ton numéro. Il t'appellera pour te saluer, peut-être pour t'inviter quelque part. Tu as ta vie, il a la sienne. Ne t'inquiète pas. C'est un homme correct. » Je sens mes défenses tomber. Ce qu'elle me dit n'aen réalité aucun impact sur moi. C'est un constat tout bête qui me fait vaciller: Léonie est la sœur de mon compagnon. Pas une simple amie, mais sa sœur. Comment pourrait-elle me jeter dans les bras d'un autre? Comment pourrait-elle manigancer contre la chair de sa chair? Cette pensée me convainc plus que n'importe quel argument. Je n'ai aucune raison d'avoir peur et je donne mon accord à Léonie. Je m'aperçois que c'est inutile, elle lui a déjà donné mon numéro. «Ilt'appellera plus tard dans la soirée, me dit-elle.

–D'accord.»
Au fond de moi, je ressens une profonde excitation. Mais je ne veux pas laisser cette sensation m'envahir. Il n'y a rien entre Samuel Eto'o et moi. Il n'y aura jamais rien. Et c'est tant mieux, car je suis heureuse avec mon ami. Je me répète ces phrases en boucle pour qu'elles prennent le dessus sur mes émois naissants. Samuel ne m'appelle pas ce soir-là. Il attend le lendemain. Je reçois son coup de fil –en numéro masqué –en toute fin d'après-midi. Je suis seule sur le balcon de l'appartement que je partage avec Léonie. Je viens tout juste de raccrocher après une longue conversation avec Frédéric, qui se trouve encore en France. Bien que je n'aie pas la moindre arrière-pensée, et sans que je ne me l'explique vraiment, cette coïncidence m'embarrasse un peu. «Bonjour Nathalie, c'est Samuel. Tu vas bien?–Bonjour Samuel. Oui, et vous?» Impossible de le tutoyer. Dans les églises comme dans nos prières, on n'hésite pas à tutoyer Dieu. Mais Samuel Eto'o? Non. Cet excès de précaution installe une distance qui l'embarrasse. Je consens à faire un effort. «Ça fait quelques minutes que j'essaie de t'appeler mais tu étais en ligne...» glisse-t‑il, l'air presque soucieux.–Oui. J'étais avec mon copain.»

REVENGE PORN.         Foot, sexe, argent: mon témoignage ex de Samuel Eto'oOù les histoires vivent. Découvrez maintenant