AU FOND DE SES FILETS

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Je ne cours plus après mon prince charmant en crampons. Samuel voulait faire de moi une adulte. Il y est parvenu, mais je ne suis sans doute pas celle qu'il avait en tête. Ma priorité, c'est mon travail. Trop de prises de tête, trop de frustrations. L'amoureuse dépitée est devenue une «working girl» pressée. J'enchaîne les heures, parfois jusqu'au bout de la nuit, avec l'énergie d'un Stakhanov. Je veux briller, performer. Le reste est accessoire. Samuel et moi continuons de nous donner des nouvelles régulièrement, sans flamme ni drame. De lui, je n'espère plus rien, sinon de beaux cadeaux, de beaux voyages, et un brin de tendresse. En clair, des biens matériels et du sexe. C'est bien suffisant pour assurer mon bien-être. Maintenant j'optimise, je rentabilise. Il a fallu du temps pour que je comprenne enfin qu'en amour, le meilleur moyen de ne pas être déçue est encore de ne rien attendre. La distance et nos emplois du temps respectifs ont largement contribué à mon changement d'état d'esprit. Quand bien même je serais toute entière dévouée à ma superstar, nos rendez-vous ne pourraient pas dépasser une nuit tous les deux ou trois mois. Je n'ai pas encore de congés payés, et le week-end, Samuel est bloqué par les matchs de son championnat. Ce n'est qu'en février 2013 que je décroche enfin mes premières vacances officielles, qui coïncident avec mon anniversaire, le 7 du mois. Samuel m'offre un séjour à Paris. J'espère qu'il pourra m'yrejoindre,au moins le temps de venir souffler les bougies avec moi. Il décline, prétextant un stage d'entraînement avec les Lions. J'ai beau jouer les indifférentes, je suis un peu triste: cela fait quand même huit mois qu'on ne s'est pas vus. Au Concorde Lafayette, je retrouve l'indéboulonnable Sonor, qui me propose de passer mon déjeuner d'anniversaire avec lui et quelques amis à l'Atelier, le grand restaurant de Joël Robuchon sur les Champs-Élysées. J'accepte, mais le cœur n'y est pas. J'enfile une paire de Louboutin offerte par Samuel comme une marque de son absence. Au milieu du repas, je sens des mains se poser sur mes épaules. Je tourne la tête. Mon footballeur affiche ce sourire malicieux que j'aime tant. Je suis touchée par cette arrivée à laquelle j'étais à mille lieues de m'attendre. Après le dessert, direction le shopping. Je repars de l'avenue Montaigne avec un sac Céline en python à 2700 euros, un sac Chanel à 3250 euros, une montre et des ballerines de la même marque, et une fourrure Burberry à 3000 euros. Sa générosité sans limites m'attendrit. Il s'amuse à me regarder faire les essayages comme dans la célèbre scène de Pretty Woman. La journée se termine par une soirée dans son appartement du XVIe arrondissement. C'est un vrai palace, avec une salle de cinéma au milieu duquel trône une chaussure de foot en or. L'heure avançant, la bande nous quitte petit à petit. Seul Sonor reste avec nous. Ça recommence. Je viens de passer une journée de rêve. Comment dire non? Je suis piégée. Samuel monte dans la chambre pour se changer et nous laisse, moi et Sonor, dans le salon. Ce dernier m'enlace lorsque son patron fait irruption. Comme toujours, Samuel observe d'abord sans bouger. Il est aux anges. Moi, je ne suis plus choquée comme avant. Je fais le job sans dégoût mais sans enthousiasme non plus. On m'a donné du plaisir, j'en donne enretour. Ni plus ni moins. Nos escapades se poursuivent, toujours aussi espacées. Paris, Majorque, où Samuel a joué et possède toujours une superbe maison avec piscine, puis Paris à nouveau. Dans l'intervalle, le numéro 9 a quitté Anzhi. Les rapports avec le club se sont tendus. Même avec son immense talent, il ne pouvait pas faire de miracles, et les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les Russes ne peuvent plus suivre financièrement et proposent à Samuel de diviser son salaire par trois, lui offrant 7 millions d'euros par saison. Nous en parlons. Je lui conseille de refuser: «Tu as trois Champions League à ton actif, tu n'as plus rien à prouver. Reviens en Europe, n'importe quel club te proposera le même salaire et tu retrouveras un niveau de jeu qui te correspond.