La nouvelle de la présence de Georgette à Monaco me fait l'effet d'une décharge électrique dans le cœur. Elle me renvoie instantanément à ma condition de maîtresse. Je l'avais presque oubliée, tant les derniers jours passés ensemble m'en avaient éloignée. Je me sens d'un coup vide, inutile. Je suis un meuble disgracieux dont on se débarrasse en urgence avant que les invités n'arrivent. J'ai honte. Cruelle ironie: je suis la maîtresse et je me sens trompée. Trahie par son mensonge et sa lâcheté de ne pas m'avoir avoué la vraie raison de mon exfiltration. Devant Serge, je fais bonne figure. Je ne dois pas paraître choquée. Manifestement, ses amis n'ont pas la même prudence que Samuel lorsqu'il s'agit d'évoquer Georgette. Le patron ne les a sans doute pas informés qu'il s'agissait là d'un sujet que nous n'abordons pas, ou du moins, pas de manière explicite. Ils pensent qu'entre nous le contrat est clair, et que j'accepte sans sourciller ma condition de femme de l'ombre. La réalité n'est pas aussi simple. J'en prends conscience de la plus désagréable des manières. Je défais mes affaires dans ma nouvelle chambre lorsque Samuel m'appelle. Pour la première fois, je n'ai pas l'intention de laisser couler. J'ai atteint la limite qu'une femme amoureuse peut supporter. Je n'ai pas pour autant envie de tomber dans le sketch de la femme blessée, j'ai trop de fierté pour ça: je veux qu'il avoue lui-même son erreur, son mensonge. Qu'il se sente aussi nul que je me sens. «Ça va? Tu es bien installée?–Oui. Cet hôtel n'est pas aussi beau que l'autre, mais ce n'est pas grave.–Parfait. Sinon, je me demandais un truc: est-ce que tu es sûre de vouloir venir au match?» Son culot m'estomaque. Il ne me prend pas pour un meuble, il me prend pour une conne. Puisqu'il veut jouer, on va jouer. «Bien sûr que je veux venir. C'était le programme qu'on avait prévu, non? Aller tous ensemble à Monaco pour assister à ton match. Tu te rappelles?
-Oui c'est vrai, mais je me suis dit que tu préférerais peutêtre aller faire du shopping ou te balader à la place.
-Écoute, laisse tomber. Allez-y sans moi.
-Mais si. Guy va venir te chercher.
-Allez-y sans moi je te dis.» Je raccroche sans plus d'explications. Mon ton était davantage las que colérique. J'avais envie de lui mettre son linge sale sous le nez, mais je n'en ai pas eu la force. Un détail m'en a empêchée: son match. Je ne veux pas être tenue pour responsable d'une contre-performance. Ce souci de ne pas perturber son esprit avant une rencontre restera un réflexe jusqu'au bout de notre relation. Une fâcherie, même grave et justifiée, peut bien attendre une heure et demie pour éclater. Quelques minutes plus tard, son ami Guy vient sonner à ma porte. Je l'éconduis poliment, mais fermement. À la fin du match, Samuel est informé de mon humeur massacrante et m'appelle pour en savoir plus. Cette fois, j'exprime sans ménagement mon courroux.
-Tu te fiches de moi? Tu sais que Georgette vient et tu ne me dis rien? Et après tu essaies de me dissuader de venir au match sous un prétexte bidon? Il esquive, préférant me reprocher mon attitude avec Guy. «Il vient te chercher et tu lui claques la porte au nez. Ce n'est pas correct.
-Ce n'est pas le sujet. Je te vois peu, j'avale des couleuvres pour toi, je prends sur moi à longueur de journée. Pour une fois que nous pouvons profiter un peu l'un de l'autre, tu fais venir la mère de tes enfants sans rien me dire? Si ça doit se passer comme ça désormais, je préfère m'abstenir de faire le déplacement.
-Et moi, je préfère ne pas venir te voir ce soir, puisque tu es énervée.
-Ça t'arrange bien puisque, de toute façon, c'est avec elle que tu avais prévu de passer la soirée, n'est-ce pas?»
