ARRÊTS DE JEU

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Je suis prête pour mon grand rendez-vous galant. J'ai sorti l'artillerie lourde : blazer blanc, paire de Louboutin et pochette Dior noires. Belle gosse. Dans quelques minutes, Samuel viendra me chercher devant l'hôtel Fouquet's, à deux pas des Champs-Élysées, pour m'emmener dîner. Je mets une touche finale à mon maquillage. Notre dernière crise autour des photos de Fally nu date du mois dernier. Je ne pouvais plus rester seule face à ses menaces répétées et, pour la première fois, j'ai tout déballé à ma mère. Les tromperies, le commissariat, les menaces, le chantage aux photos. Le choc fut brutal, elle qui ignorait tout de la face sombre de la star. Aussi désemparée que moi, ma mère s'est mise en relation avec l'un de ses amis avocats pour m'aider à trouver une issue. Ce dernier m'a vite fait comprendre que devant un tribunal, et quel que soit le motif, la parole du grand Samuel Eto'o serait difficilement remise en question par les juges. Ma seule chance, m'a-t‑il expliqué, serait d'avoir des preuves concrètes de son machiavélisme. Son conseil: ne pas fermer la porte au footballeur, mais au contraire, encourager les contacts, et enregistrer dès à présent toutes mes conversations avec lui et sa garde rapprochée. L'idée était brillante. Je l'ai appliquée sans tarder. Dès le lendemain de songlaçant «Alors observe», Samuela dépêché chez moi Kadji, un garçon imposant manifestement coutumier des basses besognes, pour me faire la leçon. L'homme de mainajouéfranc jeu surles intentions du patron. «Si tu ne fais pas les photos de Fally qu'il te demande, on va te faire des ennuis. On dira au procureur Bifouna que tu as escroqué Samuel. Tous les deux sont amis. Il suffira de lui montrer toutes les factures des cadeaux qu'il t'a faits, et l'historique des transactions bancaires entre son compte et le tien. On te demandera alors de rendre de l'argent que tu n'as pas, et tu iras en prison.» La menace était limpide. Je n'ai pas sourcillé. Ce que Kadji ignorait, c'est que mon Blackberry en mode enregistreur n'avait raté aucun détail du scénario qu'il s'est appliqué à me détailler. Mais aussi convaincant soit-il, ce premier élément ne suffisait pas. Je devais être en mesure de prouver l'existence d'une relation amoureuse entre Samuel et moi, aujourd'hui éteinte, mais jadis bien réel, pour justifier ce déluge de présents. Il me fallait donc la ressusciter, une dernière fois, pour assurer définitivement mes arrières. Devant la glace de ma suite du palace parisien, je me trouve des allures de James Bond girl. La référence est de circonstance. Pour gagner la confiance de Samuel, j'ai pris soin de lui faire croire que j'étais décidée à mener à bien la tâche qu'il m'avait confiée. Dans mon sac à main, mon Smartphone est prêt à consigner toutes les conversations que nous aurons durant le dîner. À 20 heures, mon cavalier gare sa Rolls Royce Phantom bleu devant l'hôtel et sort m'ouvrir la portière. Galant comme au premier jour. En me voyant descendre les marches de la réception, il me gratifie d'un « wow» flatteur en guise de salut. Il a lui aussi sorti le grand jeu, arborant un costume bleue et une chemise blanche à rayures du plus bel effet. Sans perdre de vue l'objectif de la soirée, je me dis qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que cet hommeaitréussi à mefaire succomber. Dans la voiture qui nous emmène au restaurant, mes talents de comédienne se révèlent au grand jour. Je dévore des yeux le salaud qui me fait vivre l'enfer depuis six mois. Son sourire est celui des premiers émois. Je dois le pousser à se livrer sans réserve. Le téléphone du footballeur vient casser l'harmonie de l'instant. Il affiche «Nicole», le deuxième prénom de Georgette. «Je suis en train de retrouver un ami espagnol. On va manger, et après je vais rentrer», lui dit-il, sans le moindre embarras. Je pouffe intérieurement. Samuel s'excuse, et pose sa main sur ma cuisse. Il effleure au passage le sac à main enregistreur posé entre nos deux sièges. «Pas de problème Samuel.» Il s'attendait sans doute à un esclandre, mais ma réaction ne paraît pas pour autant le surprendre. Il doit me croire dans un bon jour. Ouf. Au dîner, la conversation s'éloigne vite