–Tu as raison.» Il caresse un instant l'idée du PSG, mais il n'y connaît personne. En revanche, son ancien entraîneur de l'Inter, José Mourinho, vient d'être embauché par Chelsea. Samuel reprend contact avec le «special one» et propose de le rejoindre. Le club londonien consent à lui verser un salaire de 8 millions d'euros. Samuel accepte sans sourciller. Il sait qu'il n'est plus aussi en forme qu'avant, et l'admet du bout des lèvres en privé. Il s'en veut d'être parti au Daghestan pour le plaisir de faire le buzz, sans se rendre compte qu'il perdrait sur le plan sportif ce qu'il ramasserait en espèces sonnantes et trébuchantes. À ses yeux, Mourinho lui fait même une fleur en l'intégrant dans son effectif, et Samuel lui en sait gré. Les premiers temps s'avèrent pourtant difficiles. S'apercevant des limites physiques de l'avant-centre, l'entraîneur portugais ne fait que rarement appel à lui, et c'est sur le banc de touche qu'il passe l'essentiel des premiers matchs. Être relégué au rang de figurant est un camouflet difficile à supporter pour Samuel, d'autant que l'équipe enchaîne les performances. Il ronge son frein en silence: lui seul est responsable de la baisse de son niveau de jeu. Ces difficultés sportives le rendent plus disponibles à nos échanges téléphoniques. Je lui parle de mon travail à l'aéroport qui me donne plus que jamais des envies de voyages. Il me demande où je rêverais d'aller. Ma réponse fuse: New York! Mes désirs sont des ordres. Impossible pour lui de m'accompagner, et pourtant, alors qu'il se trouve à Londres, il organise pour moi un séjour tous frais payés début novembre à l'hôtel Mandarin Oriental, en plein Manhattan. L'établissement est le plus incroyable qu'il m'ait été donné de visiter, avec sa réception perchée au trentième étage. Ma chambre, sans être dingue, possède une vue magique sur Central Park. Je le noie sous une pluie de textos surexcités, regrettant simplement de ne pas l'avoir à mes côtés. Ma joie est de courte durée. Le lendemain de mon arrivée, mon petit frère m'appelle pour m'annoncer la mort de mon grandpère. Je suis dévastée. Depuis le décès de mon père, il était devenu la figure paternelle à laquelle je m'étais raccrochée. J'ai besoin de pleurer, de parler. Je sors mon téléphone pour informer Samuel, mais un MMS reçu au même moment m'en empêche. Il est de Rolande, l'une de mes amies hôtesse de l'air. Elle m'envoie une photo bras dessus bras dessous de Samuel et Marie-Christine, une autre de nos collègues, avec qui il avait eu une histoire d'amour il y a cinq ou six ans. Le cliché, daté du jour de mon arrivée aux États-Unis, constituait la photo de profil BBM nouvellement mise à jour de notre ancienne camarade. Leur sourire complice est pour moi un crachat à la figure. La seule épaule sur laquelle j'ai envie d'épancher le chagrin de mon deuil est occupée par une autre. C'est la goutte de trop. Je mets ma douleur entre parenthèses le temps d'appeler Samuel. La photo? Quelle photo? Ah oui, celle-là. Il ne sait pas. Ah si, il a croisé cette Marie-Christine dans une gare, et cette dernière voulait un selfie pour sa fille. Il se fout de moi, mais le moment est trop mal choisi. Je raccroche net. Je n'ai pas les moyens de changer moi-même mon billet, et il est exclu que je demande quoi que ce soit à Samuel après ce nouvel affront. Je reste à New York jusqu'àmonvol retour, cinq jours plus tard. Je pense à mon grand-père, à mon père, et à leur regard sur ma vie, depuis les cieux. Je les sais heureux de me voir m'épanouir dans un travail sérieux. Mais j'ai moins de certitude quant à ma situation sentimentale. Seraient-ils fiers de me voir sans cesse malmenée par un homme qui collectionne les femmes sous prétexte qu'il peut tout s'offrir ? Je connais la réponse. Elle ajoute à ma douleur. Peut-être est-ce le déclic qu'il me