Nous en restons là. Nous quittons Monaco pour Milan le soir même, lui par avion, avec Georgette, moi en voiture, avec le reste de la bande. Je rentre à l'hôtel Art tandis que Samuel passe la soirée chez lui avec sa compagne. Je profite de ce moment de solitude pour réfléchir. À ses yeux, je suis un objet qu'on sort, qu'on planque, et qu'on ressort à l'envi. Mon propre regard sur moi-même ne me plaît guère plus. Je suis une amoureuse transie prête à toutes les compromissions pour une heure aux côtés de son amant. J'appelle une amie camerounaise pour m'épancher. Je lui annonce que je sors depuis bientôt deux ans avec Samuel Eto'o. Elle est la première, en dehors de mon cercle familial, à qui je révèle cette liaison. Je lui raconte la folie des débuts et les doutes d'aujourd'hui. Elle me met en garde contre les illusions que je me fais, assure que les stars du foot comme lui changent de copine comme de maillot. Loin de me jalouser, elle m'incite à la méfiance, me répète que les hommes de son rang ne s'attachent jamais vraiment aux filles comme moi. Ces paroles ne sont pas celles que j'attendais, et pourtant, elles m'apaisent. Ça y est: j'envisage une rupture. Non par envie profonde, mais par instinct de sauvegarde. Cette relation est vouée à me faire souffrir, et ce que je traverse en est la meilleure preuve. Plus elle durera, plus la douleur sera grande. J'attends quelque chose qui n'arrivera pas, et que toutes les maîtresses sont convaincues d'obtenir un jour, prendre la place de la femme légitime. Réaliser cette évidence dès maintenant permettra de m'épargner beaucoup de frustrations et de tristesse. En ai-je seulement la force ? Je m'endors sur ces interrogations, téléphones coupés. Je ne les rallume que le lendemain vers 14 heures. Samuel a essayé de m'appeler pendant la nuit. Le voilà qui tente de me joindre à nouveau. J'essaie de faire le point en une seconde avant de décrocher. Sans succès. Mes pensées s'entremêlent. Sa voix calme me ramène surterre.
"Tout va bien? La nuit s'est bien passée?
-Non, j'ai très mal dormi. Je n'aime pas ce qui s'est passé hier. Tu m'as menti.
C'estvraiquejenet'aipasditqu'ellevenait,maisjen'étais pas au courant. Elle avait des choses à faire ici, et quand elle m'a prévenu, j'ai été mis devant le fait accompli. Je me suis dit qu'elle voudrait déposer ses affaires à l'hôtel pendant le match. C'est pour ça que je t'ai fait partir de la chambre. Je n'avais pas prévu d'y passer la nuit avec elle. La preuve: je suis rentré dormir à Milan le soir même.
-Avec elle?
-Non. Je t'assure.»
Ses arguments tiennent la route. Je veux y croire. Je constate surtout qu'il tente d'arrondir les angles, et sa volonté de régler ce conflit qui me mine depuis la veille me fait du bien. Elle traduit aussi son envie de me garder auprès de lui. De ne pas rompre, comme je l'avais envisagé. Je sens que je dépose les armes. Il ne me laisse pas le temps de souffler, propose de venir me rejoindre dans la foulée, lâche une blague et réussit à me faire rire. Mes velléités d'émancipation s'envolent en un éclair. À son arrivée, je m'abandonne dans ses bras. Nous commandons des pâtes bolognaises au room service et regardons un DVD de Star Trek. Pendant le film, il me déshabille, et me masse le dos. Une après-midi de couple heureux et complice comme toutes les femmes en rêvent. En début de soirée, je m'attends à ce qu'il me quitte d'un instant à l'autre. Ça ne rate pas: il m'explique devoir partir pour retrouver un ami footballeur afin de lui remettre je ne sais quel document. Le retour à la réalité me blesse. Pas pour longtemps.
-Tu m'accompagnes?
me lance-t‑il tout de go.
-Bien sûr.»
Il enfile une veste bleu nuit en velours, et m'aide à enfiler un manteau chaud en soulignant «qu'il fait froid dehors». Nous allons à la rencontre de son ami qu'il me présente avec le sourire. Même s'il ne précise pas qui je suis à ses yeux, cette attention me touche. Je me sens valorisée. Pendant cette seconde où je serre la main de cet inconnu, je me prends à rêver de devenir un jour la femme de Samuel Eto'o. Cet instant change ma perception de notre relation. Il s'est mis en couple avec Georgette il y a longtemps. Peutêtre qu'il ne l'aime plus, mais qu'il reste avec elle le temps de s'occuper un peu de leurs deux enfants. Peut-être que bientôt, il s'en ira. Peut-être qu'alors, nous serons ensemble, pour de vrai. Il faut que je sois patiente. Ce jour arrivera. C'est avec cette sérénité retrouvée que je prends l'avion le lendemain pourParis. Commetoujours,unprochedeSamuel m'accompagne pour faciliter mon séjour sur place. C'est Serge qui s'y colle. Une série de matchs importants attend le joueur de l'Inter en Italie, et j'ai des envies de shopping dans la capitale française. Mon cousin de l'Haÿ-les-Roses m'invite à déjeuner dès mon arrivée. Je sens une forme d'empressement inhabituel dans sa proposition. J'accepte, et au milieu du repas, j'apprends la véritable raison de ma venue.