de nos préoccupations quotidiennes pour s'arrêter sur l'état de notre relation. Mon sac à main est posé sur le coin de la table pour ne rien rater de nos échanges. Samuel n'y voit que du feu, et se lance dans un monologue plein de tendresse, du genre de ceux que j'ai bêtement espérés pendant tant d'années. «Il faut que j'assainisse ma vie. Je ne peux plus dépenser de l'argent à tout crin pour mes amis comme je le fais. Il faut que j'assure l'avenir de ma famille. Et si toi et moi avons aussi un enfant, il faut que je puisse assurer son futur de la même manière.» Sa tirade illustre le gouffre qui s'est creusé entre nous. Samuel n'a aucune idée de mon état d'esprit après le cauchemar qu'il m'a fait endurer. Comment peut-il croire que je veuille encore de lui, ou –plus fort encore –que je sois prêteàavoirunenfantaveclui?Cetteévocationme ramène à un souvenir douloureux. Six mois plus tôt, j'étais tombée enceinte de Samuel. Il n'en a jamais rien su. J'avais arrêté la pilule, pensant que nos rapports sexuels de plus en plus espacés rendaient cette précaution inutile. Je n'avais pas mis longtemps à choisir d'avorter: même folle amoureuse, il était hors de question de faire un enfant avec un homme qui multiplie les conquêtes. Si cette décision s'est imposée à moi, elle n'en restait pas moins source de souffrance et constitue alors une cicatrice encore vive. Je n'en laisse rien paraître. Face à cette évocation soudaine d'une paternité à venir, j'abonde dans son sens, sans en rajouter, pour ne pas rendre la scène plus pathétique qu'elle ne l'est. Mon seul souci, à cet instant, est que le micro de mon Blackberry remplisse sa mission. Nous rentrons à l'hôtel. J'ai déjà gagné la partie. Si l'on m'accuse un jour d'avoir spolié Samuel à son insu, j'aurai toute la panoplie d'enregistrements qui prouvera ma bonne foi : les déclarations d'amour, les menaces, et le chantage aux photos. En grimpant les marches de la réception, je savoure ma victoire d'un rictus discret. Samuel est toujours à mes côtés. Il m'apprend que l'un de ses amis parisiens, Qualité, va nous rejoindre pour partager un verre. Je me méfie de ce rebondissement imprévu dans l'agenda de notre soirée romantique. Nous nous retrouvons tous les trois dans ma suite. Pendant que je me démaquille, je reçois le SMS tant redouté. «J'ai envie que mon copain te prenne.» Mes poils se dressent instantanément sur mes bras. C'est une maladie. Le pire, c'est qu'une heure plus tôt, il me faisait un récital larmoyant sur la nécessité de mettre de l'ordre dans son existence. Rien de mieux pour se ranger des voitures que de regarder sa future femme coucher avec son pote! J'aienviedecriermondégoûtmaisjene veux pas prendre le risque de l'énerver. Je suis bien placée pour connaître son caractère impulsif et la violence qu'il peut entraîner. J'inspire profondément, et lui glisse d'une voix douce: «Iln'est pas question que ton ami et moi fassions quoi que ce soit. » Il n'insiste pas. Qualité s'en va. Je me crois sauvée, mais cette fois, c'est Samuel qui me rejoint dans la chambre. J'avais prévu cette éventualité, je m'y étais préparée psychologiquement. Je pose incognito mon Blackberry, toujours en marche, sur la table de chevet, en prenant soin de le retourner pour ne pas que la lumière rouge de l'enregistreur trahisse mon rôle d'espionne au beau milieu de la nuit. «Viens au lit», lâche-t‑il d'un air coquin. Pendant nos ébats, je simule à tout crin. Ne surtout pas éveiller ses soupçons: unfaux pas m'exposerait à une explosion de rage aux conséquences imprévisibles. Je suis moins écœurée que triste de devoir en arriver là. Une fois le rapport terminé, il m'enlace tendrement. «Je t'aime, Nathalie. Mais sache que si tu me trompes de nouveau, je suis capable de te faire violer, et de te faire tuer. » Message reçu. Dans l'avion qui me ramène à Yaoundé, je célèbre intérieurement le succès de mon escapade. Ses déclarations d'amour sans équivoque balayeront toute accusation d'escroquerie. Bien entendu, je me garde bien de lui révéler les coulisses de mon manège parisien. Deux jours plus tard, je décide de mettre un point final à notre histoire d'amour. Plus de dernière chance, plus d'ultimatum. Un message, un seul, pour faire table rase d'une relation où le pire a fini