fallait pour mettre un terme définitif à cette mascarade amoureuse. En rentrant chez ma mère à Yaoundé, je décide de solder les comptes. Un appel, un seul. Le dernier. «En cinq ans, nous en sommes au même point qu'au premier jour. Pire: nous nous voyons au débotté, et le reste du temps, tu vois d'autres femmes à ta guise, sans même parler de la mère de tes enfants. Je suis ta pute. Je ne suis plus une gamine. J'ai vingt-six ans, mais à tes yeux, je ne suis rien d'autre qu'une pute.» Il comprend que cette dispute ne ressemble pas aux autres. Il tente de crier pour couvrir ma voix, sa technique préférée quand il se sent acculé. Je fais mine de ne pas l'entendre, et continue de déverser mon fiel. Il baisse d'un ton et temporise. «C'est faux. Je te promets que je vais assumer notre relation à partir de maintenant. Tu es la seule qui connaisse toutes les facettes de ma personnalité et qui m'accepte comme je suis. Tu sais tout de moi, et tu es encore là.–Si tu penses ce que tu dis, alors on ne se cache plus. À partir d'aujourd'hui, je veux t'entendre crier sur tous les toits que nous sommes un couple, un vrai.–C'est d'accord.–Tu mens. Ou alors prouve-le dès maintenant, et laissemoi montrer au monde que nous sommes ensemble.–Tupeux y aller. Ici, à Londres, je ne vis plus avec la mère des enfants. Et c'est toi que je veux.» La rumeur de sa séparation officielle avec Georgette courait depuis quelques temps. Je l'espérais vraie, il me le confirme. L'information me réchauffe le cœur. Mais l'heure n'est plus aux belles paroles. Quelques secondes à peine après avoir raccroché, j'ouvre mon compte Facebook. J'y publie une sélection de photos de notre couple prises aux quatre coins du monde ces cinq dernières années: Paris, Milan, Barcelone, Londres... Je n'oublie aucun de nos voyages jusqu'ici secrets. J'ajoute quelques portraits intimes de Samuel en train de dormir, ou dans la baignoire, en prenant soin de sélectionner des clichés où il n'apparaît pas nu. Je clique sur «publier». Je compte bien sur ma liste de cinq cents amis pour que la nouvelle se transmette comme un virus et se répande dans tout le Cameroun et au-delà à la vitesse de la lumière. En fermant les yeux, je repasse le film de notre histoire avec ses hauts et ses bas. Elle n'est pas parfaite, loin de là. Mais c'est la nôtre. Peut-être va-t‑elle enfin répondre à mes espoirs depuis si longtemps enfouis? La nuit est courte. Dès 5 heures du matin, mon téléphone s'affole. Je saisis l'appareil : l'écran affiche des dizaines de SMSet d'appels manqués. La plupart proviennent du même correspondant: Samuel. J'égrène quelques textos pour comprendre la raison de son agitation. «Mais tu es folle? Tu as mis des photos de nous sur Facebook?» J'ai été stupide d'y croire. Il n'est pas juste furieux: il est complètement paniqué. Tu m'as bien dit que tu étais prêt à assumer notre relation? À la rendre publique à la face du monde? Eh bien voilà, j'ai appliqué tes bonnes résolutions à la lettre.–Oui mais c'était à moi de le faire. Laisse-moi juste un peu de temps.» Pourquoi attendre encore, si ce n'est pour mieux se défiler ? Baratin. Je sais désormais à quoi m'en tenir. Je lui écris qu'il peut dormir sur ses deux oreilles, et que les photos vont disparaître dans la minute. Au passage, je lui indique qu'il doit désormais me considérer à ses yeux comme morte et enterrée. «Dans ce cas, tu dois me rendre tous les cadeaux que je t'ai offerts. Vêtements, bijoux, voiture. Tout.