-Je pense que tu sors avec Samuel Eto'o. J'ai tort? me demande-t‑il.
-Pourquoi penses-tu ça?
-Lors de ton premier passage à Paris, tu revenais de Barcelone, le club où il jouait à l'époque. Là, tu reviens de Milan, le club où il joue en ce moment. Et puis j'ai des amis à Yaoundé qui m'ont dit que la rumeur là-bas est persistante. » Je suis coincée. Tous les indices convergent. Après tout, je suis en famille, je n'ai pas de raison de louvoyer. J'admets que la rumeur est fondée. Je m'attends à de chaleureuses félicitations doublées d'un interrogatoire sur le «vrai» Samuel, je me trompe lourdement.
-Méfie-toi, reprend-il. Samuel voit beaucoup de filles différentes ici à Paris. L'une d'elle vit près du Fouquet's, à deux pas des Champs-Élysées, et vient d'accoucher d'un fils dont tout indique qu'il est le père. » Le ciel me tombe sur la tête. Je n'en crois pas un mot. D'ailleurs, pourquoi y croire? Comment mon cousin pourrait-il savoir ce genre de choses de source fiable? C'est évident, il ne fait que relayer des rumeurs idiotes. Comme toutes les célébrités, et à plus forte raison dans une petite communauté comme celle de la diaspora camerounaise, Samuel inspire des fantasmes plus extravagants les uns que les autres. C'est une cible facile: il est beau, riche et voyage sans arrêt. Mon cousin ajoute que je devrais me méfier. J'opine sans la moindre conviction, pour ne pas le froisser. Mais je repars l'esprit tranquille. Encore des calomnies de cour de récré. Je rentre au Concorde Lafayette. Je n'ai aucune intention de confronter Samuel aux pseudorévélations de mon cousin. S'il doit me démentir chacune des coucheries qu'on lui prête aux quatre coins de la planète, on y passerait nos journées. Par ailleurs, je vois mal comment il pourrait trouver le temps, entre ses matchs, Georgette et leurs enfants, et nos propres escapades, de développer d'autres relations aussi fugaces soient-elles. Le lendemain, Samuel m'envoie ses SMS habituels. Mes réponses sont sèches et froides. Je me surprends moi-même. Les histoires de mon cousin me travaillent peut-être davantage que je ne veux l'admettre. En tout cas, je n'ai pas envie de me lancer dans de grandes discussions, ou dans des échanges de textos amoureux. Je décide de rallier le bar de l'hôtel pour surfer sur Internet avec mon ordinateur portable et boire une Piña colada, mon cocktail préféré. J'aperçois dans le salon du lobby un visage qui m'est familier. Je le reconnais tout de suite: c'est Fally Ipupa. Ce chanteur de rumbacongolaise, superstar en Afrique francophone, possède aussi un public fidèle dans l'Hexagone. Il est considéré comme le disciple et le successeur de Koffi Olomidé, dont Samuel et moi sommes des fans absolus. Naturellement, j'aime aussi beaucoup la musique de Fally, qui est parvenu à moderniser les rythmes plus traditionnels de son mentor. Je l'avais déjà entraperçu à la Nuit des stars à Abidjan et dans quelques soirées VIP au Cameroun, sans avoir eu l'occasion de discuter au-delà des politesses d'usage. Il est assise a quelle que metre de moi ,avec une fille quelques amis. Nos regards se croisent. Constatant que je suis seule à ma table, il me salue et me fait signe de le rejoindre. Je me lève avec mon ordinateur. À cet instant, Serge fait son entrée dans le hall. Il me regarde et tourne la tête en fronçant les sourcils vers Fally, comprenant que je m'apprêtais à le retrouver. Craignant toute conclusion hâtive et erronée, je dévie de trajectoire l'air de rien vers Serge qui, commetoujours, s'adresse à moi sur un ton paternel.