par occulter le meilleur. «Iln'y aura pas de photos de Fally, Samuel. Si tu veux que nous restions amis, je suis d'accord. Sinon, je romps. Définitivement. » Il sent ma détermination. Inutile de débattre. Ce tempslà est révolu, pour lui comme pour moi. «Ok. J'accepte la rupture. Mais ne crois pas que je vais en rester là. J'ai fait de toi ce que tu es devenue aujourd'hui. Je peux te défaire. À partir de maintenant, considère-moi comme ton ennemi.» Son message s'accompagne de la liste des cadeaux qu'il me faut lui rendre au plus vite. Je connais ce refrain par cœur. J'effectue une ultime sauvegarde sur carte mémoire de nos cinq ans d'échanges tous azimuts: textos, MMS, e-mails. Je dois pouvoir dégainer à tout moment l'historique complet de notre liaison clandestine. Une fois cette mission accomplie, j'efface pour de bon Samuel de ma vie numérique : numéro de portable bloqué, liste noire sur WhatsApp et autres applis de messagerie. C'est comme si je voyais l'homme que j'ai tant aimé disparaître sous mes yeux. Cet ultime coup de balai vient sceller symboliquement la fin de notre union. Un bref pincement vient m'enserrer le cœur. La séquence nostalgie s'arrête là. Je sais que la colère de Samuel va bientôt s'abattre sur moi. C'est une question d'heures, peut-être de jours. Je l'attends. Je n'ai plus peur. Enfin. La rumeur de la vengeance imminente du footballeur se répand bientôt dans toute la ville. Je l'ignore superbement. Dix jours après avoir rompu toute communication, les foudres divines que le bruit de la rue me prédit m'ont encore épargnée. Après tout, la coupe du monde de foot au Brésil approchant à grands pas, l'attaquant a peut-être d'autres chats à tacler. Kadji a bien tenté de me mettre quelques coups de pression par téléphone, mais je ne prends plus la peine de lui répondre. Pour moi, la vie reprend son cours. Le travail, les amis, la fête. Le 28 mai, à ma sortie du bureau vers 23 heures, je m'autorise une soirée en boîte en companie de mes deux petits frères, Fabrice et Teddy. J'ai envie de danser, de m'offrir une cuite. En entrant dans la discothèque, une connaissance m'annonce que Kadji est présent àl'intérieur et qu'il me cherche. La belle affaire. Qu'il vienne donc me trouver que je puisse lui dire en face de me foutre lapaix.Jemetrémoussecommejamais.L'alcool coule à flots. Vers 4 heures du matin, la fatigue m'assaille. J'ai trop bu. Un de mes amis me cueille au débotté alors que je m'apprête à partir. «Je te présente un copain à moi qui est commissaire. Tout le monde ici sait que tu es menacée. Il va t'escorter jusque chez toi pour assurer ta sécurité. » Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris, mais je fais un «oui» de la tête pour approuver l'initiative. Mes frères et moi rejoignons la voiture sur le parking. Je confie le volant à Fabrice, consciente que je ne suis pas en état de conduire. Nous prenons la route. Le véhicule de l'officier lance une manœuvre pour nous dépasser lorsqu'un taxi surgi de nulle part vient s'intercaler entre nos deux véhicules. Fabrice est obligé de freiner. Derrière nous, un pickup de la police fait son apparition, nous imposant de nous arrêter. Un homme équipé d'un talkie-walkie en descend, tape à la vitre, et me fixe du regard. «Nathalie Koah? Descendez du véhicule je vous prie.» Le moment tant redouté est arrivé. Dans un sens, je suis soulagé de ne plus vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. J'espère que l'issue sera heureuse, mais l'essentiel est de mettre un point final à cette comédie qui n'a que trop duré. Dans la voiture qui nous conduit à cent àl'heure au commissariat, je remercie le ciel d'avoir pu anticiper l'inévitable. J'ignore encore si mes précautions auront l'effet escompté, mais je ne pars pas désarmée. La patrouille qui s'est chargée de mon cas ignore superbement les deux ou trois commissariats que nous croisons sur le chemin. C'est finalement dans un poste de police situé à cinq kilomètres du lieu de mon arrestation que nous entrons. Samuel doit y avoir quelques amis. À cette heure avancée de la nuit, le commissariat du 2e arrondissement est désert. Dans le hall d'accueil, un gradé de permanence, commissaire adjoint, me montre un papier. L'ivresse m'empêche de déchiffrer correctement le