–Avec plaisir. Viens te servir. » Mon réveil brutal et la crise de nerfs qui a suivi m'ont vidée de toutes mes forces. Je m'endors les yeux humides sans même m'en rendre compte. À 7 heures, mon petit frère Fabrice vient frapper à ma porte. «C'est Serge. Il veut te voir.» Je pourrais écrire le scénario à l'avance. Mais même si je ne veux plus entendre parler de son patron, je garde de l'estime pour Serge. Les yeux et les cheveux encore englués de larmes, je lui résume la situation pour couper court à toute tentative de rabibochage. «J'aime peut-être encore Samuel. Mais c'est ma tête qui gouverne maintenant. S'il veut qu'on reste amis, qu'il me laisse le temps de digérer ce qu'il m'a fait. Je n'ai rien d'autre à ajouter. » Serge m'écoute sans chercher à me relancer. Il sort son téléphone, s'absente une minute, et revient. «Samuel a porté plainte contre toi pour violation de la vie privée. » Mon premier réflexe est de rire à gorge déployée. Il faut vraiment qu'il ait perdu les pédales pour en arriver à des extrémités pareilles. Il a compris que je ne plaisantais pas, et ne sait plus quoi faire pour se venger. J'ai du mal à croire à la réalité de sa plainte. Je me dis surtout qu'aucun service de police ou de gendarmerie ne pourra prendre cette procédure au sérieux. Serge m'assure que les forces de l'ordre avaient l'intention de venir perquisitionner chez moi, mais qu'il les en a empêchées. De fait, si j'ai la conscience tranquille, je n'ai qu'àl'accompagner à la gendarmerie pour prouver ma bonne foi. J'y vois l'occasion de tuer dans l'œuf cette bouffonnerie. Je réunis mes deux téléphones et mon ordinateur et nous prenons le chemin de la caserne du Lac. Sur place, un officier nous accueille. Il me salue poliment et gratifie Serge d'un chaleureux «Salut, comment tu vas?» Ces deux-là ont l'air d'être copains comme cochons. Je commence à réaliser le traquenard dans lequel je suis tombée. Mais l'uniforme en impose au simple quidam que je suis. À sa demande, je lui remets ordinateur et téléphones. «On va simplement vérifier qu'il n'yapasdephotos compromettantes pour les besoins de l'enquête, ce ne sera pas long», promet-il. Faites donc, mais qu'on en finisse une bonne fois pour toutes. Qu'ils mènent leur enquête et qu'ils me foutent la paix. Mon grand-père doit être enterré dans deux jours. J'ai d'autres préoccupations. À mon grand désespoir, le sketch n'est pas terminé. En sortant de la gendarmerie, Serge me dit que nous devons désormais aller voir le procureur. C'est lui qui a reçu la plainte et dirige l'enquête. S'il faut en passer par là pour que je rentre chez moi blanchie, qu'il en soit ainsi. Au tribunal de première instance, le magistrat me confirme l'ouverture des investigations. Cette fois, je craque, et m'effondre en larmes. Je m'épanche dans son bureau: ma rupture avec Samuel, nos crises, les photos, mon deuil... La sincérité de madétresse n'échappe pas à l'homme de loi. «L'enquête ne sera pas longue. D'ici là, rentrez chez vous, et occupez-vous de votre deuil.» Je rentre chez moi épuisée, vidée. J'ai l'impression d'avoir joué dans un mauvais film. Tout cela ne peut pas être réel. Mais si tel est le cas, alors je viens d'avoir la démonstration de la puissance de Samuel. Comment un homme peut-il mobiliser l'autorité judiciaire de toute une ville à 7 heures du matin pour un tel Vaudeville? Je suis persuadée que la procédure n'ira nulle part. Ma crainte est ailleurs: jusqu'où la colère de Samuel peut-il le mener? Quelle sera la prochaine étape? Dans le secret de notre relation, je pouvais parfois avoir le dessus sur lui. Dehors, il est invincible. Je dois rester sur mes gardes, ne pas l'énerver plus que de raison. Il est une superstar mondiale, je suis une hôtesse d'accueil lambda. À ce jeu-là, lui seul peut gagner. À monretour à la maison, j'évite soigneusement de faire le récit de ma matinée à ma mère. Cette histoire la dépasserait, et pourrait l'inquiéter inutilement. Fabrice, qui a assisté àl'arrivée de Serge dans ma chambre et a vu les photos sur mon Facebook, veut en savoir plus. Je lui explique que Samuel fait des histoires à cause des clichés que j'ai postés, sans m'étendre. Nous partons à Obala, le village de mon grand-père pour assister à la veillée funèbre. Elle doit durer deux jours. Je suis partagée entre le chagrin du deuil, et l'incertitude de mon sort judiciaire. Au cours de la veillée, je n'ai aucune nouvelle de la gendarmerie ou de la justice. Le seul moyen demecontacter est d'appeler sur mon téléphone professionnel, le seul que les autorités aient consenti à me laisser. Après trois jours sans nouvelles, le portable sonne enfin. La famille au complet est réunie autour d'un dîner. C'est Serge. Voir son nom s'afficher me soulage. Je m'imagine que Samuel s'est rendu compte des dégâts provoqués par son coup de sang, qu'il culpabilise, et veut m'annoncer la fin des poursuites. La réalité est tout autre. «Tu as le numéro de Teddy? m'interroge le bras droit.