-Tout va bien, petite sœur?
-Oui ça va.
-Tu es en froid avec Samuel? Il paraît que tu ne donnes pas beaucoup de nouvelles.
-Non, tout va bien. C'est juste qu'en ce moment, j'ai la tête ailleurs. Mais ça va passer.
-C'est pour ça que tu allais rejoindre Fally?
-Mais non, je suis assise là au bar, je bois un cocktail depuis tout à l'heure. Je t'ai vu entrer, et je me suis levée pour venir te voir, tout simplement.
-Ok, ok.» Je ne suis pas très fière de mon subterfuge, mais je ne veux pas prendre le risque d'une crise de jalousie injustifiée. Fally est une célébrité presque aussi populaire que Samuel au Cameroun et au-delà. Une discussion même amicale entre le chanteur et moi pourrait créer des tensions inutiles. Je n'ai pas besoin de compliquer ce qui n'est déjà pas simple. Je retourne m'asseoir à ma table sans gloire, en prenant soin de fuir le regard de Fally pour éviter d'ajouter au ridicule de la situation. Quelques minutes passent. Un serveurvientmedireaunomdeFallyqu'il aimerait que je vienne lui parler. Je ne peux pas me défiler deux fois. La curiosité d'échanger avec l'artiste est trop forte. Je m'assure que Serge n'est pas dans les parages et je me lance. Le chanteur m'accueille avec un sourire. Je crois qu'il m'a reconnue.
-Salut... Nathalie c'est ça?
-Oui c'est ça! Tu vas bien?
-Oui ça va. Tu fais quoi à Paris?
-Je suis en vacances.
-Tu veux prendre un verre?
-Non merci, je ne préfère pas.
-Ah oui pardon, je t'ai vu avec ton copain tout à l'heure.
-Non, non, ce n'est pas mon copain. En fait c'est un ami de mon copain.» Je l'ignore encore, mais Fally est un habitué du Concorde Lafayette. Il enregistre alors un nouvel album au studio de la Grande Armée, située dans l'enceinte du Palais des congrès voisin. Il connaît Serge de vue, et sait qu'il est l'un des bras droits de Samuel Eto'o dans la capitale. Dans le petit monde des Camerounais de Paris, tout se sait. Il comprend immédiatement mes réticences: soit je suis la copine du footballeur, soit je suis celle d'un de ses amis parisiens. Dans les deux cas, je ne peux pas aller prendre un verre avec lui au vu et su de tous. Je n'ai pas pour autant envie de laisser filer pareille occasion de partager un moment avec lui. J'ai aussinotéceregardhostiledeSergeenverslechanteur, comme s'il existait un passif entre les deux hommes. Je me rappelle alors de rumeurs qui courent au Cameroun, selon laquelle Samuel et Fally sont brouillés, mais j'en ignore la raison. Il me faut tirer ça au clair. Je lui propose de nous retrouver dans un café en face du Palais des congrès cinq minutes plus tard, ou je le rejoins en ayant vérifié que la voie est libre. Nous papotons le temps de passer commande. Sa présence à mes côtés m'impressionne et me rappelle ma première rencontre avec Samuel. Je me concentre pour paraître le plus naturel possible alors que j'ai envie d'envoyer mille textos à mes copines pour leur raconter que je suis assise avec le grand Fally Ipupa dont elles sont toutes amoureuses. Il entame la conversation.
-Tu viens souvent dans cet hôtel?
-Ça m'arrive oui, quand je suis en vacances à Paris.
-J'ai bien vu que tu n'as pas voulu t'approcher quand je t'ai fait signe tout à l'heure. C'était drôle de te voir te dérouter au dernier moment. Tu es la copine de Samuel Eto'o non?
–Pardon?» Il n'a pas mis longtemps à cracher sa Valda. La franchise de sa question me désarçonne.
-Oui, c'est vrai. Je n'ai pas osé venir te voir car je sais qu'il y a des tensions entre Samuel et toi. Mais je n'en connais pas la raison. Je pensais que vous étiez amis. Je vous ai vus discuter à la Nuit des stars.
-Oui, on se connaît depuis longtemps, je lui ai même fait des dédicaces dans mes chansons.
-Que s'est-il passé depuis? J'ai bien vu les regards mauvais que Serge et toi avez échangés tout à l'heure.