document. «Samuel Eto'o a porté plainte contre vous pour escroquerie », résume l'officier. Je ris si fort que Fabrice se sent obligé de me calmer. Mon hilarité est autant provoquée par l'absurdité de la situation que par mon taux d'alcoolémie, qui m'aide, semble-t‑il, à dédramatiser. Je tente de reprendre mes esprits et m'adresse àl'officier sur un ton complice. «C'est une histoire de rupture sentimentale mal digérée. Vous perdez votre temps.» Contre toute attente, le policier paraît accorder du crédit à mes paroles. «Écoute-moi, petite sœur, ne te lance pas dans un bras de fer avec ce monsieur. Je me fiche de ce que tu as fait ou non. Envoie un message à ton copain pour lui dire que tu t'excuses. Tu te rendras service. Certaines femmes passent trois jours ici en cellule pour ce genre de choses.» Si elle est exacte, cette information me scandalise bien plus encore que mon propre cas. De toute façon, plutôt mourir que d'implorer son pardon. Le commissaire adjoint prend acte de mon refus, me retire mes téléphones, et m'annonce que je vais être entendue par le commissaire principal. Je lui demande au passage s'il est bien légal d'arrêter un suspect à 4 heures du matin en pleine rue sans preuve solide d'une infraction. «Le procureur a signé un mandat d'arrêt autorisant votre interpellation à toute heure et en tout lieu», me répond le gradé, en me tendant un papier signé du procureur Bifouna. Tout s'éclaire. Le piège se referme peu à peu. Le commissariat se remplit vers 7 heures. Mon audition approche. Je fais appel à l'avocat qui m'avait conseillé d'enregistrer mes échanges avec le footballeur et sa clique. J'entre en sa compagnie dans le bureau du commissaire principal. Kadji est présent, au nom du plaignant. J'ai eu le temps de dessoûler: j'ai retrouvé la confiance qui m'avait animée depuis mon retour de Paris. Mon interlocuteur est un homme assez âgé, chétif, dégarni. Il affiche d'entrée une nervosité palpable. Le gradé me dresse la liste des 200 millions de francs CFA de cadeaux que Samuel a fournie dans sa plainte. Il s'attarde sur les 30 millions réglés en cash pour payer ma voiture. Un véhicule qui, selon le document, devait être utilisé par la fondation Samuel Eto'o, mais que j'aurais détourné à mon profit. Je balaye l'accusation d'un revers de main. «C'est un mensonge, tout simplement parce que je n'ai jamais entretenu de rapports professionnels avec M. Eto'o. Il s'agissait d'une relation exclusivement sentimentale. C'est à ce titre que ce véhicule m'a été offert. M. Eto'on'a pas supporté notre rupture, et veut désormais récupérer ce qu'il m'a offert. » L'argument semble porter. L'officier s'empare des factures apportées par Kadji en guise de preuves, et constate qu'elles se montent à seulement 17 millions de francs CFA. «Il en manque beaucoup pour arriver aux 200 millions évoqués dans la plainte. Où est le reste? demande le policier au bras droit du footballeur. J'entre en sa compagnie dans le bureau du commissaire principal. Kadji est présent, au nom du plaignant. J'ai eu le temps de dessoûler: j'ai retrouvé la confiance qui m'avait animée depuis mon retour de Paris. Mon interlocuteur est un homme assez âgé, chétif, dégarni. Il affiche d'entrée une nervosité palpable. Le gradé me dresse la liste des 200 millions de francs CFA de cadeaux que Samuel a fournie dans sa plainte. Il s'attarde sur les 30 millions réglés en cash pour payer ma voiture. Un véhicule qui, selon le document, devait être utilisé par la fondation Samuel Eto'o, mais que j'aurais détourné à mon profit. Je balaye l'accusation d'un revers de main. «C'est un mensonge, tout simplement parce que je n'ai jamais entretenu de rapports professionnels avec M. Eto'o. Il s'agissait d'une relation exclusivement sentimentale. C'est à ce titre que ce véhicule m'a été offert. M. Eto'on'a pas supporté notre rupture, et veut désormais récupérer ce qu'il m'a offert. » L'argument semble porter. L'officier s'empare des factures apportées par Kadji en guise de preuves, et constate qu'elles se montent à seulement 17 millions de francs CFA. «Il en manque beaucoup pour arriver aux 200 millions évoqués dans la plainte. Où est le reste? demande le policier au bras droit du footballeur. à tout jamais. Le château de cartes monté par Samuel