–Pour quoi faire? Fabrice est au courant de nos problèmes, mais Teddy ne sait rien. Laissez mon petit frère en dehors de tout ça.–Samuel voudrait lui parler de son foot.» Ça m'a tout l'air d'une basse manœuvre. Mais s'il disait vrai ? Je ne peux pas laisser une opportunité échapper à Teddy. La star l'appelle dans la seconde qui suit. Je garde une oreille sur leur échange. La conversation semble effectivement tourner autour du ballon rond, des progrès de Teddy, des résultats de son club. Puis mon frère tend l'appareil à ma mère. Cette fois, il est bel et bien question de moi. Je m'approche du combiné. Ma mère ouvre grand les yeux. J'entends Samuel lui raconter que je le trompe depuis des mois avec Fally Ipupa. D'où peut-il sortir une connerie pareille ? Il développe et annonce qu'il a eu connaissance de nombreux échanges suspects par SMS. Il est vrai que l'artiste et moi, au bord du flirt il y a quelques mois, avons depuis tisséunerelationamicaletrèsforte.Jemesuisconfiéeà lui sans détours, ne cachant rien de mes questionnements et des difficultés que Samuel et moi traversions. Savoir que j'entretiens depuis des années une amitié si intime sans son consentement est un affront. À cela, s'ajoutent d'évidentes suspicions que Fally et moi ayons poussé notre amitié jusque sous les draps. C'est faux mais le démontrer ne serait pas simple. Ma mère est blême. «Samuel va t'appeler. Ne crie pas s'il te plaît», me dit-elle. Si de banales photos de vacances m'ont conduit dans le bureau du procureur, où cette découverte va-t‑elle m'emmener? En prison? Cette hypothèse, aussi absurde soit-elle, ne me paraît pas si farfelue. Je tremble de tout mon corps en décrochant l'appareil. «C'est moi le type instable? C'est moi le mec volage? Tu as oublié de me dire que tu avais toi-même tes petits secrets ! Que tu allais retrouver Fally dans mon dos! Et que vous disiez du mal de moi.» Il me cite les conversations les unes après les autres, datées, mot pour mot, en sélectionnant soigneusement les plusambigües,oucellesoùjemeplainsdesonattitude. Dans l'une d'elles, Fally m'écrit : «Allez viens, je vais te faire un enfant». Une blague destinée à me faire sourire alors que je traversais une énième crise avec mon footballeur. Pour Samuel, c'est forcément du premier degré. Je plaide ma cause, perdue d'avance. «Fally et moi sommes amis. Il m'a écouté quand j'avais besoin de me confesser. Et puis comment sais-tu tout ça? Tu t'es procuré mes conversations?–Bien sûr que oui. Je connais tout le monde au Cameroun, à toutes les strates du pouvoir. Tu vois ce que je peux faire? Je peux détruire ta vie. Je peux te broyer si je veux.» Je suis au bord du malaise. Je cherche un endroit pour m'asseoir. Comment peut-il être aussi menaçant en plein milieu de mon deuil? Son ego blessé a pris possession de son être. Il est fou, littéralement. J'ai eu un avant-goût de l'étendue de son pouvoir. Il ne feint pas l'influence qui est la sienne. Il va me faire virer. Il va m'envoyer au tribunal. Les scénarios les plus noirs défilent dans ma tête. Je n'ai aucun moyen de lutter. Je baisse les armes. «Les messages que tu as lus sont authentiques. Vas-y, broie-moi. Si c'est le seul moyen de te faire sortir de ma vie, fais-le. » Il se calme et marque une pause. Puis reprend d'une voix douce. «J'ai une meilleure idée. Nous allons nous voir. Tu vas me raconter ton histoire d'amour avec Fally. Et avec tous les autres hommes avec qui tu m'as trompé. Je veux tout savoir. Dans les moindres détails.

REVENGE PORN.         Foot, sexe, argent: mon témoignage ex de Samuel Eto'oOù les histoires vivent. Découvrez maintenant