-Samuel m'a fait un sale coup l'année dernière. Je fréquentais une fille, Aurélie, une métisse. Samuel l'a repérée à la Nuit des stars, et après le gala, sa bande a mis le grappin dessus. Ils se fréquentent toujours aujourd'hui. Elle descend à l'hôtel George V quand ils se voient à Paris. Ce ne sont pas des choses qu'on fait entre amis. Mais ce n'est pas le plus grave : il utilise Aurélie pour faire circuler des ragots selon lesquels je serais un collectionneur de femmes. C'est d'autant plus gonflé de sa part que je vois défiler dans cet hôtel pas mal de filles qui viennent pour son bon plaisir et que je me suis toujours gardé de faire savoir.» J'ai le souffle coupé. Pourquoi me dit-il des choses pareilles ? J'imagine Serge en train de faire monter des filles au bon vouloir du patron. Un jour moi, un jour une autre Je ne suis pas la maîtresse, je suis un plan parmi les plans, un joujou, un sas de décompression temporaire. Ces pensées m'écœurent. Si mon cousin a peut-être voulu jouer les protecteurs et fait preuve de zèle en relayant des rumeurs infondées, le chanteur, lui, n'a aucun intérêt à me mentir. On se connaît à peine, on ne se reverra peut-être jamais. Je ne vois pas non plus pourquoi un artiste international de sa trempe se fourvoierait en associant son nom à des calomnies de bas étage. On ne raconte pas à une quasi-inconnue qu'on a été trompé pour le plaisir de converser. J'ai la rage au ventre. Samuel me degoûte . Je me dégoûte.
Quelle conne.
Comment ai-je pu être aussi naïve?
Comment, moi, la fille de la rue, je pensais pouvoir conquérir toute seule le cœur de l'homme le plus convoité du continent africain? J'ai envie de rentrer chez moi. J'ai envie de tout casser. Fally et moi échangeons nos numéros et nous nous séparons. Sur le chemin de ma chambre, les larmes que je retenais tant bien que mal se déversent librement.
KO sur mon lit, j'écoute en boucle le morceau Broken-Hearted Girl
-la fille au cœur brisée de Beyonce.
"Je ne veux pas me séparer de toi Je ne veux pas d'un cœur brisé Je ne veux pas respirer sans toi Je ne veux pas jouer ce rôle Parfois je te déteste mais je ne me plains pas Car j'ai peur que tu t'en ailles.»
Aucun discours ne peut traduire aussi bien ce que je ressens à cet instant. J'aime un salaud. Mais je ne veux plus être la fille au cœur brisée. Depuis deux ans, ma relation avec Samuel n'a pas évolué d'un iota. Les moments de bonheur, réels, ne sont que brefs répits entre deux longues périodes d'absence et d'incertitude. Aujourd'hui, je réalise que mon impatience de le retrouver n'a sans doute jamais été partagée. Pour lui, je n'étais qu'un numéro de chambre sur une liste. Beaucoup d'hommes couchent avec une fille un soir et coupent les ponts. Samuel est bien plus pervers. Il vous garde dans son escarcelle. Il vous fait croire que vous êtes différente des autres. Il y a ceux qui vous prennent et vous jettent comme un Kleenex. Samuel considère les femmes comme un mouchoir en tissu: il vous use et vous réutilise jusqu'à la déchirure. Je repense à Frédéric, mon ex. Il me manque. Je me suis laissé embarquer dans une histoire qui n'était pas la mienne. J'ai été éblouie par un mirage de célébrité, de paillettes et de luxe. Frédéric était un homme simple, calme, posé. Il m'aimait pour ce que je suis. Je repense à ma vie avec lui lorsque Samuel m'appelle. Je ne veux plus prendre de précautions. J'ai trop mal .Jedéverseunflotdecolèreetde tristesse ininterrompu.
«Tut'es foutu de moi.
-Dequoi tu parles?
Tout allait bien depuis Milan. Qu'estce qui t'arrive ?
-Arrête. Tu vois d'autres filles. Tu as un enfant, ici à Paris. Tu fréquentes une certaine Aurélie. Je ne suis plus dupe. Je ne veux plus être avec toi. Plus jamais. Ne m'appelle plus.