et sa bande s'effondre sous les yeux des policiers, mais ils n'en tirent aucune conséquence en ma faveur. Je suis coupable, quoi que je dise, quoi que je fasse. Il me reste mes précieux enregistrements mais il est hors de question que je les confie à ces pantins désarticulés. Onm'amèneencellule. Je n'ai jamais vu un endroit aussi sale de toute ma vie. On dirait un ancien bureau désaffecté, au milieu duquel trône un canapé délabré. Voilà qui me change de la vie de palace. Je passe trois jours et deux nuits dans ce cloaque. Le comble est atteint lorsque mon avocat tente à son tour de me faire entendre raison, et m'incite à signer un protocole d'accord avec Samuel ouvrant la voie à la restitution de ses cadeaux. Plus on m'encourage dans ce sens, moins je l'envisage. Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question d'honneur: céder ferait de moi le joujou de Samuel Eto'o pour toujours. Je préfère de loin passer cent ans à croupir derrière les barreaux. Dehors,monentourageprochesemobilise.Monami Amadou, avec lequel Samuel me suspectait à tort d'avoir une liaison secrète, apprend mes mésaventures par mon petit frère Teddy. C'est un homme influent lui aussi. En faisant jouer ses relations, il obtient un réexamen du dossier par le procureur. Je connais le nom et le poste de l'intervenant haut placé qui a permis ce miracle mais je ne tiens pas àl'ébruiter. Son courage, dans un pays encore largement miné par la corruption des élites, pourrait lui coûter cher. Je suis extraite de la cellule un samedi matin, après trois jours de cauchemar. C'est Teddy qui vient m'annoncer la nouvelle de ma libération. Le substitut du procureur est lui aussi présent. Il m'explique que je peux rentrer chez moi, et que je dois rester à la disposition des enquêteurs si la suite des investigations nécessite une nouvelle convocation. J'attends encore de connaître les raisons de ce dénouement avant de m'en réjouir. Amadou m'attend à la sortie du commissariat. Il m'explique les coulisses du revirement, et mejure qu'il ne faut y voir aucun tour de passe-passe. «La procédure était totalement illégale. C'est une affaire civile, et non pénale. La loi ne prévoit ni mandat d'arrêt, ni garde à vue pour ce type de cas. Mes amis ne t'ont pas fait une fleur : ils n'ont fait qu'exiger la stricte application de la loi. » Je rentre chez moi sale, exténuée, mais l'esprit libéré. Pour autant, derrière le soulagement, subsiste un arrièregoût d'amertume. Que se serait-il passé si Amadou n'était pas intervenu? Quel sort réserve-t‑on à celles qui vivent la mêmeinjustice que moi mais n'ont pas les relations qui leur permettent de faire valoir leurs droits? L'affaire Eto'o-Koah cache sans doute des milliers de cas similaires aux conséquences sûrement bien plus dévastatrices. En m'endormant enfin après deux nuits blanches ou presque, je pense au scandale quotidien vécu par ces femmes sans titres, esclaves d'un patriarcat archaïque et de la corruption ordinaire, qui n'ont pas la chance que j'ai eue. Une dizaine de jours passent. Je n'ai pas de nouvelles de Samuel ouses apôtres, même de manière indirecte. L'épilogue de mon arrestation a sans doute refroidi ses ardeurs, et mis en sourdine pour un temps son sentiment de toutepuissance. C'est devant ma télé que je m'apprête à revoir mon ancien amant pour la première fois depuis des mois. Après bien des péripéties, l'équipe nationale du Cameroun s'est qualifiée pour la coupe du monde au Brésil. Mon ressentiment à l'égard de Samuel n'empêche pas mon souhait de voir les Lions et son capitaine briller sur les pelouses et porter haut nos couleurs. Le jour de l'ouverture de la compétition arrive enfin. Le pays tout entier retient son souffle. Je suis dans mon salon, suspendue à la télévision qui diffuse la cérémonie d'ouverture, lorsqu'une amie, Pamela, m'envoie uncurieux message par le service en ligne WhatsApp. «Tes photos sont dehors!» De quoi parle-t‑elle? Mes photos? Je ne comprends rien. Pamela marque une pause le temps de rédiger un nouveau message. Des milliers d'images se bousculent dans ma tête. OhmonDieu.OhmonDieu. «Des photos de toi nue! Partout sur Internet!»

REVENGE PORN.         Foot, sexe, argent: mon témoignage ex de Samuel Eto'oOù les histoires vivent. Découvrez maintenant