-Je lui raccroche au nez. Il me rappelle une fois, deux fois, trois fois. Ma seule réaction est d'augmenter le volume de ma musique et de me plonger dedans. Mes larmes trahissent moins ma haine envers lui que tous ces mois de frustration et d'illusions perdues. On frappe à ma porte. C'est forcément Serge qui vient faire la retape. J'ignore sa présence et j'augmente encore un peu le volume de mon Mac. Après quelques secondes d'attente, il entre avec un passe fourni par la réception. C'est lui qui paye la chambre, il peut y accéder comme il veut. Il est au téléphone et me tend l'appareil. C'est Samuel. J'attrape le portable et le jette au sol. «Je ne veux pas lui parler. C'est un salopard. Fichez-moi tous la paix. Je ne veux plus être ici. Je rentre au Cameroun.
-Tu as parlé à Samuel d'une certaine Aurélie. C'est Fally qui t'a raconté cette histoire ? J'ai bien vu que vous vous regardiez tout à l'heure.
–Non, c'est une copine qui m'a dit ça. Tout Paris le sait. Ça n'a rien à voir avec Fally. Laissez-le en dehors de tout ça. » Serge reste impassible. Il voit bien que me raisonner ne sert à rien. Il sort comme il est entré, sans ouvrir la bouche. Je m'endors dans un mélange de chagrin et de soulagement. Je prends un vol pour Yaoundé dès le lendemain, les yeux encore rougis par ma nuit noyée dans les larmes. Ma mère vient me chercher à l'aéroport. Mon état de fatigue et de nervosité ne lui échappe pas. Elle me demande ce qui se passe. Je lui explique que Samuel n'est pas le samaritain qu'elle croit, qu'ilestvolageetmeconsidèrecommeun membreanonymedesoncheptel.
-Cen'est pas la version qu'il m'a donnée, réagit-elle.Ilse décarcasse pour toi, et en retour, tu ne fais rien d'autres que l'engueuler à longueur de journée.
-Ma propre mère n'est d'aucun soutien. Je n'ai pas la force de lui raconter toutes les horreurs que j'ai entendues sur Samuel. Je lui indique simplement que notre histoire est finie, et lui demande de respecter mon choix. Elle opine sans grande conviction. Les jours qui suivent me replongent dans le train-train quotidien, loin du champagne et des palaces européens. Je passe mes journées, enfermée chez moi, mis à part une ou deux sorties avec des amis. L'ennui cède bientôt la place à la mélancolie. J'étais persuadée que Samuel me rappellerait pour s'expliquer, pour s'excuser. Libre à moi ensuite d'accorder du crédit ou non à ses justifications. Mais rien ne se passe. Une semaine, puis deux, puis trois... Un mois après ma crise de Paris, je n'ai toujours aucune nouvelle de lui. Ai-je été trop loin, trop vite? Je n'ai même pas essayé de vérifier si ce que Fally m'avait dit était vrai. Je me suis laissé dominer par mes émotions, sans lui donner une chance de se défendre. J'ai hurlé, je l'ai insulté, puis je lui ai raccroché au nez. Je commence à culpabiliser. Plus que son absence, c'est son silence qui me pèse. J'ai besoin d'un mot, d'un geste, d'une preuve de vie. Après plus d'un mois sans échanges, je craque, et lui envoie un texto d'excuses. Si nous devons nous quitter, faisons-le avec calme et respect, comme deux adultes civilisés. Pas de réponse. Un mois s'écoule encore sans aucun signe de sa part. J'ai peur qu'il lui soit arrivé quelque chose. C'est idiot, toute la presse mondiale en aurait parlé. Au fond, je crains qu'il m'ait effacé de sa vie pour de bon. Cette idée m'est insupportable. J'étais prête à discuter, désormais, je suis prête à lui pardonner. Tout. Sans plus d'explications. J'ai besoin de sa voix, son rire, son corps. Mes appels comme mes textos se heurtent à un vide sidéral. Pardonne-moi, écoutemoi. Il tient bon. Moi plus. Je dois trouver un moyen d'attirer son attention. Je ne connais qu'une façon de lui faire renoncer à toutes ses résolutions. J'attrape mon téléphone et rédige le SMS qui mettra forcément fin à son mutisme.
J'ai vu un film hier soir avec deux femmes qui faisaient l'amour avec un homme. J'ai trouvé ça bien.
Sa réponse est laconique. Je la sais lourde de sousentendus.
-Comment vas-tu?»...
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RomanceFoot, sexe, argent: mon témoignage ex de Samuel Eto'o: HISTOIRE VRAIE